Notes de lecture

LE ROMAN DU NIL DE BERNARD PIERRE

Ethiopiques numéro 57-58

revue semestrielle de culture négro-africaine

1er et 2e semestres 1993

Le Roman du Nil de Bernard Pierre apparaît comme un dosage savant entre l’histoire et la géographie.

L’auteur aborde en premier lieu le problème de la découverte des sources du Nil, ce qui lui fournit l’occasion de rappeler le rôle joué par de grands explorateurs, tels que le capitaine Speke, pour qui le fleuve prend sa source au lac Victoria Nyanza (point de vue partagé par Stanley Henry Morton), Burton, selon lequel c’est le lac Tanganyika qui constitue la source du Nil, etc. Il faut néanmoins reconnaître, avec B. Pierre, que la source principale du Nil demeure le Nyanza, une embouchure du lac Victoria.

L’auteur nous invite ensuite à la découverte du cours du Nil. Ce faisant, il en profite pour évoquer quelques sites et localités célèbres traversés par le fleuve.

Au cours du voyage qui nous mène vers Khartoum, nous rencontrons l’Ouganda, que la nature a bien comblé, et où l’abondance de la faune et de la flore contraste avec une certaine modernité. Puis se présente le Styx, nom donné par Samuel Baker au Sud, qui est en fait un monde de marécages. Il se prélasse et s’étale en méandres. Des marécages immenses mangent le fleuve, et le voyageur se demande vraiment où finit et où commence le Nil Albert.

Une présentation des coutumes des principales peuplades qui habitent le long du Nil n’est pas en reste. C’est ainsi, par exemple, que B. Pierre entretient le lecteur des Dinka, qui, écrit-il, ressemblent aux échassiers, des Nuer et des Shilluk, que l’on rencontre au fur et à mesure que le Nil se dirige vers l’est.

Par ailleurs, la distinction entre le Nil Blanc et le Nil Bleu est bien soulignée. Le Nil Blanc, à propos duquel les Français se sont heurtés aux Anglais, à Fachoda, le Nil Bleu, qui opposera un jésuite portugais et un extravagant Ecossais, à propos de la paternité de la découverte de ses sources.

Et nous arrivons à Khartoum, jeune Etat afro-arabe qui a conservé l’empreinte britannique – bien qu’il soit indépendant depuis une trentaine d’années -, et que traversent les deux Nils.

Mais, au terme du chemin de Khartoum, ceux-ci se sont unis après avoir accompli chacun un long parcours.

Dans sa longue route vers la Méditerranée, le Nil rencontre de nombreux obstacles. Il luttera contre le soleil qui lui ravira son eau, contre le sable qui tentera de l’envahir sournoisement, et contre la pierre qui déviera son cours. Là encore, B. Pierre fait ressortir le contraste entre tantôt une civilisation très barbare, tantôt une autre très raffinée. Si, par exemple, la Nubie incarne à la fois la grandeur et la décadence d’une civilisation, il faut reconnaître que le Haut-barrage a régularisé le Nil.

Viennent ensuite Assouan, qui a joué un rôle important dans l’histoire de l’Egypte ancienne par ses carrières de granit, et Thèbes, site royal, où le fleuve atteint le sommet de sa gloire, Thèbes célèbre par sa splendeur, sa richesse et sa puissance. Sont évoqués à ce propos Amon, considéré par les anciens Egyptiens comme le roi des dieux, et le colosse de Memnon, qui attira pendant longtemps une foule d’intellectuels et de curieux. Thèbes – rive gauche, entièrement vouée à l’industrie de la Mort, Thèbes – rive droite, la Thèbes des vivants, Thèbes tout court qui, après avoir été pillée par les Assyriens au VIe siècle av. J.C, connaîtra un déclin sans retour.

  1. Pierre évoque d’autre part, des cités, des dieux et des hommes qui ont marqué la vie de l’Egypte : Kouft et Qous, têtes de route des caravanes vers la Mer Rouge et clés du commerce maritime ; Abydos, ville sainte consacrée à Osiris, où les Egyptiens ont triomphé de la mort ; Akhmûm, dont les fortes personnalités marqueront de leur empreinte la pensée du monde antique ; Hermopolis, ville bien connue depuis la très haute Antiquité pour ses conceptions théologiques et cosmogoniques, etc. Les grandes capitales sont aussi, bien entendu, évoquées : Memphis, dans l’Antiquité, et le Caire, actuellement.

Le Nil débouche enfin sur la Méditerranée. Il se divise en deux bras, celui de Rosette à l’Ouest et celui de Damiette à l’Est, puis se ramifie en une infinité de canaux pour irriguer le Delta.

En somme, le Roman du Nil, disions-nous au début de ce bref compte-rendu , ne laisse pas le lecteur indifférent à l’histoire et à la géographie de l’Egypte. Et l’auteur n’hésite pas parfois, dans la présentation qu’il nous fait du Nil, à se lancer dans des envolées très lyriques, ce qui rend particulièrement agréable et captivante la lecture de l’ouvrage.

Enfin, pour qui veut s’intéresser davantage au Nil et à l’Egypte, les illustrations, les cartes géographiques et les nombreux éléments de bibliographie ne sont pas d’un apport négligeable.