Culture (Philosophie, tradition, modernité)

DIVERSITE ET UNICITE SERERES : L’EXEMPLE DE LA REGION DE THIES

Ethiopiques n°54

revue semestrielle

de culture négro-africaine

Nouvelle série volume 7

2e semestre 1991

Pour justifier la mainmise sur notre pays « qu’il fallait occuper, dominer » afin « d’en tirer le maximum de produits possible avec le minimum de frais possible » pour « le grand bien des Français », « l’Africain » Georges Hardy notait : « les populations qui nous étaient soumises n’étaient pas de vrais peuples capables de se guider eux-mêmes ; elles étaient écrasées par la tyrannie des chefs indigènes, menacées de misères de toutes sortes et de disparition ».

Lamine Guèye répliquait : « je défie qui que ce soit de connaître, mieux que moi, l’histoire de mon pays ».

Et le griot, Amadou Fall Madièye, d’ajouter en s’aidant de « sabar », son célèbre tam-tam : « connais-toi, personne ne t’adressera des observations injurieuses… »

Depuis l’effort de l’Education de Base, grâce à la semaine pour alphabétiser les masses, l’on tire de l’anonymat des figures illustre par leur attachement à la tradition, leur respect du JOM – diom – de l’honneur, cette « morale communautaire jaillie du sang et de l’âme ».

Aussi nos « esclaves », les Hal-pulareen (Peulh et Toucouleur) chantent­ils leur culture de l’Atlantique à la Mer Rouge.

Les autres « esclaves » diolas nous ont charmés avec la brève aventure de l’héroïne, Aline Sitouhé Diata.

Quel sérère n’a pas frémi de fierté en écoutant l’histoire de Lat Garang Yande Mbarou vainqueur à Ndiob du damel Amady Ndela Coumba, vainqueur des insolents marins anglais à Ndiaye-Ndiaye de Fatick et à Norane, vainqueur des pillards maures trarza dont il devint l’émir ?

Le griot n’a-t-il chanté, après Somb

« Mbaye, fils de Souka Ndela

A chassé le petit talibé »

Mbaye, Souka Ndela

A raha o ndongo ngaa

Les Sérères

D’après Pierret, « Sérère » désigne, en Egyptien, celui qui trace le temple.

En observant le Sérère, peut-être, Diodore de Sicile admirait 2 siècles avant J. Christ, la religiosité du Noir.

Parti de l’est en longeant la frange saharienne, le Sérère arriva sur la rive droite du Sénégal après un séjour dans la boucle du Niger, au royaume de Koukia.

Après les dynasties des Diaabées et des Par Diaabés musulmans, le Sérère, le Peulh et le Diola s’allièrent à des musulmans du Mali, sous la direction de Kodomak (Koromak).

Et une 3eme dynastie monta sur le trône, une dynastie noire, celle des Tondions. Les deux premières étaient à peau blanche.

Racisme dirait-on ! Oui et il fallait trouver la peau nègre. !

Cependant, surprise des musulmans ! Diolas, Peulhs, Sérères décidèrent de conserver leurs croyances. Ils partirent ; ils pratiquèrent la fraternité du sang – au préalable.

Un homme de chaque groupe donna quelques gouttes « de sang que l’on mélangea à du miel » ; l’on en goutta et il fut prononcé le serment de se porter amitié et secours pour l’éternité. Anathème sur qui violenterait au physique ou au moral « un parent à plaisanterie ».

Les Peulhs partirent pour l’ouest, l’est, le sud-est.

Les Djolas et les Sérères pour le sud-ouest. Nos ancêtres choisirent le bassin du Saloum et le Sud-ouest du pays des « Gayi dior ».

Ces territoires étaient déjà occupés par des Socés.

L’administration coloniale amputa le Sine du secteur de Juwaala ; le royaume du Baol perdit sa partie maritime avec Portudal ; le Kayor donna un grand morceau (la région de Tivaouane).

Ainsi, fut créé arbitrairement le cercle de Thiès. Il devint la région de Thiès. Les Sérères enlevés au Sine et au Baol furent appelés Sérères de la Petite-Côte (expression française) comme s’ils formaient une fraction à part.

En gros, les Sérères se répartissent ainsi : du sud au nord.

  1. Au Sud-ouest, les Sine-Sine de Pal marin, Joal à Thiadiaye, Tassette, Babak sud de Thiès ; le long de la mer, au nord de Joal se sont installés des Nionunke et des Saloum-Saloum du Log chassés de leurs pays par les guerres entre Maba et Saloum Samba Laobé Fall (Ngazobil, Ndianda, Mbodiène…).
  2. Les Dieghem de la côte, des environs de Mbour vers l’intérieur : Warang, Mbour, Soussane.
  3. Les Safènes du Baol : Portudal, Yène, Sangué (2 lieues au sud ouest de Thiès dont les habitants, les Tine, sont capables de calmer la mer en furie et de rendre la pêche fructueuse à Guérew.
  4. Les Palors-Sile ou Waro peuplent le Diander : Gorom, Sébikotane – Tieudem – Mbidjeum – etc.
  5. Au nord de Thiès, des falaises au Lac Tanma, vivent les Ndoutes appelés ainsi par leurs voisins, car ils étaient passionnés de Kassak de circoncis (Ndoute), et allant du côté de Tivaouane pour en atteindre Mont Rolland, Darou Alpha.
  6. Au nord-est de Mont Rolland, sont les Lehars, Pambal, Mbaraglou, Yeundane.
  7. Les Safènes doivent leur nom à leur aptitude à carder le coton (Saf en Sine-Sine signifie carder le coton).

Le secteur était-il riche en coton ?

N’est-il pas permis de penser que les hommes étaient de bons tisserands.

Le Sine Sine, lui-même, est appelé Dieghem-dieghem ou Kamé.

  1. Le dernier groupe, les Nones, occupe la région accidentée de Thiès (Fandène, Peykouk, Silman, Diankhène, Dioung…

Les Nones se considèrent comme Safènes. Ils se comprennent avec les Lehars et les Safènes.

Pinet Laprade (1860) le capitaine Vincent (1861) présentèrent « les Nones comme des hommes farouches, cruels envers les étrangers. C’était un monde fermé, entretenant le troc avec les voisins pour se procurer le strict nécessaire ; le None achetait avec défiance des armes au comptoir de Bargny ».

« Le None cultivait le mil, l’arachide, le cotonnier ; il vivait du produit du crû, comme les Sérères ».

Les voyageurs traversaient le pays none aux heures chaudes de la journée. Le courrier de Gorée, de Saint­Louis, du Baol s’arrêtait à proximité du village de Diankhène. Les porteurs déposaient la caisse, prenaient quelques minutes de repos, se restauraient et repartaient. Le relais, le point de repos fut appelé « Caisse Dianhène » – déformé par les Français en Thiès Diankhène.

D’aucuns déclarent :

« le courrier arrivait au relais en plein midi et le quittait après un petit repos. Voyager à cette heure, c’est le dianq-dianq ».

« Les collectivités nones étaient indépendantes les unes des autres ». Elles supportaient mal l’autorité d’étrangers.

Et l’administrateur Dulphy nota en 1976 : « les taxes et les impôts n’étaient levés que par la violence ».

Administration au temps des rois

  1. Le damel du Cayor nommait Fara Ndoute. Ce chef, de la famille royale, sans prétention à la couronne, avait autorité sur les Ndoute, les Sile et la région du Diander.
  2. Le Teigne du Baol avait pour représentant un Jaraf auprès des Nones. Jaraf avait peu d’autorité sur le None.

En pays none, écrivait Dulphy « le Lamane était l’unique chef. Il administrait son village. Chaque village était une république indépendante. Le Lamane était le plus ancien parmi les chefs de familles. Dans les affaires, sa voix était consultative, « égale à celle des autres » (Dulphy).

La fonction n’était pas héréditaire et il y avait collégialité.

  1. Dans la province du Sine, « le chef de la collectivité villageoise était la représentant de Bour ». Il ne pouvait être nommé sans son agrément. « A ce titre, il faisait exécuter les ordres du Bour. Il rendait la justice en premier ressort et fixait les amendes proportionnées moins au degré de gravité qu’au iegré de fortune. Le chef de village les versait au Bour qui lui remettait une part » (Dulphy).
  2. Chez les Safènes, le chef de village était l’homme le plus agé.

Les critères à remplir par le chef de village étaient :

– être éloquent, persuasif, savoir discuter, savoir convaincre ;

– posséder la sagesse : avoir beaucoup vu, beaucoup appris : avoir l’expérience des hommes ;

– être un homme de la connaissance : science de l’atmosphère, de la terre, des animaux, des végétaux ; savoir même guérir des maladies.

Rappel historique

Les Sérères du Sine et du Baol eurent à se plaindre des commis de commerce français installés sur la Petite­Côte – Bour Sine et Teigne saccagèrent les comptoirs en 1678. L’amiral Ducasse obtint, l’année suivante, la cession d’une bande côtière large de 6 lieues.

De 1684 à 1691 Buur Saloum Makhourédia Diodio fut damel après avoir débarrasé le Cayor du marabout Khali Ndiaye Sall. Fara Ndoute allait lui présenter ses hommages annuels.

Les Français Pinet Laprade, Vincent, Azan s’intéressèrent au pays none qu’il fallait traverser pour acheminer le courrier de Dakar à Saint­Louis.

Le grand Diogomay Tine de Gorom manifeste son désaccord quand Madiodio céda sa province à Faidherbe en 1861. Il invita Lat Dior à occuper la région ; il refusa de donner le nom des habitants lors du recensement des villages en 1863. Il mourut sous les canons de Pinet Laprade qui avait encerclé la cité – avril 1863.

Les Sérères massacrèrent les soldats de la garnison de Pout en juillet 1863 ; le sergent français échappe au carnage.

En 1861, Pinet Laprade exerça des représailles contre Pout ; puis il édifie le premier fort de Thiès du 5 au 12 mai.

Y a-t-il des races différentes ?

Les observateurs européens ont des opinions différentes sur l’ethnie sérère.

Villard dans son histoire du Sénégal (1940) a écrit :

« le bloc sérère est, peut-être, le plus ancien groupe ethnique du Sénégal ».

Beslier, page 32 :

« le peuple none, de race noire, occupe la petite république des nones, à la pointe sud du Cayor. Les nones sont fétichistes et parlent le None ;

« le peuple sérère, de race noire, occupe les royaumes de Baol, de Diéghem, de Sine, de Saloum. Il est fétichiste et parle sérère ».

Sa distinction entre None et Sérère est réfutée par le père Gravrand qui reconnaît « l’existence de deux fractions : les Sérères Nones et les sérères Sine dont le langage est le caractère le plus distinctif quoique les dialectes ne soient que légèrement différents. Les premiers parlent le None et habitent le sud du Cayor ; les seconds parlent le Ndiéghem et peuplent le Baol, le Sine et les rives du Saloum ».

Le peuple sérère a formé un bloc avec les mêmes croyances, les mêmes coutumes bien qu’il y ait des diversités dues au milieu physique et au voisinage (Ouolof, Peulh, Socé).

Les musulmans du Cayor ne l’ont jamais inquiété ; et ils sont allés au Cap-Vert où ils préparèrent la révolte de 1790 contre damel Amady Ndela Coumba !

El Hadj Oumar en 1848 déclara à ses disciples « les nobles qualités sont en pays sérère ; seul manque l’Islam. Il viendra un jour ».

Amadou Cheikhou BA, vainqueur du Cayor en 1874-75, respecta les territoires sérères et campa, à proximitédes Niayes, à Noto Gari Diamo.

Joal, Fadjout, Ngazobil furent les premiers marchés de la conquête évangélique grâce à l’ouverture d’esprit, à la tolérance de Bour Sine.

Les missionnaires eurent plus de chance à Thiès qu’au Cayor et au Gadiaga.

Les Sérères, morcelés en communautés, sont attachés à leur terre, « à Koumba Ndiaye, femme vivante, désirable et féconde ; la pluie est la semence qui lui permet de donner son fruit » – le Père Gravrand.

Ils sont travailleurs : agriculteurs, éleveurs.

Ils ne sont pas bellicistes bien qu’ils défendent leur domaine avec les armes, avec des abeilles guerrières au Baol comme en pays mandingue.

Au sujet des dialectes, il faut signaler que le phénomène s’observe chez les Diolas et les Peulhs.

Le Peulh du Fouta et du Ferlo s’entend difficilement avec celui du Bandé à Kédougou, avec son parent du Fouladou. Les Diolas sont dans la même situation.

La société sérère

  1. a) Les gens libres cohabitent avec les griots – en pays none.

Chaque homme peut se livrer à l’occupation de son choix : tissage, vannerie, poterie, forge.

Pas de castes de forgeron, de cordonniers, de tisserands, de « bûcherons ».

  1. b) Fadiout ignore les castes ; par contre la société Sine-Sine est hiérarchisée et en plus de la noblesse des hommes libres, elle compte des bijoutiers, des tisserands, des griots et des esclaves.

Croyances sociales

Le trait commun à tous les Sérères, c’est la reconnaissance d’un dieu unique, universel – sous l’appellation de Roog Sène. Ce nom Sène est porté par des Sérères et des Peulhs du Ndiambour.

Les Nones disent Kokh Kox, les Ndoutes Kopé Tiatie Cac (dieu grand père).

Entre Dieu et les hommes sont :

– des êtres immatériels – les génies dont parle le Coran : « you vas vis­sou fi soudouri naci minal jinnati va naci. »

– d’autres êtres immatériels malfaisants – des esprits – des hommes en chair et en os, capables de se dédoubler, d’agir sur l’âme des autres individus ; ils auraient une double vue.

Des personnes pourraient se métamorphoser en carnassiers : chat, chien, chacal, hyène) en oiseau : moineau, vautour.

La tradition rappelle que Mbégane Ndour, premier bour-Saloum bour-Sine et sa sœur, Kadione, se transformèrent en vipère et en chatte pour tuer Ely Bana et obtenir le trône du Saloum.

Certains Peulhs, les Balédji, et Malinkés de la région de Tambacounda deviennent à volonté des lions, de vrais lions…

Kauk répond aux prières ; il donne la pluie.

Kauk, ce n’est pas le Zeus (Jupiter) de la mythologie des Grecs et des Romains, entouré de Dieux, opposant souvent un silence olympien aux vœux des hommes.

Ce n’est pas, non plus, le roi des Oualiabés (Tambacounda) qui devient sacré, auguste, après la cérémonie d’intronisation clôturée par l’offrande d’une vie humaine et qui a place dans l’aéropage, des divinités.

Il est appelé alors : Donté.

Culte de Dieu

Le dieu est invoqué dans le pangol, lieu interdit aux profanes. Ce sanctuaire est constitué de moitiés de pilons fichés en terre, de vases, de canaris, de calebasses, de massacres de rumur cuits – Youl : Ndoute.

L’offrérant offre du lait, des boulettes de riz aux divinités qui transmettent les prières au Dieu.

Il se rend à l’autel pour guérir un malade, prévenir un malheur, envoyer des prières à un mort, intercéder en faveur de ceux qui négligent d’offrir du lait aux esprits.

Coutumes particulières du Sérère conservateur

Les Sérères occupent le Centre ouest du Sénégal, du Saloum au Cayor en passant par le Sine et le Baol – tout comme les Diolas campent dans le Sud-ouest sénégalais, au sud de la Gambie.

  1. C’est au nord et au nord-ouest de cette aire que l’on rencontre les Nones, les Lehars, les Ndoutes, les Safènes. Ils ne sont dans aucun autre royaume sérère.

Formaient-ils l’arrière garde lors de l’exode après le renversement des Nar Draades. Arrivés les derniers, se seraient-ils contentés des terres qu’ils occupent ?

  1. Une autre particularité, c’est le refus du None d’obéir à tout chef étranger. Même dans son village, le chef n’a pas voix prépondérante. Le None est le seul groupe à pratiquer la monogamie en général.
  2. Dans la région de Thiès, là où existe la polyandrie, la première femme commande ; elle gère le ménage. Il n’y a ni Linguère ni Die investies de pouvoir comme au Sine, au Saloum.

La femme Sine-Sine peut devenir chef de famille. Elle peut détenir la connaissance.

« Lorsqu’une femme stérile désirait avoir des enfants, tout comme un homme, elle demandait en mariage une jeune fille. Elle payait la dot, faisait les cadeaux et, lorsque la jeune fille était nubile, elle la faisait féconder chez elle par un homme de sa parenté. Les enfants issus de cette union passagère portaient le nom de la mère et étaient considérés comme ses enfants propres ».

  1. Le None exigeait que l’on épousât une femme de sa race. Toujours d’après Dulphy, « tout jeune quittant le village trois mois durant était soumis, à son retour, à une expérience publique qui devait prouver sa pureté sexuelle. Cette épreuve consistait à lui offrir un breuvage composé par les griots. Innocent, le jeune homme vomissait ; coupable, il était condamné au célibat ».

« Quelquefois on variait. Une grande quantité de coton était brûlée. Avec la cendre, un griot se frottait les mains puis se lavait dans une calebasse. L’accusé devait retirer de l’eau une poignée de coton blanc ».

« Cette coutume obligeait le jeune homme à s’attacher à son village ».

  1. Le Sérère sanctionne les mariages en lignée maternelle par une cérémonie de bannissement : le Degréo kèye :

« Chacun des 2 coupables tient, l’un après l’autre, dans une main, une feuille de rosier dont l’extrémité est tenue par le chef de famille. Ce dernier, après avoir prononcé l’exclusion du fautif, branche symboliquement le pédoncule de la feuille, signifiant ainsi la séparation du membre de sa famille. Dès lors, les exclus perdent tous droits sur le patrimoine familial et ils n’ont plus à compter sur l’assistance de leur ancienne famille ».

Ils fondent une nouvelle famille, conservent le nom de la lignée. Mais cette famille est désormais étrangère à la première. Leurs enfants peuvent se marier : Laha /laha.

Coutumes communes

Nous parlerons rapidement de l’unicité dans les funérailles, la pluie, le mariage, la famille.

  1. a) Les funérailles chez les Sérères demeurent un fond de croyance égyptienne.

L’homme ne meurt pas définitivement. Il doit revivre dans l’au-delà. L’éternité s’acquiert par la vertu.

Le Sérère regagne l’autre monde avec ses biens. Ce départ doit être fêté. Aussi chante-t-on et danse-t-on et lui confie-t-on des commissions ­ pour d’autres morts.

Le mort a droit à un (mbanar) lomb ou pomboy), à une pyramide formée par le toit de la case recouvert de terre ou de coquillage (yel).

Chez le None, l’on creuse parfois un caveau (kouna) pour toute la famille. Le riche est déposé sur son lit dans une fosse aux parois tapissées de toile (Lome).

Chaque parent qui arrive a ses vivres. Il immole un bœuf. Il entretient sa suite et contribue à la réception des hôtes. Il ne ruine pas la famille endeuillée. La noblesse d’une telle pratique est à faire connaître.

Pour une personne très âgée, l’on chante, l’on danse…

Sinon, les camarades organisent une veillée funèbre ; ils préparent eux-mêmes la sauce du couscous.

Puis ils rappellent les hauts faits du disparu, ses chants de lutteur et de cultivateur.

Les canaris ne doivent jamais être vides, la nuit. Les morts reviennent parfois et veulent boire.

Avant, le griot était enfoui dans un creux de baobab. Le None lui a créé un cimetière spécial, par la suite.

Autre particularité none : un corps pouvait être introduit dans la stèpe évidée d’un rônier avant l’inhumation.

  1. b) Les morts – la pluie

Les Sérères vénèrent les morts, cherchent à se les rendre agréables. A l’approche de la saison des pluies, les hommes de la connaissance, se rencontrent.

Comment sera l’hivernage. Quels sacrifices faire pour rendre la saison favorable ?

Au cours de la période, si la pluie manque l’on se rend auprès du mbanar d’un homme réputé de son vivant.

Ngoyat de Joal avant de mourir avait promis de donner de l’eau s’il était sollicité !

Les femmes se déguisent en hommes pour demander de la pluie.

Les hommes interviennent aussi contre les sauterelles les empêchent de dévorer les plantes, les chassent vers la mer.

Chez les Ndoute l’on peut empêcher les moustiques de piquer.

Il arrive que l’on accuse un homme, (ou une femme) d’arrêter la pluie. Alors s’engage une lutte entre les possesseurs du savoir.

En 1990, l’autorité administrative permit de faire déterrer au village de Lalane une jarre où un homme avait enfermé la pluie. L’homme fut condamné à payer une amende et la tournée.

Lanane est un village de Nones. Les hommes de la connaissance tinrent la réunion à Diassab

Avant la récolte, s’effectue une autre rencontre.

  1. c) Mariage

Le Sérère se marie après sa circoncision qui peut avoir lieu parfois à 30 ans.

Les fiançailles sont prononcées ; le Sérère de la Petite-Côte offre alors un bracelet, le Tayer.

Il faut offrir une gourde de vin, une tabatière à l’oncle maternel, et au père ; les aider aux travaux champêtres, respecter la promesse.

Le rapt est permis.

Le mariage doit être faste.

A signaler que le jeune homme se procure lui-même la dot – Cependant le Sine-Sine marie et dote son neveu.

  1. d) Naissance

S’il y a évènement heureux, le Ndoute cherche une branche d’arbre et une petite termitière. Il écrase celle­ci sur le seuil et accroche le rameau au-dessus de la porte. (La termitière a nom Cupin-Tioupine).

Le père du Bébé None attache une corde à une hache qu’il fait traîner tout autour de la case ; il laisse l’outil à l’intérieur de la chambre.

Ce signe annonce une naissance.

L’on ne fait pas grand tapage. Le nouveau venu sera-t-il vertueux ?

La famille

« La parenté paternelle est une simple parenté qui ne crée que des obligations secondaires ou morales ».

« Les enfants de ma sœur utérine sont de mon sang ; quant à mes fils… » dit-­on. Le Sérère de la région de Thiès considère la parenté maternelle comme la seule véritable.

L’oncle dispose de la liberté des neveux : il peut les placer en gage. Cependant, autre entorse, chez le None, l’autorité maternelle peut être contre balancée par celle du père. Dans les discussions de famille la voix de l’oncle n’est que consultative. Le père peut passer outre ». Dulphy – 1937.

Malgré cette restriction (particulière au Nome) la prédominance de la lignée maternelle subsiste et se manifeste :

– par l’interdiction de mariage entre parents maternels

– et le bannissement pour atteinte à la coutume.

« Il aime sa famille, le Sérère ; elle comprend, outre les parents et les enfants, la parenté ascendante, descendante et latérale.

Certains domestiques favoris font partie de la famille ».

Qui est chef de famille maternelle ?

  1. a) Petite-Côte

L’oncle le plus âgé, et à défaut, le neveu le plus âgé. En l’absence de mâles, la femme la plus âgée.

  1. b) Ndoute

« Chez le Ndoute, le chef de collectivité est l’homme dont les ascendants (défunts mais connus) sont les plus anciens. Ce n’est donc pas toujours l’ homme le plus âgé » (Fayet). A sa mort, le cadet ne prend pas forcément la place. Le neveu lui succède.

Parfois le successeur est trop jeune ; alors l’on désigne un régent

Ces deux restrictions (none et ndoute) sont à mettre avec les différences particulières.

Il s’y ajoute une autre, l’autorité presque tyrannique du chef de famille ndoute. « Aucun membre ne peut effectuer un achat sans le consulter. Samba désire-t-il acquérir un bœuf ? Il remet la somme à l’oncle qui achète la bête et la met dans son troupeau ».

L’oncle ne peut vendre un champ, un bœuf sans avoir obtenu la majorité des voix.

S’il meurt, sans parent maternel, son oncle devient gérant des biens. Et le fils du défunt peut s’occuper des biens comme simple usufruitier.

Obligations du chef de famille maternelle

Il gère les biens, subvient aux besoins de chaque membre, paye les amendes imposées aux membres, paye les frais de leurs funérailles.

Les neveux, les cousins maternels sont à sa charge, s’ils habitent avec lui. Ses frères et sœurs relèvent de son autorité et il s’occupe d’eux.

Le chef de famille a un droit de contrôle sur les actes de sa mère. Il lui doit le respect filial, la nourriture, l’habillement, le logement.

Il a les mêmes devoirs envers ses tantes maternelles.

Mais il est père de famille

 

Il doit le logis, les ustensiles de cuisine à sa femme. Il cultive un champ de coton pour sa femme. Il ne paie pas son impôt.

Il entretient ses enfants ; tue un taureau lors de leur mariage, s’ils vivent avec lui.

Il cesse de payer leur impôt dès qu’ils sont circoncis.

La mère, l’épouse, s’occupe de ménage, paie son impôt et celui de ses, filles qu’elle habille également. Ses biens personnels sont gérés par son chef de famille maternelle. Elle gère le grenier, peut y puiser pour en donner aux parents du mari.

Elle cultive le champ que son mari lui procure.

Les enfants doivent travailler pour leurs parents. Ils leur doivent assistance. Le matin ils cultivent le champ paternel, sauf jeudi et vendredi ; l’après­midi, ils s’occupent du leur. Et ils en donnent le produit à leur oncle maternel. Mais avec le consentement de l’oncle ils peuvent remettre le produit au père.

Patrimoine paternel

Ce sont les champs, les arbres, les armes, les outils, les bijoux, les vêtements du père.

Les fils en héritent, pas les neveux ­ en pays ndoute.

En Petite-Côte, si le fils aîné est majeur, c’est-à-dire circoncis, l’administration des biens paternels lui incombe, d’après Dulphy.

La famille est l’école où l’on apprend à obéir, à aider les autres, à partager avec eux, un moment à vivre pour la communauté. L’on y prépare l’individu à pratiquer la vertu : franchise, loyauté, travail, pratique de la justice, amour du prochain, protection de l’hôte :

C’est pourquoi le Sérère est conservateur comme Pascal écrivant : « la suite des hommes, pendant le cours de tant de siècles, doit être considérée comme un seul homme qui subsiste toujours et apprend continuellement à la seule réserve que la tradition exclusivement sociale, instable et précaire ne soit pas rompue ».

Mais la suite du Bour Sine qui autorisa la création d’écoles à Joal, Fadiout, Ngazobil, nous ajouterons l’ouverture préconisée par la Lamartine.

« Je respecte ce qui est respectable du passé.

J’aspire à ce qui est agréable de l’avenir ».

Il est à souhaiter que les journées culturelles aient pour corollaires le retour (et non la reconversion) aux mentalités avec le respect de la famille, et la rédaction de notre histoire.

Remplissons nos devoirs envers les membres de notre famille. Vivons Sénégalais au sein de notre famille large, solidaire. Alors nous consommerons sénégalais et jamais nous ne connaîtrons les hospices pour vieillards, les orphelinats et même les auberges hors des grands centres.

Mais il faut connaître ces devoirs. L’on a tenté de nous acculturer, de nous apprivoiser, selon l’expression de Georges Hardy. Le Ministère de la Famille est interpellé. Las des semaines de la Femme et de la Jeunesse et de la famille il serait bon d’insister sur les droits et surtout les devoirs des différents membres. L’on apprendra aux jeunes à écouter la voix du sang ; cette voix ordonne d’avoir honte de dire des mensonges, de flatter, de tendre la main ; elle ordonne de travailler comme les autres. L’on ne choisit pas le lieu de sa naissance, l’on peut décider d’être digne, de vivre en « Gor ».

Dans les écoles, l’enseignant au cours des leçons d’éducation morale et civique fera connaître nos institutions, nos coutumes.

Que l’enfant puisse déclarer : « j’ai honte de faire cela » ! Cela sera sa règle de conduite.

Rédigeons notre histoire, province par province. Elle sera anecdotique ; elle s’appuiera sur des documents d’archives et de familles. Elle sera véridique – débarassée des petites histoires flatteuses racontées dans un but intéressé.

Le pays colonisé a versé beaucoup de sueur, de larmes et de sang. Nous avons eu des misères comme des grandeurs !

  1. a) L’apostrophe de Lat Garang Yandé Mbarou à Birima Fatma, lors du XAS :

– « Je me ferais faucher plutôt que d’assister à la défaite du Sine »,

  1. b) La réponse du frère du neveu de Diogomay Tine à Pinet Laprade :

– « Si tu veux voir mon oncle, viens le trouver dans sa case ». Il ne sortira pas ! c) L’exactitude de Baur Sine Koumba Ndofene Famak au rendez-vous fixé par Faidherbe à Fatick même ne donnent-elles pas le frisson historique à la jeunesse ? Cette jeunesse a besoin de beaux exemples à imiter.

L’amour de la patrie doit naître sur des assises sentimentales.

L’on traite certains groupes ethniques de rangés, hâbleurs, sceptiques, voleurs, individualistes, rusés. La couronne revient aux Sérères qualifiés d’honnêtes et dignes personnes.

Que les Sérères demeurent tels, malgré les agressions extérieures, afin que leurs fils puissent leur dire, comme à Sparte :

« Nous sommes ce que vous fûtes Nous serons ce que vous êtes ».