Littérature

ECRITURE DE LA GUERRE ET RHETORIQUE DE LA VIOLENCE DANS LE ROMAN AFRICAIN CONTEMPORAIN. L’EXEMPLE DE L’OMBRE D’IMANA DE VERONIQUE TADJO

Ethiopiques n°88.

Littérature, philosophie et art

1er semestre 2012.

Espaces publics africains, crises et mutations

ECRITURE DE LA GUERRE ET RHETORIQUE DE LA VIOLENCE DANS LE ROMAN AFRICAIN CONTEMPORAIN. L’EXEMPLE DE L’OMBRE D’IMANA DE VERONIQUE TADJO

La guerre et la conflictualité sociale ont de tout temps inspiré l’écriture romanesque, au point de servir de toile de fond diégétique à certains chefs-d’œuvres. En effet, interpellées par des conflits et crises récents, les littératures contemporaines n’hésitent pas à revisiter et à interroger fictionnellement les guerres puis à porter un regard critique et distancé, marqué par le souci du travail narratif sur les événements tragiques et les conflits qui ont marqué notre Histoire moderne ou plus récente.

Or, l’Afrique est le « continent des crises » par excellence ; la guerre y apparaissant comme la « forme moderne de la tragédie » [2]. Et la violence la plus spectaculaire est certainement celle de la guerre. Aussi la représentation de la guerre, pour penser et dire la violence dans toute son expressivité, apparaît-elle comme un sujet préoccupant des littératures africaines. Largement informé par son contexte de production, le roman africain contemporain se fera ainsi l’écho de l’une des plus grandes tragédies de l’Histoire : le génocide du Rwanda qui s’est déroulé sur fond de guerre civile, en 1994. Réputé le plus rapide et le plus meurtrier (près d’un million de morts en trois mois), ce génocide a suscité une abondante littérature. Sous l’impulsion de l’association « Arts et Média d’Afrique », plusieurs écrivains ont, en effet, été amenés à « écrire par devoir de mémoire ». Parmi ceux-ci figure Véronique Tadjo dont le roman, L’Ombre d’Imana. Voyages jusqu’au bout du Rwanda (désormais L’Ombre…), met en scène diverses formes de violence.

La présente étude a comme ambition alors d’interroger les stratégies discursives et scripturales mobilisées pour dire la violence des guerres. Pour ce faire, l’analyse établira d’abord, à travers une étude descriptive et théorique, la typologie des formes de violence pour ensuite montrer de quelles manières la violence déconstruit le texte romanesque. Elle interrogera enfin les implications signifiantes des stratégies mises en œuvre pour dire la violence des guerres, sur les plans socio-idéologique et esthétique.

  1. LA MULTIPLICITE DES FORMES DE VIOLENCE

La violence est une notion complexe. Elle recouvre des réalités multiples et diverses dont les effets s’imbriquent souvent. S’inscrivant dans ce principe de fonctionnement, le livre de Véronique Tadjo met en scène divers types de violence dont les plus représentatifs sont d’ordre idéologique, physique et psychologique.

Les mots d’ordre du Hutu Power [3] ou la violence idéologique

L’idéologie se caractérise généralement par l’absolutisation d’une doctrine qui se veut l’expression indiscutable d’une vérité à laquelle chacun doit se soumettre. Cette doctrine se fige en un bloc de concepts, de principes et de règles. Dès lors qu’une vérité est conçue et perçue comme une idéologie existant extérieurement à l’homme, le rapport que l’individu établit avec cette vérité est de même nature que celui qu’il entretiendrait avec un objet : il la possédera comme on détient une chose qu’on s’est appropriée. Il se fera un devoir de la défendre comme on défend une propriété et n’hésitera pas à recourir à la violence et, le cas échéant, à tuer pour la défendre.

Ainsi, à l’origine du massacre excessif des Tutsis rwandais se trouve la défense obstinée de la vérité du Hutu power, propagée par les dix commandements des Bahutus. Ces dix commandements sont le manifeste sur lequel les idéologues extrémistes hutus légitimaient l’autodéfense contre la minorité tutsi qu’ils réduisaient au rang d’animalité. Teinté de fanatisme, ce manifeste est extrêmement violent et explicitement raciste. Il est repris en écho par l’auteure de L’Ombre… aux pages 126 et 127. Tel qu’il apparaît, le Hutu power épouse une idéologie raciste jusqu’au dernier degré : c’est un appel à la haine ethnique et raciale. Profession de foi ethnique et recueil de recettes anti-tutsi, il a joué un rôle déterminant dans toutes les couches des hordes génocidaires. Il repose essentiellement sur des préjugés, surtout sur le mensonge. En fait, la violence idéologique s’abrite toujours derrière le mensonge ; elle a besoin d’une propagande qui sert et aide à la justifier auprès de ceux qu’elle veut mettre à sa disposition. Les propos suivants d’un génocidaire prouvent que le mensonge est l’essence même de l’idéologie de la violence :

Quand le président [Juvénal Habyarimana] est mort, on [4] nous a dit que les Tutsis l’avaient tué mais que s’ils voulaient venir ici, ils ne trouveraient plus aucun de leurs complices vivant. Ils ne trouveraient plus personne pour les aider à tuer les Hutus. Il fallait riposter, se défendre. Il fallait faire échouer le complot tutsi. […] Dans les meetings, les conseillers disaient : « ou bien vous les tuez ou bien c’est vous qui serez tués ». Il fallait qu’ils soient tous tués parce que si l’un d’eux s’échappait, il pouvait aller rejoindre les rebelles de l’armée du FPR et revenir nous attaquer. […] A la radio on entendait que la tombe n’était pas encore remplie, qu’il fallait la remplir. […] Ils nous disaient : « … prenez vos machettes, prenez vos lances, faites-vous épauler par les soldats. Les agents du FPR, exterminez-les parce qu’ils sont maudits » [5].

Comme toute violence idéologique, celle qui a nourri le génocide des Tutsis rwandais est légitimée : la fonction de l’idéologie étant de permettre aux Hutus de justifier et de s’auto-justifier leur violence, de sorte à occulter leur inhumanité. L’idéologie permet alors à l’individu de commettre le mal avec la conscience de faire le bien. Le meurtre idéologique n’apparaît plus comme un mal, mais plutôt comme le moyen de lutter contre le mal. Cette violence justifiée et innocentée est à l’origine de l’ampleur des drames. C’est elle qui a fait du génocide rwandais un « génocide de proximité » : proximité spatiale et physique des bourreaux et des victimes. Les tueries avaient lieu entre voisins, au sein même des familles, sur la place publique, au vu et au su de tous. La violence idéologique se matérialise, dans les actes, par les massacres, tortures, viols ou toute autre forme de violence physique.

La violence physique ou les massacres à l’ombre d’Imana. De toutes les formes de violence, la violence physique est la plus connue, car plus visible, à travers les hématomes, les brûlures, les fractures, etc. Elle s’exprime par toute atteinte à l’intégrité physique d’autrui visant à le blesser ou à lui causer du mal, à travers les massacres, assassinats, tortures, viols, etc. Et L’Ombre… représente une multitude de violences physiques dont l’une des plus expressives est la torture de la femme exposée comme momie du génocide :

On lui a ligoté les poignets, on les a attachés à ses chevilles. Elle a les jambes largement écartées. Son corps est penché sur le côté. On dirait un énorme fœtus fossilisé. […] Elle a été violée. Un pic fut enfoncé dans son vagin. Elle est morte d’un coup de machette à la nuque. On peut voir l’entaille que l’impact a laissée [6].

La violence infligée à cette femme est extrême et abominable. Tout comme elle, la plupart des femmes victimes du génocide sont systématiquement violées, de façon atroce et humiliante. Ce type de viol s’inscrit dans une logique de profanation : profanation du corps, « profanation du vagin » et destruction de l’humanité de l’ennemi féminin, car le viol sexuel laisse presque toujours à la victime des blessures symboliques et psychiques irrémédiables. Il est l’arme de guerre adéquate contre l’ennemi féminin ; il n’est pas qu’une simple violence sexuelle et physique.

L’infanticide est une autre forme de violence physique qui réduit l’Homme au rang d’animalité. Il est nourri par la violence idéologique, comme l’illustrent ces propos d’un génocidaire : « il fallait aussi tuer les enfants car beaucoup des chefs du FPR étaient des enfants eux-mêmes quand ils se sont sauvés du pays. Le nettoyage devait être total » [7]. Sur la base de cette propagande, des enfants ont tué d’autres enfants, des hommes en ont massacré ; des femmes ont, à coups de machettes, mutilé leurs propres enfants. La violence exercée sur des êtres innocents et faibles montre que l’infanticide est une véritable aberration qui place l’Homme en dessous des animaux. Car chez ces derniers, l’infanticide est le fait de mâles tuant les petits qui ne sont pas les leurs uniquement pour avoir accès sexuellement à leur mère. Au reste, les combats entre mâles de la même espèce aboutissent rarement à la mort.

Tout en protestant contre l’infanticide, les viols systématiques, les tortures et autres formes de violence physique, Tadjo dénonce les meurtres organisés commis dans les lieux publics : églises, écoles et centres de maternité. Paradoxalement, les églises sont les lieux qui ont égrené la cruelle sécheresse de chiffres macabres : « Eglise de Nyamata : + ou – 35000 morts ; Eglise de Ntamara : + ou – 5000 morts ; Secteur de Kagarama : 20000 morts » [8]. Ce faisant, l’écrivaine flétrit non seulement la complicité entre les autorités politiques et religieuses, mais surtout jette un regard critique et ironique sur la religion chrétienne. L’ironie est renforcée et illustrée par le titre du roman : c’est sous l’ombre de Dieu, baptisé Imana par les Rwandais, que se sont perpétrés les massacres les plus sanglants. De tels massacres consacrent la profanation des lieux de culte. Tout comme la profanation du corps, celle des lieux considérés comme saints et sacrés, aux yeux des victimes, est parfois source de violence psychologique.

La violence psychologique, le lot des plus vulnérables

La violence psychologique est, avec la violence physique, l’une des formes de violence les plus représentées dans L’Ombre… Appelée aussi cruauté mentale, c’est un abus de pouvoir et de contrôle qu’une personne exerce sur une autre. Elle regroupe tout ce qui engendre l’humiliation, notamment les agressions verbales et les faits traumatisants. En réalité, quelle que soit la forme que prend la violence, elle a presque toujours des conséquences sur le plan psychologique. Les victimes privilégiées de ce type de violence sont les personnes les plus vulnérables que sont les femmes et les enfants.

Chez l’enfant, elle peut nuire à son développement psychologique et social puis compromettre sa capacité de percevoir, de sentir, de comprendre et d’exprimer des émotions. Tadjo montre que les enfants du génocide, victimes comme bourreaux, sont l’une des plus grandes victimes de la guerre :

Enfants du génocide, ils sont la blessure ouverte qui pourrait faire mourir encore une fois le pays car leur souffrance est amère et leur avenir ne va pas plus loin que le bout de la rue. Ils grandiront la rage au ventre. […] Ils sont les plaies ouvertes de la mémoire, le mal qui suppure [9].

Ces enfants du génocide se sentent comme trahis par les adultes. C’est pourquoi, les séquelles traumatiques et psychologiques de la guerre s’expriment chez eux par la rancœur, le ressentiment et l’intransigeance excessive illustrés par l’attitude rancunière de Philomène, cette fillette au « cœur dur » [10].

Sur la femme, la violence psychologique a de graves conséquences d’ordre physique et mental, telles une profonde dépression, le repli sur soi, la honte de soi, l’auto-dévalorisation, une forte anxiété, une attitude craintive, des sentiments de culpabilité, l’isolement social, etc. La description de l’état physique et psychique d’Annonciata, cette femme qui a été obligée de marchander la vie de ses enfants contre son sexe, montre l’ampleur de la violence psychologique :

« Après leur retour à la maison, elle tomba malade sans que personne ne sache exactement de quoi. Retranchée en elle-même, elle ne parlait pas, ne s’intéressait plus à rien, avait totalement perdu l’appétit. Elle passait la journée au lit et la nuit, elle gardait les yeux grands ouverts sans bouger. […] Elle s’était retirée du monde. […] Des miliciens l’avaient violée à plusieurs reprises sur le bord de la route. Elle avait marchandé la vie de ses enfants. Des nuits durant, les hommes qui gardaient la barrière s’étaient servis d’elle [11].

Le retentissement psychique de la violence sexuelle subie par Annonciata est immense. Celle-ci se sent détruite, comme si le Mal habitait son corps.

Visiblement, L’Ombre… s’inscrit dans une multiplicité des formes de violence, et les procédés et stratégies mobilisés pour en rendre compte sont tout aussi nombreux.

  1. QUAND LA VIOLENCE DECONSTRUIT LE TEXTE ROMANESQUE

Une analyse plus interne des procédés romanesques à l’œuvre dans L’Ombre… révèle que le discours de la violence contamine l’écriture qui la prend en charge. Ce discours se sustente des nouvelles stratégies romanesques qui opèrent une rupture dans l’esthétique romanesque africaine. En effet, la violence gouverne et bouleverse la forme du roman puis déconstruit sa structure. Le discours de la violence se réalise essentiellement par le biais de la déconstruction [12] et de l’écriture fragmentaire [13]. Celles-ci s’expriment par la désagrégation du récit, la conception d’une intrigue fragmentée et ouverte, la pratique de l’intertextualité et la démultiplication des instances narratives.

La désagrégation du récit

Le récit, au sens où l’entend Genette [14], est « la succession d’événements, réels ou fictifs, qui font l’objet de ce discours, et leurs diverses relations d’enchaînement, d’opposition, de répétition ». En tant qu’énonciation, le récit est analysé au travers des voix chargées de sa conduite et convoquées pour sa réception. Il est alors à la fois discours et histoire.

Or, L’Ombre… est un assemblage de témoignages des rescapés du génocide rwandais. Chaque témoignage est un récit à part entière. Il s’ensuit que l’auteure sert au lecteur des récits morcelés, éclatés, mutilés, voire démembrés. Le livre est, en effet, structuré en six chapitres, portant chacun un titre, se déployant en trente-six épisodes ou fragments, inégalement repartis. Ces fragments discursifs portent chacun un titre inscrit en caractère majuscule et des sous-titres, en caractère italique. Ils se suivent comme au hasard. Seules la titraille et la présence inopinée du narrateur intra/homodiégétique servent de liage entre les différents épisodes. Ceux-ci sont aussi brefs et indépendants les uns que les autres. Telle une île qui se suffit à elle-même, chaque fragment fonctionne comme un ensemble clos, un monde cohérent par lui-même, si bien qu’il peut être détaché de l’ensemble.

Sur le plan littéraire, le texte de Tadjo rompt ainsi la différence d’optique entre sens et forme, entre contenu et expression, entre le lisible et le visible. L’écrivaine en a même fait un élément de poéticité immanente, un fait d’expressivité. La thématique de la guerre et le discours de la violence qui en découle infèrent une révolution poétique et un bouleversement scriptural et discursif, perçus à travers l’écriture fragmentaire. L’une des manifestations de cette écriture est la désagrégation du récit qui a pour conséquence immédiate la conception d’une intrigue fragmentée et ouverte.

Une intrigue fragmentée et ouverte

Le propre de toute intrigue est d’organiser une suite d’événements dans l’unité d’une action cohérente et complète. Pourtant, Tadjo se soustrait à cette norme scripturale du roman classique, en présentant un récit dépouillé de toute intrigue, sans lien de causalité. L’écrivaine entraîne le lecteur dans une sorte de fleuve de témoignages centrés sur l’expérience vécue par des narrateurs-personnages dont la vision reste nécessairement fragmentée. Elle se contente simplement de restituer les actions des personnages-témoins, sans créer de liens de causalité entre les actions. Le principe d’organisation du roman semble être l’arbitraire et le hasard ; aucun enchaînement logique et chronologique n’y est décelé. Une telle composition correspond à ce que Schoots dit de l’esthétique postmoderne et de l’écriture « minimaliste » :

Pas plus que les éléments de la phrase, les différents événements […] ne sont liés entre eux selon un rapport de cause à effet. L’ordre y est avant tout consécutif : les événements se suivent sans que leurs rapports soient expliqués. L’intrigue ne conduit pas à un dénouement raisonné qui pourrait doter, après coup, tous les épisodes narrés d’un sens. Sans début et sans fin bien précis, les histoires prolifèrent, s’engagent dans des chemins détournés, se dissolvent en péripéties et rebondissements, souvent sans retourner au point de départ [15].

Il y a comme une organisation hasardeuse du récit qui participe d’une esthétique romanesque où violence est faite à la continuité narrative. Véronique Tadjo recourt ainsi à une écriture discontinue, fragmentée ou déconstruite pour dire un monde fragmenté, détruit et désordonné. L’éclatement, l’hétérogénéité des voix et instances narratives procède, sans doute, de ce désordre généralisé.

La démultiplication des voix et instances narratives

L’Ombre…, il faut le rappeler, est une mosaïque de témoignages romancés sur le génocide des Tutsis rwandais. Chaque témoignage constitue un fragment ou un épisode du texte. Le mécanisme intertextuel qui en découle a pour conséquence narratologique majeure la mise en place d’une pluralité de voix narratives se relayant pour faire progresser le récit. La multiplication des voix narratives, à travers la diversification des témoignages, est un moyen permettant de restituer les horreurs du génocide, de mieux exposer la souffrance des victimes et respecter leur mémoire. La mise en scène de la multiplicité de narrateurs-témoins produit un récit diversifié et hétérogène. Ces voix refusent d’admettre une seule vision et une seule autorité narratives. Elles subvertissent toute notion de domination et de vérité, remettant ainsi en question l’autorité du narrateur principal. Ce narrateur, au statut intra/homodiégétique, raconte ou fait raconter, sous forme d’un feuilleton, des événements dont il semble ne maîtriser ni l’ampleur, ni la durée, ni l’issue. Il se trouve alors dans la même situation épistémique que le lecteur de fiction en cours de lecture.

Parfois, le narrateur se tait ou fait taire les personnages pour laisser parler les médias. L’intégration des nouvelles technologies de l’information dans le discours romanesque est une autre technique de démultiplication des niveaux narratifs. La télévision, la radio et la presse écrite, enrôlées comme personnages, sont convoquées en relais de narration. La télévision, par exemple, diffusait des images de cadavres jonchant les routes, les chemins et les rues. Elle présentait des colonnes de déplacés fuyant la guerre [16]. Quant à la radio, elle diffusait des slogans de haine. Cette radio, dénommée Radio des milles Collines, a été l’arme fatale du génocide, en raison de son emprise idéologique sur les génocidaires. La propagande haineuse qu’elle débitait incessamment ravalait les Tutsis au rang d’animaux, si bien que, dans l’esprit des génocidaires, les tuer était se débarrasser d’une sorte de vermine [17]. Ces médias sont convoqués pour être dénoncés.

L’utilisation des médias ou des nouvelles technologies de l’information participe à la variation et à la diversification des instances narratives. La motivation première de cette stratégie discursive et scripturale est la production d’un texte hétérogène et hybride qui serait une sorte de fourre-tout. Le jeu de perspective produit par la présence de points de vue divergents est capital à la construction du sens du roman. La contradiction qu’engendre la narration plurielle, polyphonique et dédoublée engage le texte dans un mouvement constant de construction et de déconstruction dont l’une des manifestations est la pratique intertextuelle.

L’esthétique intertextuelle

L’Ombre… est la réécriture romanesque du génocide du Rwanda. Il est fait d’un assemblage de témoignages qui transforment le livre en un collage de fragments discursifs et intertextuels qui déconstruisent la structure du texte. Il s’ensuit que l’esthétique intertextuelle chez Tadjo repose sur des formes explicites que sont la référence et la citation. Celles-ci sont la pratique intertextuelle dominante, vu que le référent intertextuel sur lequel se greffent les autres discours est un fait avéré ayant marqué l’histoire de l’humanité : le génocide des Tutsis rwandais. Comment la pratique intertextuelle infléchit-elle la signification du texte ? En quoi modifie-t-elle sa tonalité ?

La citation et la référence se fondent sur une relation de coprésence entre l’hypertexte et l’hypotexte. Contrairement à la citation, la référence établit une relation in absentia : elle n’expose pas le texte (ou le fait) auquel elle renvoie. Ici, il s’agit principalement de nombreuses références historiques que sont, entre autres, les massacres dans les églises et autres lieux publics [18], l’allusion à la théorie raciste développée par les historiens belges [19], l’assassinat du président Juvénal Habyarimana qui a été l’élément déclencheur du génocide, l’assassinat du premier ministre Agathe Uwilingiyimana [20], le rôle mesquin, dans la crise, de l’ONU, à travers la MUNUAR – Mission d’intervention des Nations Unies au Rwanda – et de la France, à travers l’opération Turquoise [21], etc. Toutes ces références historiques avérées concourent à l’effet de réel et de vérité. Elles émanent de témoignages donnant une impression poignante d’authenticité, de réalisme. Ainsi, la forte présence de faits historiques vrais et la coïncidence très significative entre la diégèse et les réalités géographiques, historiques, culturelles et sociopolitiques rwandaises submergent le romanesque de l’œuvre pour l’assimiler à une chronique historique.

Le recours à la citation, immédiatement repérable grâce à l’usage de signes typographiques, est également riche de significations. La plus évidente est le renforcement de l’effet de vérité du discours tenu sur la violence du génocide, en l’authentifiant. C’est pourquoi, la plupart des citations apparaissent à travers la transposition de textes liés au génocide. Le plus expressif de ces textes est le Hutu Power ou « les dix commandements des Bahutus » [22]. Les références bibliographiques de ce manifeste, données en notes de bas de page, indiquent qu’il est extrait du journal des extrémistes pro-Hutus, Kangura, en sa parution du 10 décembre 1990. La citation explicite du manifeste qui a joué un rôle déterminant dans les couches génocidaires répond au souci d’exposer l’origine de l’ampleur du drame : c’est ce manifeste qui a préparé les esprits au génocide.

D’autres extraits de journal sont transposés dans le texte. Par exemple, celui de La Nouvelle Revue, un bimensuel de Kigali, rapporte des massacres opérés par les Interahamwe [23]. Des passages d’un livre, intitulé Aucun témoin ne doit survivre. Le génocide au Rwanda (dont les références bibliographiques sont mentionnées en bas de la page), sont nommément cités. L’extrait révèle que l’intention des organisateurs du génocide, en dirigeant la peur et la haine contre les Tutsis, était de bâtir une responsabilité collective. Pour expliquer l’origine du Mal et de la haine, l’écrivaine recourt à une autre citation, cette fois biblique : « Car du dedans de l’homme viennent les mauvaises pensées… » [24]. Cet extrait de l’Evangile selon Saint Marc, VII, 21 indique que le Mal existe dans le cœur de l’Homme. C’est là qu’il faut le combattre.

Les références explicites à l’intertexte et les citations font sens, car elles s’inscrivent dans une stratégie calculée et délibérée. Au-delà de ce qu’elles concourent à la création d’un texte hétérogène, elles renforcent l’effet de vérité du discours puis confortent la vraisemblance du récit. Elles éclairent ainsi le texte et apparaissent comme un rayon de soleil qui enrichit le paysage. La convocation de faits historiques fortement inscrits dans la mémoire collective vise, en outre, à éveiller la conscience des Hommes.

Il s’ensuit que le discours de la violence ne va pas sans affecter la forme de l’écriture. Ici, sens et forme, contenu et contenant (expression) convergent en bien des points pour dire la violence, si bien la seule observation de l’architecture du texte permet de retrouver, sans grande difficulté, tel dans un miroir, le discours thématique explicite. Sous l’apparence de la gratuité, cette manière d’écrire n’est pas innocente. Elle a des implications socio-idéologiques et esthétiques qu’il convient d’analyser.

  1. LES REPERCUSSIONS SIGNIFIANTES DU DISCOURS DE LA VIOLENCE

L’écriture de la violence n’est pas une fin en soi ; elle procède plutôt d’une intention. La violence défragmente certes le texte, mais n’en déconstruit pas le sens. Le texte hybride implique une lecture particulière de la part du lecteur, amené à explorer toutes ses dimensions. Tout naturellement, il appelle une lecture multidimensionnelle devant aider à restituer et reconstruire son sens, par un renversement stratégique. Ainsi, une lecture attentive, suivant l’axe sociocritique, du texte révèle que, sur les plans socio-idéologique et esthétique, la pratique signifiante du discours de la violence réside respectivement dans la conjuration de la violence et le renouvellement des techniques d’écriture du roman.

Dire la violence des guerres pour la conjurer

La représentation fictionnelle de la guerre, pour dire la violence, se conjugue avec la mise en scène de divers types de violence susceptibles de toucher les cœurs et d’éveiller les consciences. La violence, rendue ainsi plurisignifiante, garde son pouvoir de choquer le lecteur ; et cela peut être d’une certaine manière positive [25]. Ainsi, sur le plan socio-idéologique, le discours de la violence peut être lu comme une stratégie devant aider à la conjurer, par l’exorcisation du Rwanda et l’hymne à la Vie.

Exorciser le Rwanda

L’Ombre… est né à la suite d’une résidence d’écrivains au Rwanda, en 1998, amenés à « écrire par devoir de mémoire ». Comme bien des romans-témoignages, son objectif premier est de montrer toute la vérité sur la tragédie rwandaise, de briser le silence des survivants, de partager et restituer leurs douleurs afin d’éviter aux victimes une deuxième mort : l’oubli. L’auteure se veut porte-parole de l’indicible barbarie ; et son œuvre constitue un devoir de témoignage, de souvenir afin de perpétuer la mémoire des victimes contre toute forme de négationnisme.

En effet, c’est en se heurtant, pour la première fois, aux conséquences désastreuses du génocide que l’écrivaine, par la voix de son narrateur principal, s’est employée à comprendre comment une telle inhumanité a pu se produire. Or, du point de vue de ce dernier, « ce qui s’est passé, personne ne pourra véritablement le comprendre un jour. À trop essayer de rationaliser, on se perd dans de fausses vérités » [26]. Véronique Tadjo établit une responsabilité collective puis se sent comme interpellée par le drame. « Ecrire par devoir de mémoire » devient alors impératif et indispensable ; il fallait, par l’écriture, briser le silence et l’indifférence pour éterniser le souvenir du génocide pour le conjurer :

« Le génocide est le Mal absolu. Sa réalité dépasse la fiction. Comment écrire sans parler du génocide ? […] Le silence est pire que tout. Détruire l’indifférence. Comprendre le sens réel du génocide, l’accumulation de la violence au fil des années. […] Il faut écrire pour que l’information soit permanente. L’écrivain pousse les gens à lui prêter l’oreille, à exorciser les souvenirs enfouis. Il peut mettre du baume sur la déchirure, parler de tout ce qui apporte un peu d’espoir. […] Il faut désamorcer le cycle de la violence. Continuer à dénoncer toute forme de massacre » [27].

Le discours autoréflexif, autoreprésentatif et métatextuel tenu par Tadjo sur le rôle de l’écrivain révèle d’emblée l’existence d’une tension au sein de son projet romanesque. Il met en scène la fonction cathartique de la littérature dans sa capacité à guérir les maux et à atténuer les douleurs. L’écrivaine insinue que dire la violence et la décrier revêtent une fonction thérapeutique, purificatoire et pacificatrice. En donnant la parole à un peuple replié sur sa douleur et sa peur, elle a réussi le pari de libérer ce peuple puis à écrire un livre non manichéen sur un sujet douloureux et complexe. Elle souligne la dimension collective des responsabilités dans le déclenchement de l’horreur, sans porter de jugement véritable ; sa seule et principale revendication est celle d’un devoir de mémoire. D’une plume qui mêle document, témoignage et fiction, elle a tenté de redonner des visages, des noms, des vies aux victimes et bourreaux qu’elle a rencontrés. L’entreprise qu’elle a dénommée « exorciser le Rwanda » [28] passe nécessairement par l’écriture de la guerre et surtout par la dénonciation de la violence et de la barbarie humaines, sous toutes leurs formes. Dès lors, comprendre le génocide et l’écrire deviennent une sorte d’exutoire.

Ainsi, en dénonçant, à travers un style réaliste, les massacres et la barbarie qui ont secoué le Rwanda, l’auteure de L’Ombre… entend aider à « désamorcer le cycle de la violence ». Son texte se veut réaliste et vraisemblable, mais se refuse à céder au manichéisme. Il apparaît comme un hymne à la Vie et à la Renaissance.

L’hymne à la Vie et au Pardon

L’Ombre… décrit certes le degré zéro de l’humain, mais se veut un chant d’Amour, de Pardon et de réconciliation qui est d’abord illustré par des indices paratextuels apparents. Sur la première de couverture du livre, la photographie de Catherine Millet, mettant en scène deux enfants (certainement Hutu et Tutsi) en train de s’embrasser fraternellement, consacre d’emblée la communion retrouvée.

Cette fraternité est revendiquée dans le chapitre « La colère des morts ». Raconté par un devin exorciste, l’épisode met en scène l’errance des victimes de mort atroce qui viennent demander des comptes aux vivants : ils les accusent de se servir encore d’eux ; ils leur crient leur solitude, leur amertume, leur rancœur et leur douleur. Cet épisode est une « mise en abyme » du livre ; il en cheville la substance socio-idéologique : il incite au Pardon et essaie d’abolir la frontière habituelle existant entre la vie et la mort, entre le visible et l’invisible. L’écrivaine va plus loin dans l’allusion à la cosmogonie africaine qui croit à la survie des âmes des morts. Elle demande aux morts de ne point se venger, de plutôt pardonner aux vivants leur inhumanité et leur méchanceté :

Nous supplions les morts de ne pas accroître la misère dans laquelle le pays se morfond, de ne pas venir tourmenter les vivants même s’ils ne méritent pas leur pardon. Nous leur demandons de reconnaître notre humanité même si nous sommes faibles et cruels. Nous avons sali la terre, saccagé le soleil. Nous avons piétiné l’espoir. Néanmoins, nous demandons aux morts de ne point se venger. De ne point nous maltraiter en envoyant un essaim de démons sur nos têtes. De ne pas faire venir une sécheresse terrible qui dévastera nos champs. De ne pas manger nos entrailles, de ne pas nous arracher les yeux ou avaler ce qui fait notre devenir. Nous leur demandons de ne pas laisser brûler nos cœurs dans le feu de notre existence [29].

Le devin clôt la séance d’exorcisme par une invitation explicite au Pardon : « Hommes, femmes, prenez garde au désir de vengeance et au cycle perpétuel de la violence et des représailles. Les morts ne sont pas en paix car nos cœurs sont encore percés de haine. Les cendres de la guerre ne sont pas éteintes » [30]. Les extraits ci-dessus revêtent une dimension christique faisant du livre de Tadjo un immense hymne à la Vie et à la Réconciliation adressé conjointement aux morts et aux rescapés du génocide.

Ainsi, en osant briser le silence pour perpétuer le souvenir du génocide, L’Ombre… devient un acte de foi dans la capacité de la littérature à guérir les gens et à réconcilier les peuples. Ecrire la guerre, dans une perspective socio-idéologique, devient alors une attitude littéraire visant à décrire et à dire la violence non pas pour elle-même, mais dans une perspective de libération, de conjuration. Sur le plan littéraire, la pratique signifiante du discours de la violence réside dans la rénovation de l’écriture romanesque négro-africaine.

Discours de la violence et révolution de l’écriture romanesque africaine

Quelles que soient sa nature et ses formes, la violence connote l’idée de violation, de transgression, de rupture par rapport aux normes établies ou aux règles définissant les situations considérées comme naturelles, normales ou légales. Tadjo sacrifie à cette règle en violant certaines normes scripturales habituelles.

En effet, en présentant un texte morcelé et décousu, l’écrivaine remet en question la conception classique du roman qui requiert une intrigue bien nouée. Elle prône, au contraire, le droit pour le roman de présenter une composition desserrée. Le faisant, elle opte pour le renouvellement des stratégies discursives et scripturales du roman.

Le caractère fragmenté, morcelé et mutilé du récit apparente en outre l’œuvre de Tadjo au roman postmoderne, plus précisément du « feuilleton-récit » que Françoise Revaz définit comme « un récit qui se construit progressivement, par bribes, selon un rythme temporel imposé de l’extérieur par le développement effectif des événements de l’actualité » [31]. Le narrateur principal de L’Ombre…est certes représenté, mais n’y joue qu’un rôle secondaire. Il a tout l’air d’un narrateur-journaliste : il n’a guère de prise sur la tournure des événements racontés. Il semble ne pas maîtriser l’ampleur, la durée et l’issue des faits. Tant que le dénouement d’un épisode ne se produit pas, nul ne sait réellement ce qui va se passer ultérieurement.

En fin de compte, la subversion de l’autorité du narrateur, la démultiplication des instances et voix narratives, la désagrégation du récit, la contingence des événements racontés, l’absence d’intrigue, la pratique de l’intertextualité, etc. sont des techniques qui révolutionnent l’écriture romanesque africaine et amènent certainement le lecteur à s’intéresser à l’ouverture de l’écriture proprement dite. L’Ombre… consacre ainsi la primauté de l’écriture sur l’histoire. On y observe une « mise à nu du travail même de la narration à l’intérieur du récit » [32].

Au terme de ce parcours, il appert que Véronique Tadjo utilise la fiction (le roman) pour penser l’Histoire. Elle fait de la fiction l’ »arme miraculeuse » permettant de réagir contre l’oubli. L’écrivaine prouve qu’un événement tragique (crise) comme le génocide rwandais offre un champ exploratoire infini : chacun des éléments le composant ouvre une quantité de connexités, de questionnements, de sous-questions et de contradictions internes. Certes, son discours sur la violence met en évidence la complexité, la polymorphie et l’ambivalence de cette notion, mais se refuse à se ranger du côté de la littérature de violence. Profondément humain et poignant, à la fois incisif et pudique, son texte tente de porter un regard humain sur l’une des pires inhumanités de l’Histoire. Le faisant, elle propose une relecture du référent intertextuel qu’est le génocide des Tutsis Rwandais puis ouvre la voie, avec les autres participants du projet de souvenir « écrire par devoir de mémoire », à la littérature africaine francophone de génocide.

Du point de vue littéraire, L’Ombre… est une révolution narratologique, scripturale et thématique. Le discours de la violence refuse en effet de céder au conformisme. L’écrivaine inaugure un nouveau style d’écriture : l’écriture fragmentaire et le feuilleton-récit. Elle prend la guerre et lui donne une forme écrite : la désagrégation et la déconstruction du récit sont à l’image des débris laissés par la violence des guerres. L’écriture discontinue correspond au monde que cherche à cerner l’écrivaine. Le faisant, elle renouvelle aussi bien les canons esthétiques et stylistiques du roman africain que la forme et l’écriture romanesques de la violence. Tout en remettant en cause les notions de totalité et de causalité, son œuvre montre que la littérature est un palimpseste, morceaux sur morceaux, jusqu’à constituer un tout.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Corpus

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Ouvrages de références

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[1] Université de Bouaké, Côte d’Ivoire ; Chercheur-associé à FRED-Limoges / France.

[2] DOLLE, Jean-Paul, « Un siècle héraclitéen », in Magazine littéraire, n°378 : Ecrire la guerre, 1999, p. 20.

[3] Le Hutu power est un mouvement hutu extrémiste qui fédère toutes les autres branches. Il tient son nom du mot d’ordre donné par les dignitaires du régime Habyarimana pour exprimer, en anglais, le pouvoir exclusif, la toute puissance des Hutu sur un Rwanda purifié de la présence des Tutsi.

[4] C’est moi qui souligne ce pronom dont le caractère et l’essence impersonnels révèlent la légèreté de l’information, basée sur des rumeurs et le mensonge.

[5] L’Ombre d’Imana, p. 117-118.

[6] L’Ombre d’Imana, p. 20.

[7] Ibid., p. 118.

[8] L’Ombre d’Imana, p. 19 et 22.

[9] L’Ombre d’Imana, p. 98.

[10] Ibid., p. 119.

[11] Ibid., p. 84.

[12] La déconstruction est une théorie élaborée par Jacques DERRIDA qui remet en cause le fixisme de la structure, de centre, de sens univoque. C’est une attitude scripturale qui questionne tout discours fondé sur des concepts univoques et logocentriques, en opérant par fragmentation et désarticulation de tout texte.

[13] L’écriture fragmentaire est une écriture discontinue, mutilée et éclatée qui semble inachevée. Elle propose des textes qui, en s’emboîtant à l’infini comme des poupées russes, signalent le geste essentiel du lecteur qui doit monter, démonter et superposer les différents fragments épars pour établir un texte complet et construire son sens.

[14] GENETTE, Gérard, Discours du récit, Paris, Seuil, 2007 [1972], p. 13.

[15] SCHOOTS, F., « L’écriture minimaliste », in Jeunes auteurs de Minuit, AMMOUCHE -KREMERS, M. et HILLENAAR, H. (éd.), Amsterdam, Roodopi BV, 1994, p. 134.

[16] L’Ombre d’Imana, p. 82.

[17] Ibid., p. 82 et 118.

[18] L’Ombre d’Imana, p. 19, 21-22

[19] Ibid., p. 31.

[20] Ibid., p. 42.

[21] Ibid., p. 42 & 30.

[22] Ibid., p. 126-127.

[23] Interahamwe signifie, en langue Kinyarwanda, ceux qui tuent ensemble.

[24] L’Ombre d’Imana, p. 129.

[25] Michel MAFFESOLI, dans son Essai sur la violence, insiste sur l’ambivalence de la violence et sur sa dimension fondatrice : la violence n’est pas que destructive, elle est aussi constructive, utilitaire.

[26] L’Ombre d’Imana, p. 32.

[27] Ibid., p. 36-44.

[28] Ibid., p. 11.

[29] L’Ombre d’Imana, p. 57.

[30] L’Ombre d’Imana, p. 58.

[31] REVAZ, Françoise, Introduction à la narratologie : Action et narration, Bruxelles, De Boeck, 2009, p. 169.

[32] ROSSUM-GUYON, Van, « Le Nouveau Roman comme critique du roman », in Nouveau Roman : hier, aujourd’hui, tome1, Paris, UGE, 1972, p. 220.