Développement et Sociétés

LES ARCHIVES AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT : LE CAS DES ARCHIVES DU SÉNÉGAL

Ethiopiques numéros 36

Revue trimestrielle

de culture négro-africaine neuviéme année

Nouvelle série – volume II n°1 – premier trimestre 1984

Aristote dans sa Politique, cite les archives parmi les éléments indispensables d’une société bien organisée. Plus près de nous, Bernard Guenée, dans son livre, l’Occident au XIII siècle : les Etats, considère les archives et les statistiques comme les signes précurseurs de la modernité d’un Etat. Pourtant, aujourd’hui, dans bien des Etats, particulièrement dans les pays en développement préoccupés qu’ils sont de faire montre, avec satisfaction, des « grandes réalisations » du gouvernement, ou en est encore à se poser la question de savoir si les archives sont un luxe ou une nécessité, si elles peuvent réellement contribuer au développement économique, social et culturel que chacun appelle de ses vœux. Il nous appartient, à nous archivistes, de répondre à la question.

I)Documentation,bibliothèque,archives

La circulation de l’information est devenue une des caractéristiques du monde moderne. L’homme a besoin de fournir son expérience aux autres et souhaite recevoir d’eux, en retour, leur vision du monde et leur appréhension de l’Univers. Le monde a une « faim d’information ». Or l’information est multiforme et a besoin d’être organisée en vue d’une exploitation et d’une diffusion auprès des utilisateurs. La documentation, dont l’objet est la maîtrise de toutes les informations disponibles pour en rendre l’exploitation aisée, se subdivise en trois secteurs : archives, bibliothèques et documentation.

La bibliothèque demeure l’instrument fondamental de diffusion de l’information scientifique élaborée. Le bibliothécaire conserve des collections. Il s’agit d’un ensemble de documents dont 1a réunion est le fruit d’un choix ou du hasard et qui n’étaient pas destinés par leur nature à être conservés ainsi groupés. Le classement de la collection se fait en effet, en fonction de ses buts, de la commodité des utilisateurs ou des nécessités matérielles. Ainsi le bibliothécaire fait une sélection préalable des documents qu’il acquiert en fonction du public qu’il espère servir. Il classe les documents selon des thèmes précis. Ainsi un bibliothécaire de bibliothèque universitaire n’aura pas les mêmes choix que son collègue de bibliothèque de lecture publique.

Les centres de documentation sont nés au XIXe siècle du besoin d’avoir une information rapide et sélective. Un centre de documentation est en général spécialisé, son souci étant d’apporter l’information précise, et la dernière, sur un sujet déterminé. Ainsi on trouve des centres de documentation consacrés à l’arachide, à l’alimentation, à la pêche, etc. Le documentaliste, tout comme le bibliothécaire, conserve des corrections. Il opère la sélection préalable des informations susceptibles d’intéresser les utilisateurs et en outre il a le souci de fournir l’Information de manière immédiate. Essayant de coller à l’actualité, le documentaliste, allège tous les cinq ou dix ans, ses dossiers, des pièces ayant perdu de leur « chaleur ».

Les archives, si je m’en réfère à la loi sénégalaise du 2 février 1981, sont « constituées par l’ensemble des documents, quels qu’en soient la nature, la date la forme et le support matériel, produits ou reçus par une personne physique ou morale dans le cadre de son activité publique ou privée ».

Alors que le bibliothécaire et le documentaliste conservent des collections, l’archiviste a à sa charge, la garde de fonds d’archives il s’agit de l’ensemble des documents reçus ou constitués par une personne physique ou morale ou par un organisme public ou privé, résultant de leur activité, organisé en conséquence de celle-ci et conservé en vue d’une utilisation éventuelle. Le fonds d’archives est en effet la résultante automatique de l’activité de l’organisme qui l’a créé.

Aussi l’archiviste, auxiliaire de l’administration, est-il soumis à la totalité du fonds. Il ne peut ni le scinder, ni le ventiler selon des thèmes. Tout au plus, au cours du classement, peut-il l’alléger des pièces jugées inutiles, c’est ce que l’on appelle le tri. L’archiviste est tenu de respecter l’origine du fonds, c’est le respect de la provenance qui est un des principes fondamentaux de l’archivistique moderne. Il est même tenu de respecter la structure interne du dossier, ensemble des pièces relatives à une même affaire, et doit la conserver telle que l’administration l’a conçue.

Les archives sont conservées à titre de preuve ou d’information.

Les archives, les bibliothèques et les centres de documentation conservent et exploitent des documents. Il s’agit de « tout élément de connaissance ou source d’information fixé matériellement susceptible d’être utilisé pour consultation, étude ou preuve ». La notion de document s’est aujourd’hui considérablement élargie. L’archiviste ne conserve plus seulement des manuscrits ou des documents dactylographiés et imprimés. A côté des livres et des périodiques, le bibliothécaire a aujourd’hui la garde des NBM (Non Book-Material). Les produits de la microcopie (microfiche, microfilm), les photos, les listings d’ordinateur, les cartes perforées, les disques et les bandes magnétiques sont des documents, et il appartient à l’archiviste, au bibliothécaire et au documentaliste de les conserver et de les traiter au même titre que les documents manuscrits, dactylographiés ou imprimés. Ces nouveaux types de documents posent de sérieux problèmes aux spécialistes de l’information. D’abord ils accroissent la masse documentaire à traiter, ensuite les dépôts d’archives, les bibliothèques, en général, n’avaient pas été conçus pour recevoir ce genre nouveau, de documents. Il appartient à l’archiviste et au bibliothécaire de faire appel à leur imagination et à leur savoir faire pour loger ces documents dans des conditions adéquates de conservation et de les exploiter de manière judicieuse.

Après cette présentation rapide des domaines recouverts par l’information, essayons, maintenant, de présenter le cas spécifique des Archives du Sénégal.

  1. II) Les Archives du Sénégal

C’est à la suite d’un incident survenu à la chambre des députés en 1907, où un parlementaire se flattait d’avoir, en sa possession, les originaux d’un certain nombre de documents administratifs, que le Ministre des colonies, Millies-Lacroix dut appeler l’attention du gouverneur général de l’AOF et des gouverneurs sur la nécessité d’exercer une surveillance sur les archives. Le député disait en effet. « Il ne semble pas qu’il y ait beaucoup d’originaux dans les colonies. Les originaux sont pris d’une sorte de danse de Saint-Guy ; ils traversent l’océan avec une inexplicable facilité et circulent partout ailleurs que dans les endroits où ils devraient, où on devrait les tenir ».

Cependant il faudra attendre l’arrivée de William Ponty au gouvernement général pour que le premier archiviste paléographe fût recruté. Ce fut Claude Faure qui arriva en 1912 et fut à l’origine d’un travail considérable. Dès le 1er juillet 1913 furent pris deux arrêtés, l’un créant et organisant les archives de l’AOF l’autre les archives des territoires constitutifs de la fédération. D’autres archivistes paléographes allaient continuer et consolider le travail de Claude Faure (1912-1923). Il s’agit de André Verdard (1936-1942), Marguerite Verdat (1945-1948), Jacques Charpy (1951-1958) et enfin Jean François Maurel qui fut chef du service des Archives du Sénégal, avant d’être mis en 1958 à la tête des Archives de l’AOF qu’il allait diriger jusqu’en 1976.

Il faut signaler, pour s’en réjouir, que les archives de l’AOF sont les seules archives de fédération de colonies que la France n’ait pas rapatriées au moment des indépendances. Les archives sont donc restées à Dakar et comme en 1958, le gouvernement du Sénégal a décidé de transférer la capitale de Saint-Louis à Dakar, les archives du Sénégal, ayant suivi le transfert, ont été logées à côté des Archives de l’AOF faute de local susceptible de les recevoir. Le conservateur qui était chef des Archives du Sénégal, fut en même temps nommé conservateur des Archives de l’AOF et ainsi fut chargé de la garde des deux fonds. Les archives du Sénégal étaient ainsi nées.

Le service fut rattaché au secrétariat général du gouvernement. En 1977, le Service fut érigé en direction des Archives du Sénégal. La loi n° 81-02 du 2 février 1981 relative aux archives la reconnaît comme l’organe de l’Etat compétent pour toutes les questions d’archives. Le décret du 15 avril 1981 l’organise et celui du 1er avril 1983 fixe les délais de communication des archives. Les archives sont désormais communicables selon un délai trentenaire. La direction des Archives du Sénégal est rattachée, depuis le 1 er mai 1983, au secrétariat général de la Présidence de la République.

Les archives du Sénégal comprennent trois fonds : deux fonds clos, ceux du Sénégal ancien et de l’AOF et un fonds vivant, celui du Sénégal moderne qui ne cesse de s’accroître, posant ainsi de sérieux problèmes de stockage.

Le fonds du Sénégal ancien couvre la période 1816-1958. Il s’agit de l’ensemble des documents que la France a élaborés ou reçus sur le sol sénégalais de 1816, date à laquelle elle a repris le Sénégal aux Anglais, à 1958, année que l’on peut considérer comme l’année de l’indépendance. La France, en effet, en 1816, restaure la monarchie et décide de mettre en place une nouvelle forme de colonisation. Les colonies ne sont plus confiées à des compagnies privilégiées ou compagnies à charte, à charge pour elles de les administrer. La France décide, plutôt, d’installer, dans les colonies et au Sénégal, notamment, une administration de type moderne, dirigée par le gouverneur aidé par de nombreux collaborateurs. Cette administration, comme toute administration, secrète des documents et très tôt les gouverneurs ont eu le souci de faire classer les archives. C’est ainsi que des classements ont été opérés par des secrétaires archivistes en 1822, 1832, 1850 et 1892. Cependant ce travail n’a été ni exhaustif, ni continu. C’est pourquoi, l’on peut considère que l’arrêté de 1913 est venu à son heure.

Le deuxième fonds important est celui de l’AOF (1895-1959) ; 1895 est l’année où la colonie française en Afrique de l’Ouest étant devenue trop vaste, il a été décidé de regrouper tous les territoires en une fédération de l’AOF ; quant à 1959, c’est l’année où la fédération est morte et le dernier gouverneur général Pierre Messmer est rentré définitivement en France. Ce fonds contient l’ensemble des documents élaborés ou reçus par le gouvernement général, ses directions générales et ses bureaux établis à Dakar. Il est extrêmement riche et concerne, en plus de la France les huit territoires constitutifs de l’AOF et le Togo.

Il faut souligner cependant que le fonds de l’AOF englobe en plus des documents cités des archives venant du Sénégal et qui remontent à 1816. La raison en est que le Sénégal est considéré comme l’ancêtre de l’AOF.

Pour faciliter l’accès au fonds de l’AOF, il a été rédigé des répertoires imprimés pour la période 1816-1920 et des répertoires manuscrits pour la période 1920-1959. Quant au fonds du Sénégal, il fait actuellement l’objet d’un classement exhaustif et certainement le répertoire sera disponible d’ici deux années.

Le troisième fonds est celui du Sénégal moderne, qui court à partir de 1958. Il est alimenté par les administrations centrales. Les archives des régions sont conservées dans les dépôts d’archives régionales. Ce fonds vivant s’accroît à un rythme tel qu’aujourd’hui la Direction des Archives du Sénégal se trouve à l’étroit dans ses locaux malgré l’ouverture d’une annexe.

La Direction des Archives du Sénégal compte en plus des archives proprement dites, une bibliothèque administrative et historique, spécialisée dans la conservation des livres d’histoire et de droit relatifs à l’Afrique de l’Ouest en général et au Sénégal en particulier et des publications officielles sénégalaises. Elle compte quelque 22.000 volumes et publie la Bibliographie du Sénégal. On y trouve également un centre de documentation à vocation administrative et juridique où sont conservés quelque 300 dossiers d’affaires et de personnalités.

La direction des Archives du Sénégal gère un fonds documentaire d’une dizaine de kilomètres linéaires et un personnel d’une soixantaine d’agents.

On peut être tenté de se poser la question de savoir quelle est la nécessité d’un tel investissement dans un secteur qui peut paraître peu productif.

III)Les Archives du Sénégal au service du développement

Les archives sont certes au service des citoyens à qui elles apportent des moyens de preuve, mais elles sont d’abord et avant tout au service de l’administration. Les Archives, au Sénégal, sont considérées comme un organisme administratif et leur rattachement au Secrétariat général de la Présidence de la République prouve bien que les archives ont pour rôle d’être les auxiliaires de la haute administration. Or dans nos pays, c’est le gouvernement qui guide et soutient, dans une très large mesure, le développement économique, social et culturel de sorte que beaucoup de réalisations dépendent de l’efficacité de l’administration. Cependant aucune administration ne peut être efficace si elle ne sait ordonner ses archives et en tirer le meilleur parti.

Les archives, comme le dit une circulaire du Ministre de l’Intérieur de 1977 « participent à l’effort de planification nationale, aux moyens de prévisions, de programmation à court, moyen ou long terme ». Le développement, n’étant rien d’autre que la mise en valeur des richesses potentielles à partir de ce qui existe tant sur le plan matériel que sur le plan humain pour arriver, à un mieux-être de la société, il est certain que la planification, option de notre gouvernement peut et doit jouer un rôle important dans le développement de notre pays. La planification est une prospective et un inventaire, un inventaire des potentialités humaines et matérielles pour mieux prévoir ; or les archives, réceptacle du patrimoine national, recèlent les études, les enquêtes, les statistiques que l’administration a eu à faire ou faire faire. Ceci est d’autant plus important que la civilisation de l’oralité qui est la nôtre, n’a cure de ce genre d’informations et ne peut, dès lors, en conserver le souvenir. Les premiers documents statistiques conservés aux Archives du Sénégal datent de 1779. Il s’agit du dénombrement des habitants indigènes de Saint-Louis, Podor, Galam.

Si l’administration coloniale a eu le souci constant de dénombrer les populations, elle a également cherché à connaître les potentialités matérielles de la colonie. C’est ainsi qu’en 1858 furent rédigées les premières statistiques commerciales portant sur les années 1844-1848 et 1853-1857. Il faut attendre 1933 avec la création de l’annuaire statistique de l’AOF pour qu’existe une série complète et exhaustive des statistiques des colonies de l’Afrique de l’Ouest. Auparavant, cependant, dès 1839, plusieurs publications officielles avaient été consacrées aux statistiques. Il y a là, c’est incontestable, une masse documentaire riche d’informations qu’aucun décideur ne devrait ignorer s’il veut sainement administrer.

Il ne faut pas non plus oublier que les Archives du Sénégal sont le résultat de cent cinquante années d’administration de notre pays par la France. Certes les buts que s’assignait l’administration coloniale, toute tournée vers le profit pour la Métropole, ne peuvent être identiques à ceux qui animent notre gouvernement préoccupé par le mieux être des nationaux ; cependant nul n’a le droit d’ignorer ce siècle et demi, d’expériences, échecs ou réussites, peu importe, qui doivent servir d’information rétrospective à l’administration pour résoudre les problèmes qui se posent à elle, aujourd’hui. Quand on imagine qu’il y a stockés, sur nos rayons, mais déjà traités environ 5.000 dossiers de travaux publics, de 1816 à 1970 relatifs aux bâtiments, routes et ponts, ports et rades chemin de fer, à l’eau et à l’électricité, on jauge le capital dont dispose l’administration dans les archives. Chaque dossier vaut en effet la somme de travail et d’argent qu’il aurait fallu dépenser pour le reconstituer. Toute exploitation d’un dossier existant constitue un gain de temps et d’argent, deux choses que les pays en développement n’ont pas le droit de gaspiller.

Tout le monde connaît le délicat problème de l’eau au Sénégal. Il n’est pas nouveau et l’administration, par le passé, s’en est préoccupée à plusieurs reprises. Ses expériences doivent nous servir. Ainsi en 1865 le gouverneur du Sénégal a chargé une commission d’étudier les voies et moyens par lesquels il serait possible de substituer l’eau salée de la mer qui remonte dans les marigots du Walo, pendant la saison sèche, à de l’eau douce, en construisant des barrages. La commission était également chargée d’étudier les moyens à mettre en œuvre pour enlever la salinité de certaines régions comprises entre le lac de Guiers et le marigot de Khassack pour les rendre propices à l’agriculture. Les procès-verbaux des réunions de cette commission ainsi que les cartes, les plans et les tableaux de chiffres sur le niveau des marigots sont encore disponibles. Ces dossiers devraient être des sources irremplaçables, parce que jamais taries, pour tous ceux qui ont à réfléchir et à mener la Politique de l’hydraulique dans notre pays.

Les dossiers relatifs à l’adduction d’eau à Dakar se comptent par centaines ; ceux relatifs à la mise en valeur du fleuve Sénégal sont tout aussi représentatifs. Cependant il n’est pas sûr que ces dossiers aient beaucoup servi depuis qu’ils ont été versés aux Archives du Sénégal.

L’administration coloniale s’est également intéressée à la mise en valeur de la colonie, car selon la théorie coloniale, « les colonies sont faites pour le bénéfice de la métropole ». Ainsi l’agriculture est largement représentée. Environ 2.000 à 3.000 dossiers sont consacrés à la politique agricole, aux cultures industrielles, vivrières, aux sociétés indigènes de prévoyance. Ainsi en 1862 le gouverneur du Sénégal faisait appel aux Noirs des Antilles pour venir cultiver le coton au Sénégal et se proposait de recevoir 20.000 Chinois qui s’adonneraient à la culture du riz dans les Niayes, de Lampoul à Dakar. En 1913, le gouverneur général William Ponty envoyait en mission le premier agronome sénégalais Mademba Racine Sy à Alexandrie pour qu’il s’inspire des méthodes employées en Egypte pour la culture du coton.

Les affaires économiques sont en bonne place et se retrouvent dans 3.000 à 4.000 dossiers. Il s’agit du commerce, de l’industrie, de foires et expositions, du tourisme, de la politique économique mise en place pour faire face aux diverses crises qui ont secoué le Sénégal et l’AOF. On y retrouve également les mesures prises par le gouvernement pour juguler le déficit vivrier, afin que l’indigène, revigoré, trouve les forces nécessaires pour produire davantage et partant accroître le profit de l’économie métropolitaine.

L’enseignement, la santé, la défense, les assemblées, l’administration générale, les domaines, les finances sont représentées aux archives et y ont la place que l’administration leur réserve dans la vie courante. Il y a là un capital précieux au service du développement de la nation.

Mais le développement n’est pas seulement économique et social ; il est aussi culturel. L’homme sénégalais recherche aujourd’hui, les attestations de son identité culturelle. Il veut retrouver son fonds culturel. C’est pourquoi il accorde une grande importance à la reconstitution de l’histoire nationale. Or les archives demeurent le laboratoire où s’élabore la recherche historique. Il serait vain et fallacieux de penser que les archives, parce que coloniales ne peuvent être des vecteurs de la culture nationale. Une telle attitude, psychologiquement compréhensible, est scientifiquement insoutenable. Les archives constituent en effet un appoint non négligeable pour la réécriture de l’histoire nationale et la recherche de l’identité culturelle.

Les monographies des administrateurs, les rapports de mission d’envoyés auprès de certaines cours royales les récits des explorateurs, les études, les enquêtes réalisées çà et là, sont des outils précieux pour qui veut retrouver la culture du peuple, les institutions qui le gouvernaient. Il en est de même des registres des tribunaux indigènes et des tribunaux musulmans. Les tribunaux indigènes, installés à l’échelon le plus bas de la hiérarchie administrative, sont en contact direct avec le monde africain et les registres constituent, à l’heure actuelle une des meilleures sources pour la connaissance du droit africain, de la vie quotidienne et enfin de la vision africaine du monde. Les mariages, divorces et successions, les litiges fonciers, les procès de sorcellerie, la criminalité dénotent bien les préoccupations du peuple quant aux tribunaux musulmans ils appliquent le rite malékite et ne concernent que les citoyens musulmans originaires des quatre communes. Mais ils n’en constituent pas moins, une source très riche, pour la connaissance des musulmans du Sénégal en ce qui concerne le droit de la famille.

Enfin les archives recèlent des documents iconographiques ou documents figurés (photographies, affiches, gravures, cartes et plans). Ceci est d’autant plus important que l’Afrique, n’a tracé ni cartes, ni plans, ni portraits. Or les documents figurés sont un élément important pour la conservation et la diffusion de la culture. L’engouement suscité par les cartes postales anciennes le prouve bien.

Conclusion

Les archives sont incontestablement un excellent outil au service du développement économique, social et culturel. Mais un tel capital ne peut se fructifier et rendre les services qu’on peut en attendre que lorsque les responsables du développement sont à même de mesurer à sa juste valeur, tout le parti qu’on peut en tirer et acceptent de lui réserver une place de choix au sein de l’appareil administratif.