Histoire

L’INFORMATION HISTORIQUE : L’EXEMPLE DU SIIN

Ethiopiques n°54

revue semestrielle

de culture négro-africaine

Nouvelle série volume 7

2e semestre 1991

Si j’ai choisi de traiter ce thème, et, devant ce parter d’éminentes personnalités du monde de la Culture, c’est parce que précisément l’histoire du Siin est toujours tronquée, si elle n’est pas déformée par certains historiens traditionalistes, des cinéastes, ou par des journalistes. Pourtant il devrait s’agir d’une véritable communication, cette transmission de la saine information pour permettre une communion d’esprits et d’idées.

Hors du contexte que voilà, l’histoire devient un simple récit d’actions ou d’événements imaginaires, un récit plaisant pour contenter une famille, une communauté.

Pour illustration, permettez-moi de définir l’histoire comme une étude d’une période particulière : Celle du règne du Bour Siin Coumba Ndoftène FA MAK, puisque c’est de lui qu’il s’agit toujours, est généralement présentée comme un vulgaire. Pourtant quel fin stratège ! quel esprit d’organisation et de méthode !, quel démocrate, mais surtout quel courage et quelle sagesse !

Quelques exemples :

– La pièce théâtrale de Alioune Badara Bèye intitulée « Maba laisse le Siin » et diffusée par la Télévision Nationale.

Le Bour Siin Coumba Ndoftène FA MAK, qui avait 57 ans au moment des événements relatés, est présenté à l’écran avec un accoutrement bizarre, sans manteau royal, entouré uniquement de femmes et tenant une bouteille de vin, comme si cette liqueur est le propre des Sérères. En somme, un roi sans moralité et sans souci pour son peuple !

– Dans une enquête réalisée sur le « Legs de Maba Diakhou BA », parue dans le quotidien national n°6073 du jeudi 23 août 1990, un journaliste du soleil note :

« Un jour, Lat Dior et Abdou BA, un des lieutenants de Maba, accompagnés d’une petite troupe, s’étaient rendus en tournée d’inspection et de reconnaissance le long du Fleuve Saloum pour contrôler si les Français ne faisaient pas mouvement vers Nioro. Ils tombèrent par hasard sur des gens du Siin qui débarquaient des armes et des caisses d’alcool achetées en Gambie et sur une berge. Ils fondirent sur eux et en tuèrent un certain nombre. D’autres s’échappèrent. Les fuyards poursuivis par Lat Dior et Abdou BA trouvèrent le Bour Siin Coumba Ndoftène dans une proche localité où il s’était rendu pour y célébrer des funérailles.

En voyant son ennemi personnel loin de ses bases, Lat Dior crut que le moment tant attendu était arrivé. Lui et ses compagnons foncèrent sur les Sérères. Mais protégé par sa garde rapprochée qui se battra jusqu’au dernier homme, le Bour put battre en retraite et regagner Diakhao dans des conditions très difficiles.

Arrivé en catastrophe dans sa capitale, tout le Siin cria : Vengeance ! Vengeance !… »

Et le journaliste de poursuivre dans les paragraphes suivants : La défaite de Somb et le sabre de Boucon :

« Mais lorsque Coumba Ndoftène lui envoya son message insultant, Sémou MAK s’acquittera de sa mission dans des conditions que l’on sait.

Goumbo Guèye qui brandissait son sabre voulait tuer l’insolent Sémou MAK etc., etc. »

Quelques remarques sur le texte

  1. L’interpénétration des peuples était quasi inexistante à cause de la rivalité coloniale.
  2. A cette époque, le commerce était de troc. Ces gens du Siin ne pouvaient donc pas aller acheter des produits de la Gambie et sur une berge du Saloum.
  3. Le Bour Siin Coumba Ndoftène FA MAK n’a jamais été l’ennemi personnel de Lat Dior qui l’appelait familièrement oncle (Lat Dior avait 22 ans à cette époque et le Bour Siin 57 ans).

Lat Dior voyait simplement selon le professeur Iba Der THIAM que la position du Siin était bien génante pour les projets du marabout, Maba Diakhou BA. Non seulement le Siin faisait écran entre le Saloum et le Cayor, mais encore sa position pour l’idolatrie en faisait une sorte de défi adresséau combattant de Dieu.

Rétablissement de la vérité historique

  1. Lat Dior n’allait pas en tournée d’inspection et de reconnaissance. Après la bataille de Pathé Badiane où l’armée de l’Almamy, commandée par de valeureux lieutenants (LAT DIOR, BIRANE CISSE, GOUMBO GUEYE SANDIALA, ALY KHODIA BA etc.), mit en déroute la colonne de Pinet Laprade, le damel se rendait à son cayor natal.
  2. La proche localité dont il s’agit n’est que le village de Keur Ngor, bourgade située à quelque kilomètres de Fatick.
  3. Les faits racontés de façon maladroite ne sont que la surprise de Keur Ngor.

Suite à ces exemples, purs récits d’actions imaginaires, vous conviendrez avec moi, qu’au niveau de l’information historique, la vérité a toujours fait défaut en ce qui concerne le Siin. Pourtant vous n’avez jamais réagi parce que vous avez compris que le Sénégal est un et indivisible. Vous avez surtout compris que toute bataille est génératrice de malheurs, mais elle peut permettre le brassage de familles.

Ainsi, cette surprise de Keur Ngor a permis le brassage des familles « guelevar » du Siin, des « Damel » du Cayor, des familles religieuses de Touba, de Tivaouane et de Kaolack, par la Linguère Selbé Ndoffène Diouf interposée, nièce du Bour Sine Coumba Ndoffène FA MAK, sœur du messager Sémou MAK qui deviendra roi du Sine, femme de Lat Dior Ngoné Latyr Diop, mère de Fatma Thioub Diop, elle même mère de Cheikh Mbacké dit Gaïndé Fatma (Paix sur lui).

– Linguère Selbé Ndoftêne était également la mère de Sountou DIOP, mère de Astou Kane, elle-même mère de Cheikh Tidiane SY de Tivaouane.

Ces deux sources de savoir pourraient hériter du trône royal du Sine.

Linguère Selbé Ndoffène était aussi la mère de Bamby Diop, elle-même de Mam Biram Bamby, fils du Bour Siin Coumba Ndoffène FA Ndeb ou Coumba Ndoffène Ndième, roi du Siin qui fut écarté du trône royal par l’administration coloniale, parce qu’ayant commis comme seul tort de plaider non coupable le vénéré Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké (Paix sur lui) taxé de vouloir prêcher la guerre sainte.

– La bataille de Thiouthioune et non de Somb a permis le brassage du Siin et du Rip. La liste serait longue si je m’évertuais à passer au peigne fin tout ce remue-ménage. Ce sont de telles alliances et de telles vertus qu’il faut porter à la connaissance des sénégalais. Toute démarche contraire n’est que de nature à exacerber toute tension.

1867-1991, un siècle déjà

Le Sénégal indépendant a brisé les barrières ethniques. Le Peuple se tourne résolument vers l’essentiel. Dans cette mouvance, le Siin et le RIP se côtoient, fraternisent et retiennent de cette bataille de Thiouthioune que :

– Le message de l’Almamy Maba Diakhou BA qui repose en martyr de l’Islam à Thiouthioune, est entendu et bien entendu au Siin : Les Dioung-dioung résonnent toujours, mais le coran est lu et récité et les mosquées se dressent comme des champignons.

– Coumba Ndoffène FA MAK a recouvré son honneur en défendant son royaume.

– Lat Dior Ngoné Latyr en combattant aux côtés de l’Almamy a été un allié fidèle.

– Le sage conseil du vénéré El Hadj Omar Tall (Paix sur lui) est devenu réalité.

S’agissant du Bour Siin Coumba Ndoftêne FA MAK, son courage et sa stratégie de guerre étaient légendaires. Quand il fut surpris à Keur Ngor, sans armes, alors qu’il célébrait les funérailles d’un de ses captifs DIE THIASS, accompagné de Woula Sanou, de Ndam Samou Ndiaye, il sauta sur son cheval « Péré » et fila à vive allure vers Ndoyo Mbouth situé vers Tattaguine et non Diakhao, sa capitale. C’était une stratégie de guerre de l’époque.

– Alboury Penda ne s’était-il pas exilé parce que moins armé que la colonne française ?

– A Thiouthioune, Damba War Sall n’avait-il pas contraint Lat Dior à quitter le champ de bataille où il ne devait pas mourir, son Cayor ayant encore besoin de lui ?

Coumba Ndoffène était un démocrate, toujours à l’écoute de son peuple, il ne prenait jamais de décision sans le consulter par la voix de son diaraf Wassaly Sène ou par le « Khooy » réunion à laquelle assistait la population du Siin et durant laquelle les saltigués, personnages au pouvoir surnaturel, prédisaient l’avenir. Coumba Ndoffène FA MAK était enraciné dans ses valeurs sérères, mais ouvert et hospitalier.

Il reçut à Diakhao, le vénéré El Hadji Omar Tall (P.S.L.) qui, touché par la courtoisie des Siin-Siin aurait béni ce royaume et aurait recommandé à Amadou Hampâté BA dit Maba Diakhou à Kabacoto de « respecter les rites sérères et de laisser les Siin-Siin à leurs Pangols. Il arrivera une époque où ils se convertiront à l’Islam ».

– En 1857, Bour Siin accorda asile à Thiés Yacine Fall, chassé du Baol après la bataille du Pouri.

– Il reçut à Diakhao et avec faste Lat Dior Ngoné Latyr Diop après sa défaite à Lors et en route pour le Rip de l’Almamy Maba Diakhou BA.

– Il était partisan de la non violence et prônait toujours un dialogue fructueux pour l’instauration de la paix. Ainsi, en 1864, il signa avec Faidherbe et les rois du Cayor, du Saloum, du Baol et du Djolof un traité d’accord interdisant le recours aux armes pour régler les litiges.

– Sous son règne, le royaume du Siin était bien structuré :

– Le Siin avait un hymne :

« Fañ na NGORO Roga deb no kholoum

O Fañ-in Fan-Fan ta tathiatia »

qu’on pourrait traduire par :

Nul ne peut rien contre son prochain sans la volonté divine.

– Le Siin avait une devise :

Dial – fi – mayou to tiin

Servir et produire avec désintéressement.

– Le Siin avait un drapeau de couleur blanche, signe de Paix.

Coumba ndoffene FA MAK avait son fak.

« Mbekheya, Mbekheya te Mbetia Rog,

O MAKO Khonner tig Roga Regou­ne »

La réussite de tout-projet dépend de la volonté divine.

Par delà cet exemple du Siin, il doit s’agir d’une saine information de l’histoire, base de tout enracinement. Ainsi, le développement de l’interculturalité au niveau des médiats s’avère nécessaire. Il s’agira de produire de grandes émissions historiques avec des animateurs Sérères, Pulars, Ouolofs, Mandingues, Diolas etc.

Ainsi, nous romprons avec la tradition qui consiste à se cantonner à l’histoire du Cayor et de ses influences.