Philosophie, Sociologie, Anthropologie

VALEURS ENVIRONNEMENTALES ET SOCIOCULTURELLES DANS LA CONSOLIDATION DE LA PAIX EN CASAMANCE Éthiopiques n° 99.

Littérature, philosophie, sociologie, anthropologie et art.

2nd semestre 2017

VALEURS ENVIRONNEMENTALES ET SOCIOCULTURELLES DANS LA CONSOLIDATION DE LA PAIX EN CASAMANCE

La Casamance naturelle, jusque dans ses prolongements géographiques, est une terre dont la diversité constitue l’une des spécificités et richesses. Il importe d’interroger cette caractéristique afin de cerner les valeurs dont elle est porteuse et ce que celles-ci peuvent nous enseigner. D’ores et déjà, nous les situons dans les domaines de l’environnement et de la biodiversité, des entités ethnoculturelles, de l’existence de chaînes patronymiques et de la convivialité, de l’organisation politico-administrative, de la riziculture, de la fidélité aux traditions de l’initiation et de la gestion de la violence culturelle, de l’éthique personnelle et collective, de la solidarité discrète, des croyances religieuses, de la musique et de l’architecture. Ces valeurs peuvent-elles être des vecteurs de consolidation d’une paix qui se dessine et dont on espère qu’elle clôture, dans la durée, une crise qui a mobilisé tant d’énergies ? C’est l’ambition nourrie avec la présente contribution, qui permettra par ailleurs, espérons-nous, de mieux connaître cette composante de notre pays.

  1. LA CASAMANCE, TERRE DE VALEURS ENVIRONNEMENTALES ET DE BIODIVERSITÉ

L’on assimile quelquefois l’écologie à l’environnement, deux concepts qui évoquent, aux yeux de beaucoup de personnes, notre relation aux données naturelles. Si l’écologie est comprise comme l’« Étude des milieux où vivent et se reproduisent les êtres vivants, ainsi que des rapports de ces êtres avec le milieu » – Le petit Robert 1 –, Enda Tiers-Monde dont l’environnement a été à l’origine de la création donne de celui-ci, la définition suivante [2] :

L’environnement, c’est l’ensemble des éléments physiques, chimiques, biologiques et des facteurs économiques, sociaux, culturels, relatifs à un groupe humain, à un individu ou à un organisme vivant, qui agissent plus ou moins sur lui et qu’il peut plus ou moins transformer.

L’homme veille à s’installer dans les meilleurs cadres environnementaux, susceptibles de lui garantir une disponibilité de ressources naturelles, en quantité et en qualité, pour la satisfaction de ses besoins primaires. C’est pourquoi, l’accès à ces ressources constitue un élément déterminant dans sa relation à l’environnement, dont le caractère éco-systémique appelle également le respect des équilibres internes.

Ainsi, proche de la nature, partenaire de celle-ci et de ses éléments, l’homme peut nouer des relations d’alliance, incluant les éléments de la faune comme de la flore, justifiant ainsi l’identification et la protection d’un animal totémique ou de telle essence végétale, procédant à l’aménagement d’aires protégées comme les bois et les forêts sacrés. Sa relation à l’environnement peut le conduire aussi à interroger l’arbre et à lui demander pardon avant de lui infliger la morsure de la hache ou de tout autre instrument d’abattage. De même, il doit « acheter » à la plante ses vertus médicinales ou protectrices, en lui déposant de la monnaie, avant de prélever quelques-unes de ses racines, une portion de son écorce, certaines de ses tiges ou feuilles. Ses attitudes et comportements renvoient souvent à un mythe fondateur, perdu dans les limbes des mémoires, hormis celles de quelques personnes âgées qui en ont gardé souvenance. C’est ce mythe qui confère aux éléments de la nature, même du règne minéral, une efficacité symbolique, réinvestie dans de multiples rituels. Il s’agit là d’autant de facteurs de reconnaissance de la valeur intrinsèque de chaque élément, ainsi que de l’environnement dans son ensemble, et de la nécessité de la préservation de sa diversité biologique, ainsi que du respect de ses équilibres éco-systémiques.

La diversité biologique est précisément un facteur essentiel de la richesse de l’environnement, et de garantie d’une disponibilité de ressources appropriées, en quantité et en qualité. Son importance pour l’avenir de l’humanité a conduit la Communauté internationale à lui consacrer une Convention spécifique, dans laquelle elle est définie comme :

[…] la variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes (Convention sur la Diversité biologique [3], 1993 : 4).

La même Convention définit l’écosystème comme « le complexe dynamique formé de communautés de plantes, d’animaux et de micro-organismes et de leur environnement non vivant qui, par leur interaction, forment une unité fonctionnelle » (1993 : 4).

Toutes ces déterminations consacrent les effets mutuels entre l’homme et son environnement dans une coexistence quotidienne. Selon les bases de sa culture et les présupposés de celle-ci, l’homme façonne de manière singulière son écosystème en le modifiant fortement, et en retour, il est modelé par lui. On peut parler alors d’éco-cultures.

Au regard de la situation présente de la biodiversité, la Communauté internationale a mis en exergue les dangers qu’elle encourt et l’urgence de mesures appropriées. La Convention sur la biodiversité établit le constat que

[…] les ressources biologiques de la terre sont primordiales pour le développement économique et social de l’humanité tout entière. De ce fait, il y a une reconnaissance de plus en plus grande que la diversité biologique est un atout universel, d’une valeur inestimable pour les générations présentes et futures. (ibid.).

La baisse de la diversité biologique dans le monde entraîne de multiples conséquences négatives sur la disponibilité de ressources naturelles de qualité pour les générations présentes et surtout futures. Elle a conduit le Sénégal à procéder à un inventaire – non exhaustif – de son capital en cette matière, lors de l’élaboration d’une stratégie nationale et d’un plan d’actions pour la conservation de cette biodiversité [4].

Dans la mesure où les sociétés humaines sont marquées par leur environnement, auquel elles s’identifient selon des degrés variables, la biodiversité se fonde largement, notamment dans les cultures africaines et casamançaises en particulier, sur une certaine communauté d’être entre l’homme et le reste de la création. La conception bambara de cette relation fondatrice est sans doute l’une des plus explicites, et nous nous y référons comme à la base générique d’autres cultures, dont celles de la Casamance [5].

Citant le mythe de la création du monde chez les Bambaras, Amadou Hampâté Bâ rapporte que Maa Nala, l’Être Supérieur, créateur de l’Univers,

[…] préleva un brin de toutes les créatures qui existaient déjà. Il mélangea le tout et y ajouta une parcelle émanée de lui-même. C’est ainsi qu’il créa l’Homme. Puis il donna à cet homme qu’il venait de créer le nom de Maa, de sorte que ce nouvel être avait, par son nom, quelque chose de Maa Nala lui-même [6]. (Ba, Amadou Hampâté 1972 : 80).

Ainsi, pour les Bambaras, l’homme est « une synthèse de toutes les créatures du ciel et de la terre » (1972 : 80), et naturellement de tous les éléments de la flore, en particulier.

Les sociétés casamançaises sont largement inscrites dans cette logique et ont su, pendant longtemps, garder la richesse d’un patrimoine naturel et d’une biodiversité appréciable, adossées à leurs conceptions du monde, aux attitudes qu’elles ont adoptées et à leurs pratiques socioculturelles, ainsi qu’aux valeurs qui les sous-tendent. L’instauration de bois sacrés, au-delà de la dimension religieuse que revêtent ces derniers, s’inscrit en définitive dans cette stratégie de gestion durable de la biodiversité, dans la mesure où les éléments de la faune comme de la flore ne sont, ici, l’objet de prélèvements qu’à titre exceptionnel. La Casamance, de la sorte, a été, dans l’espace national, un temple de la biodiversité, et tente de le demeurer.

Ce faisant, elle s’inscrit dans la logique des initiateurs de la Charte de Kurukan Fuga qui devait régir la vie de l’empire du Mali naissant, et qui stipulait, dès sa conception en 1236, dans deux de ses 44 articles ou décisions :

Article 37 : « La brousse est notre bien commun, nous devons tous en prendre soin ! »

Article 38 : « Avant de mettre le feu à la brousse, ne regardez pas à terre, levez la tête en direction de la cime des arbres pour voir s’ils ne portent pas des fruits ou des fleurs [7] ».

Une attitude qui permet effectivement d’imaginer le temps qu’il a fallu à l’arbre pour atteindre la taille qui est la sienne, mais également pour lui laisser la possibilité de se reproduire, comme on le ferait d’un animal la femelle en gestation.

On mesure dès lors l’erreur de Pierre Fougeyrollas, professeur de philosophie à la faculté des Lettres et Sciences humaines de l’université de Dakar, lorsqu’il affirmait à la fin des années 1960, du haut de sa chaire, à propos des bois sacrés : « Le développement de l’Afrique ne se réalisera qu’avec la liquidation des bois sacrés [8] ! »

LA DIVERSITÉ ETHNOCULTURELLE

Si la multiplicité des composantes ethnoculturelles et ethnolinguistiques au sein d’un ensemble national a fait peur aux hommes politiques, notamment en raison de difficultés réelles de gestion cohérente et équilibrée de celles-ci au sein d’un État en construction, cette crainte devrait s’estomper de plus en plus, depuis que la Communauté internationale, réunie au sein de l’Unesco, a retenu la diversité culturelle comme une richesse en ce qu’elle illustre la fécondité du génie humain. Multiplicité – ou pluralité – des entités ethniques et diversité culturelle se conjuguent et se complètent. La reconnaissance de cette dernière a été le fruit d’un long parcours de la Communauté internationale, éclairée par les travaux des anthropologues, notamment ceux de l’école du « relativisme culturel », avec le Britannique Edward B. Taylor, et la publication, en 1871, de son ouvrage Primitive culture.

En effet, l’on a noté, avec inquiétude, que des langues minoritaires, de plus en plus nombreuses, disparaissent, alors que chacune d’elles exprime à travers la culture de son peuple, une vision, un ordonnancement et une expression singuliers du réel. Aussi la Conférence générale de l’Unesco, tenue à Paris du 3 au 21 octobre 2005, dans le cadre de sa 33e session, a-t-elle adopté la « Convention pour la promotion et la protection de la diversité culturelle et des expressions artistiques ». La diversité culturelle est ainsi reconnue comme une caractéristique inhérente à l’humanité, dont elle constitue un patrimoine commun au bénéfice de tous, que chacun devrait célébrer et préserver. Elle est à la base d’un monde riche et varié « qui élargit les choix possibles, nourrit les capacités et les valeurs humaines », ce qui en fait « un ressort fondamental du développement durable des communautés, des peuples et des nations [9] ». Cette diversité a été reconnue comme un facteur qui favorise, entre les peuples et les cultures, la démocratie, la tolérance, la justice sociale, le respect mutuel. De ce fait elle constitue une donnée indispensable à la paix et à la sécurité, aux plans local, national et international. C’est en se fondant, dans un préambule, sur autant de considérations, que la Conférence a adopté, le 20 octobre 2005, dans le cadre du mandat spécifique confié à l’UNESCO, ladite Convention.

Au regard de cette dernière, la diversité ethnoculturelle de la Casamance devrait être perçue comme une richesse du pays. Elle s’illustre avec les divers groupes ethnoculturels : Baïnounks, Balantes, Diolas – et leurs divers sous-groupes –, Mancagnes, Manjacques, Mandingues et Pepels, en Basse et Moyenne-Casamance ; Diakhankés et Poulars en Haute-Casamance et, plus à l’est – au Sénégal oriental – Tendas, (Bassaris, Koniaguis, Bediks, Boïns et Badiarankés).

Cette diversité, comme le précise la Convention, appelle la connaissance et la reconnaissance, la tolérance et le respect, l’équité et la justice, entre les peuples de la Casamance et dans l’ensemble national. Elle incite chacun à élargir ses propres repères, pour une autre perception de la singularité de l’Autre. Il s’agit d’aller au-delà de l’aune de sa seule perception personnelle, pour construire une relation positive avec Autrui, en ce qu’il représente, par sa différence, une source d’enrichissement possible. Il s’agit, en définitive, de dominer la tyrannie du semblable qui confine le regard à sa propre personne et conduit à s’abîmer dans la glorification narcissique de soi.

La diversité ethnoculturelle et linguistique dans l’ensemble national a été renforcée par la création d’associations de langues autour de la plupart des parlers du pays, et leur regroupement dans une Union nationale des associations de langues, UNAL. Les rapports de complémentarité tissés entre les parties et l’ambiance confraternelle qui règne entre elles, leur ont permis de conduire une démarche consensuelle auprès des autorités de l’État, et d’obtenir d’elles l’élargissement du statut de « langue nationale » à tous les parlers du pays, dès lors que des travaux scientifiques en permettent le découpage et la transcription.

Dans la même logique, les autorités de l’État ont procédé, en juillet 2007, à la création d’une Académie sénégalaise des langues nationales – ASLN –, une autre décision importante de reconnaissance des groupes concernés et de valorisation de la diversité ethnolinguistique dans le pays, et particulièrement en Casamance.

LA CASAMANCE, TERRE DE CONSTRUCTION DE CHAÎNES PATRONYMIQUES ET DE LA CONVIVIALITÉ

Terre de rencontres et de brassages, la Casamance a été le champ de l’initiation d’une démarche exemplaire : celle de la construction de chaînes patronymiques à partir de patronymes divers, qui postule l’équivalence entre leurs composantes et pose le paradigme d’une identité ouverte et tolérante, gage d’une libre circulation des personnes et des biens. Ainsi en est-il du cas patent et très connu de l’équivalence entre Ndiaye (patronyme porté tel quel chez les Poulars, les Sérères, les Soninkés et les Wolofs) et Diatta, (patronyme en usage chez les Baïnounks, les Balantes, et les Diolas), dont la chaîne se prolonge avec d’autres patronymes courants dans la sous-région et qui sont, en l’état actuel de nos recherches : Diarra, Diaga, Koné, Kondé, Konté, Kanouté, Malé, Togola, Soma, Tamboura, Soumah [10], etc.

Le principe qui sous-tend la démarche est simple : pour un patronyme donné, on établit son équivalence avec un autre patronyme. Cet établissement est généralement éclairé par l’histoire des migrations, des rencontres, des brassages, des métissages, des conflits ou des alliances entre peuples, groupes sociaux ou personnalités individuelles de grande envergure, tels que les chefs de clans et de lignées.

Ainsi, après avoir conquis les provinces de l’ouest au nom de l’empire du Mali naissant, Tiramaghan Traoré, l’un des généraux de l’armée de Soundiata Kéita qui conquit les terres de l’ouest jusqu’à la mer – jusqu’au Djolof d’après les traditions mandingues –, s’est vu donner en apanage le Gabou, cette province occidentale du nouvel empire. Il en prend possession avec une suite de 101 000 personnes, selon Djibril Tamsir Niane (1989 : 20), qu’il installe dans les nombreux villages qu’il fonde, au fur et à mesure de ses pérégrinations. Pour faciliter leur intégration au sein des peuples d’accueil, les migrants changent de patronymes en adoptant la coutume locale qui permet au neveu d’hériter de son oncle maternel.

Ils furent ainsi, grâce aux coutumes locales, les maîtres légitimes des terres du Gabou. Le jeu en valait la chandelle : les noms malinkés Traoré, Kéita, Kourouma, etc. furent remplacés par les noms de clan baïnouks, manjaks, badiarankés, etc. Sané et Mané se substituèrent à Traoré (clan de Tiramaghan), Sagna et Mandjan à Kéita (clan de Mansa Wali, fils de Soundjata [11]). Partout dans les autres provinces, les Malinkés prirent les noms locaux : Sonko, Diassi, Maron, Diammé, Niabali, etc. La transmission du pouvoir par les neveux, si caractéristique de la Sénégambie, passa dans les mœurs des Malinkés. (Niane, 1989 : 39).

 

Le système de mise en équivalence entre patronymes constitue un multiplicateur de la parenté plaisante [12] inter-patronymique, aux côtés des autres portes d’entrée de celle-ci, et qui peuvent être : l’ethnie, le matrilignage, la catégorie socioprofessionnelle, la contrée, le village, la classe d’âge, etc.

Nous connaissons la dimension interethnique de cette parenté avec le mythe d’Aguène et Diambogne, qui inter-relie Diolas et Sérères, en fait des parents plaisants, et qui est magnifiée par le Festival des origines [13], fruit de la fécondité des initiatives d’un fils de la Casamance, le gouverneur Saliou Sambou et de fils du pays sérère.

La parenté plaisante est un lubrificateur des rapports sociaux sur lesquels elle étend un baume de chaleur, de convivialité et d’humour. La coexistence pacifique entre les groupes ethniques de la Casamance a constitué une illustration de leur capacité de vivre dans les mêmes espaces, sur la base de la reconnaissance et du respect mutuels, de la tolérance et de la justice. C’est avec l’avènement de la crise casamançaise que cette coexistence pacifique et conviviale a été rompue par moments, non pas tant entre les groupes casamançais eux-mêmes, que dans les relations avec des ressortissants du nord du pays, et en général à l’exclusion des parents plaisants ou cousins que sont les Sérères.

L’ORGANISATION POLITICO-ADMINISTRATIVE

La Casamance a connu divers modes d’organisation politico-administrative. Il y a d’abord son inclusion dans le Gabou, devenu vers 1240, une province de l’empire du Mali, suite à sa conquête par Tiramaghan Traoré (D. T. Niane, 1989 : 11). Demeuré province malienne jusqu’au 17e siècle, le Gabou s’est constitué comme royaume autonome à partir de cette période et a connu son apogée au 18e siècle, puis son déclin dans la période 1790-1867, et sa chute en juillet 1867, avec la prise de sa capitale, Kansala, par les Peuls du Fouta-Djallon (Niane, 1989 : 42 et suivantes). Sous ce rapport, la Casamance a connu un pouvoir politico-administratif centralisé, mais sans doute avec une large autonomie des communautés, comme cela a été le cas dans de nombreuses contrées de l’Afrique de l’Ouest.

Mais, ce qui est vraiment frappant, comme s’il en marquait d’une certaine façon l’identité, en dehors des Malinkés conquérants du Gabou, c’est la structuration horizontale, fondamentalement égalitaire, parce que sans hiérarchisation significative, des différents groupes ethnoculturels de la Casamance. Il s’agit du modèle organisationnel que Paul Pélissier définit comme « anarchique [14] ». Cette caractéristique a nettement imprimé sa marque à la société diola, dont le sous-groupe Kassa a secrété une royauté à vocation sacerdotale. Présente surtout en Basse-Casamance, cette royauté diola apparaît principalement comme une royauté de services, qui attribue au roi la charge de veiller sur son peuple, sur le plan de l’éthique et de la sauvegarde de l’ordre social établi, et pour faire face aux grandes calamités telles que les épidémies et la disette.

Parallèlement, la société diola s’est développée sous la forme de villages-États, proches du modèle des cités-États de la Grèce antique. Pour avoir développé une vraie civilisation de la riziculture (Louis-Vincent Thomas, Et le lièvre vint, NEA, 1982), elle s’est organisée dans sa structuration spatiale autour de la rizière, son centre névralgique à partir duquel se développent les habitats et l’aménagement des terroirs.

Cette forme d’organisation a enraciné au sein de cette société, au cours de longs siècles de présence, l’esprit d’autonomie et d’indépendance vis-à-vis de tout pouvoir politico-administratif central, une capacité de s’auto-administrer et de se prendre en charge à travers des formes traditionnelles de décentralisation effective et, partant, de gestion de la chose individuelle et/ou publique.

Le modèle a permis de développer l’esprit de résistance face à toute autorité « exogène » qui décrète et légifère sur la vie des gens en dehors d’eux. L’existence d’une entité impersonnelle dénommée « État » et perçue comme un réel désincarné, et l’objectif de la construction d’une nation, n’amoindrissent en rien la force de ces références séculaires. La colonisation française en a fait une amère expérience lorsque, pendant la Seconde Guerre mondiale, ses représentants ont voulu prélever du riz en Casamance pour nourrir l’armée coloniale. Le peuple diola secréta en son sein Aline Sitowé, baptisée « Jeanne d’Arc de la Casamance ». Elle organisa la résistance face à cette décision fondée sur la raison d’État, et qui plus est, en pleine situation de guerre.

LA CASAMANCE ET LA CIVILISATION DIOLA DE LA RIZICULTURE

L’anthropologue français Louis-Vincent Thomas a consacré aux Diolas sa thèse de doctorat d’État. Parallèlement, il a étudié la littérature orale de ce peuple en publiant un recueil de contes : Et le Lièvre vint (Dakar, NEA, 1982) dans lequel il s’est penché sur la riziculture qui revêt à ses yeux les traits d’une vraie civilisation chez ce peuple.

Cette civilisation est d’abord fondée sur la sédentarité, car elle suppose la réalisation sur les terres à exploiter d’aménagements qui s’effectuent sur le long terme. Ainsi, alors que d’autres peuples de l’espace national recourent à la mobilité lorsque s’affaiblit la disponibilité des ressources naturelles non gérées sur le long terme, le peuple diola a centré sa vie autour de la rizière et de la sédentarité, c’est-à-dire autour de terres appropriées, à aménager pour une durabilité féconde, et dont il faut avoir la maîtrise pour une activité essentielle.

Qu’on se réfère ici, entre autres, aux méthodes de conquête de rizières profondes (P. Pélissier : Les paysans du Sénégal, pp. 720-723) qui se rencontrent le long des marigots et des défluents de l’estuaire, non loin de la mer. Ces rizières sont construites à partir d’une transformation des vasières salées et des palétuviers. Leur aménagement

[…] implique un travail considérable, parfois collectif, toujours étalé sur plusieurs années. Il entraîne la transformation en véritables polders de zones inondables par la mer. Il représente une authentique conquête de sol cultivable, exigeant de la part de l’homme une connaissance précise des sols du poto-poto et des marées pour maîtriser et transformer ceux-là. (1966 : 720).

La civilisation diola de la riziculture inclut également une diversité génétique considérable. À ce titre, L.-V. Thomas rapporte dans son ouvrage cité (1982), que les Diola ont domestiqué plus de 850 variétés de riz [15]. Une telle maîtrise a pour corollaire la prise en compte de nombreux paramètres, liés notamment à la climatologie, à la morphologie des sols, à la pédologie, à la diversité des cycles des variétés et partant au calendrier agricole, aux techniques culturales, à la résistance des variétés, à l’organisation des récoltes et au stockage de ces dernières, aux propriétés culinaires et nutritives, etc.

La civilisation diola de la riziculture situe en bonne place la respectabilité de chacun, en référence à l’importance de ses récoltes en riz. Autrement dit, plus on récolte et engrange du riz, mieux on est apprécié et considéré par la société. Dans cette optique, la société diola a conçu des techniques de conservation de la céréale qui assurent à celle-ci une grande longévité, grâce à un emplacement qui en permet la fumigation et, partant, la préservation des attaques des insectes.

Les valeurs qui s’attachent à l’ancienneté et à l’importance des stocks de riz s’éclairent du rôle joué par cette céréale dans des cérémonies cycliques, aussi importantes que celles de l’initiation masculine, organisée dans une même localité selon une périodicité longue de 15, 20 ans et plus. Le vieux riz stocké et utilisé à cette occasion illustre les capacités du paysan producteur de riz, et l’abondance de ses récoltes.

La connaissance et la préservation du patrimoine génétique rizicole, fruit d’une observation, d’une expérimentation, d’une mémorisation et d’une accumulation séculaires, représentent une responsabilité nationale majeure. Au moment où le Sénégal veut sortir de la tyrannie du riz importé, et où le patrimoine génétique mondial des semences se réduit avec acuité, en raison de son accaparement par quelques multinationales uniquement mues par le profit et des intérêts à court terme, les regards des politiques et des techniciens devraient se tourner plus que jamais vers cette civilisation diola de la riziculture. Il s’agit certes de faire de la Casamance le grenier à riz du Sénégal, mais aussi de scruter cette civilisation à travers tous ses atouts : son esprit, les connaissances et pratiques qui gisent en elle, le patrimoine génétique qu’elle a accumulé, etc., afin de construire l’autosuffisance du pays et conforter la dignité de ses fils [16].

LA FIDÉLITÉ AUX TRADITIONS DE L’INITIATION ET LA GESTION DE LA VIOLENCE CULTURELLE

La Casamance demeure dans l’espace national, un lieu privilégié où des traditions fortes, telle que l’initiation masculine, sont maintenues et vécues. Chez les Diolas, celle-ci a des soubassements multiples : signes annonciateurs interprétés par les sages et qui ne manquent pas de surprendre tant ils sortent de l’ordinaire ; longues processions de la foule des grands jours sur des distances réduites, avec un décuplement des énergies, grâce à une boisson fortifiante, le bunkayab ; chants exécutés en chœurs alternés, avec une plénitude sonore entrecoupée par les détonations des fusils. C’est alors qu’on assiste à des démonstrations de savoirs hors de l’ordinaire, avec des acteurs qui se passent énergiquement le tranchant de la lame aiguisée des machettes sur le corps – au cou, au dos, aux bras, au ventre et même dans les yeux – sans égratignures. Ainsi prouve-t-on son invulnérabilité devant les postulants qui seront internés au cœur du bois sacré pour une durée de plusieurs mois, jadis, aujourd’hui fortement réduite. Ces démonstrations revêtent les aspects d’une véritable catharsis, en même temps que d’une forme de transfert dans le champ de la culture, de la violence potentielle pour la défense de la rizière. On peut y voir également une mise en garde face à toute perturbation ou tout bouleversement de la distribution de l’espace aménagé autour de la rizière !

Tout postulant est marqué par cette procession, sa durée, son intensité, la résistance qu’elle demande. Tout postulant est surtout transformé par son vécu au cœur du bois sacré, les enseignements et les valeurs qu’il y reçoit et qui conjuguent autant les savoirs, les savoir-faire que les savoir-être. Il veillera à les respecter et à en garder certains sous le sceau du secret. Le statut d’adulte digne et respectable s’acquiert grâce au séjour dans le bois sacré, la consécration acquise par la reconnaissance des hommes, mais également par celle des êtres du panthéon religieux. La fidélité de la Casamance à des traditions telles que celle de l’initiation en fait un repère dans la construction de l’homo senegalensis enraciné.

LA CASAMANCE, TERRE D’UNE ÉTHIQUE COLLECTIVE ET PERSONNELLE EXIGEANTE

La Casamance offre également au reste du pays les valeurs d’une éthique collective et personnelle fondée sur une dimension religieuse. Au regard de la conception du monde et de la marche de celui-ci, certaines déviances individuelles peuvent influer négativement sur la société et son devenir. Le déviant est dès lors tenu de confesser ses fautes et de s’en repentir. Or, si l’on manquait de faire cette confession, les sanctions qu’une telle attitude entraînerait de la part des mânes seraient incommensurables et pourraient se prolonger jusqu’à la descendance [17].

Une démarche fondée sur l’éthique collective, suffisamment singulière pour être relevée, est mise en œuvre dans des sociétés dont la profondeur des racines garantit une présence discrète mais efficace des puissances tutélaires, qui veillent avec vigilance sur l’observance d’une droiture gage du bien commun. Des prises de responsabilités sont alors accompagnées de prières aux autels consacrés aux mânes ancestrales, afin que les personnes concernées bénéficient de leur assistance et de leur encadrement, en évitant toute déviance, en gérant le bien collectif dans la transparence, la sincérité et de la régularité [18]. Il s’agit, pour ces personnes, non seulement de se soucier de la qualité des résultats à atteindre, mais également de quitter leurs charges la tête haute. À une époque où détourner le bien commun à son propre bénéfice ou à celui, exclusif, de ses proches n’est plus vécu comme une faute grave, l’exemple de la confession publique du déviant et de l’observance d’une éthique sous le contrôle d’une transcendance dont la sanction est immédiate ou peu différée, constitue par repère fort à porter à la connaissance des déviants potentiels.

LA CASAMANCE, TERRE D’UNE SOLIDARITÉ EFFICACE ET DISCRÈTE

La Casamance nous offre également l’une des formes les plus achevées de la solidarité humaine. À ce titre, la royauté sacerdotale en Basse-Casamance est le garant d’une redistribution de vivres en cas de famine, avec une intégration des pratiques de l’entraide dans une éthique et une discrétion remarquables. Devant la précarité des situations vécues, et nul ne sachant de quoi demain sera fait, ceux qui disposent de surplus assistent ceux qui sont dans le besoin. Cette assistance s’effectue la nuit tombée, avec le dépôt du surplus à un endroit accessible et connu, avant de s’en retourner chez soi. Quiconque est dans le besoin peut aller se servir dans les mêmes conditions et rejoindre aussi discrètement son domicile. Les identités des protagonistes sont noyées dans les ténèbres.

La Casamance, terre de traditions religieuses fortes

Bien qu’ils adhèrent de plus en plus aux religions révélées, les peuples de Casamance gardent une fidélité certaine à la religion du terroir, et nombre des actes qu’ils posent dans la vie quotidienne trouvent leur fondement ou leur prolongement dans leurs croyances séculaires. L’existence des bois sacrés, par-delà leur insertion dans une stratégie de conservation de la biodiversité, manifeste la forte présence des références religieuses du terroir des origines.

Nous sommes en présence d’un monothéisme fort, qui place au sommet de la pyramide du système religieux l’Être Suprême, créateur de toutes choses ; suivent des êtres spirituels et des esprits ancestraux plus proches des hommes, attachés à des familles et/ou à des terroirs et par l’intermédiation desquels on adresse sa prière à Dieu. Cette proximité est un gage d’assistance devant les vicissitudes de l’existence, moyennant le respect des engagements contractés. Sous ce rapport, cette relation, prenante et même exigeante, permet de veiller sur l’observance d’une éthique personnelle et collective sans lesquelles une société s’inscrit et persévère difficilement dans la durée.

De quelques valeurs musicales

La Casamance est une terre où ont fleuri les arts musicaux. Nous évoquerons tout juste ici quelques instruments de musique pour suggérer la portée du patrimoine accumulé. Il y a d’abord la kora, instrument de choix au regard des bases de sa conception techniques, de la beauté des sons qu’elle produit, du répertoire considérable qu’elle a permis de constituer et des territoires qu’elle a conquis de par le monde. Elle connaît en Casamance des sonorités particulières qui se distinguent de celles produites avec elle sous d’autres cieux. Elle est entrée dans l’orchestration d’une diversité de musiques de danses, de louange, de chambre, d’accompagnement de textes poétiques [19], etc. La thèse volumineuse qu’Ousmane Sow Huchard a consacrée à cet instrument [20] représente une donnée importante de l’argumentaire visant sa valorisation toujours plus élargie.

Un peu moins popularisé et moins exploité est le balafon, autre instrument du patrimoine musical de la Casamance, qui offre des sons mélodiques rythmés. La créativité musicale de la Casamance s’illustre également à travers des instruments tels que l’arc musical aux sons amplifiés et modulés par la cavité buccale, l’ekontin, sorte de guitare tétracorde, le bolombata, harpe arquée aux sons graves, le simbin, harpe à six cordes, instrument des chasseurs, le bombolong ou tambour parleur dont on peut s’étonner de la construction. Il s’agit d’un billot de tronc d’arbre d’une longueur d’un peu moins d’un mètre, évidé selon une technique qui laisse intacts ses extrémités, mais aménage une petite ouverture sur la longueur et qui se représente comme la bouche de l’instrument. En effet, c’est à partir de cette ouverture que les sons sont émis, après avoir été amplifiés par la cavité obtenue à partir du tronc évidé. Selon que la percussion, effectuée au moyen de baguettes, est exécutée sur le ventre de l’instrument ou près des lèvres, aux extrémités ou au centre, les sonorités obtenues sont typées et permettent l’expression de messages tambourinés.

La Casamance, le pays diola en particulier, a mis au point une technique de percussion des tambours à peau, unique en son genre, pour réaliser les rythmiques de la danse très populaire du bougarabou. Un homme-orchestre se retrouve devant quatre et parfois cinq tambours à peau qu’il percute avec une rare dextérité à différents endroits du corps des instruments et par différentes parties de la main, pour leur faire émettre des sons multiples et divers, amples, brefs, graves ou aigus, entrelacés dans un savant dosage et selon une rythmique complexe et entraînante. Le niveau d’élaboration de celle-ci est tel qu’il est difficile d’en trouver des équivalents dans l’espace national ou hors de celui-ci. La rythmique s’enrichit du bruit des sonnailles que le tambourinaire s’attache aux poignets, et des battements des mains des spectatrices, munies de morceaux de pétioles de rônier pour accroître l’intensité des sons émis. Que ce soit sous les derniers rayons du soleil avant son coucher ou sous la lune rieuse et complice, les chœurs alternés des chanteuses, divisées en deux groupes ou en un seul répondant à une soliste, sont mêlés à l’ensemble sonore émis par les tambours. Les spectateurs en sont souvent subjugués !

De quelques valeurs architecturales

La Casamance, à travers le pays diola, se distingue également par ses options et sa maîtrise architecturales. Si l’on a amplement fait connaître la case à impluvium, au point que son modèle est exporté et mis en œuvre ailleurs dans le pays et hors de celui-ci [21], tel n’est pas le cas de la grande case, comme il nous a été donné de l’observer dans le village de Sindialon [22], non loin de Marsassoum (département de Sédhiou).

La case du chef de ce village totalisait quatorze pièces et plusieurs couloirs. L’édifice en banco comportait un plafond supporté par des poutres en bois de rônier sur lesquelles étaient étendues des lattes en bois de palétuvier. Sur ces dernières s’étalait une couche de banco avec, par endroits, des ouvertures d’aération destinées à éviter d’emprisonner l’air chaud entre le plafond et le toit de chaume. Le toit, en débordant largement les murs, les protégeait contre les eaux de pluie. Il s’agit assurément là d’une leçon architecturale pour les élèves des écoles d’architecture [23] et pour d’autres populations du pays et d’ailleurs [24].

VALORISATION DES CULTURES CASAMANÇAISES ET AUTODÉPASSEMENT

Les cultures casamançaises, riches des valeurs multiples dont nous avons passé en revue quelques-unes, doivent être portées à la connaissance de toute la nation en construction et pétries dans la culture nationale en gestation. Ces valeurs qui célèbrent le travail et la droiture, notamment dans la gestion du bien commun, la solidarité, non point tapageuse [25], mais discrète, l’esprit d’autonomie qui fonde et détermine l’engagement personnel et collectif, les arts, les valeurs qui incitent au respect du vivant dans sa diversité et dont nous ne sommes que l’un des maillons de la longue chaîne, etc., sont autant de legs dont notre pays a grand besoin aujourd’hui.

Il importe à l’être humain d’être reconnu dans son éminente dignité, et c’est la culture qui détermine les paramètres de cette reconnaissance, à travers le sens et les valeurs qu’elle confère aux choses, aux attitudes et aux comportements. La résolution de la crise casamançaise passe par cette reconnaissance, mais également par la pacification des cœurs, grâce à des actes appropriés et à des efforts de dépassement. Ces efforts incombent à toutes les parties prenantes, car ils sont nécessairement conjoints. Aux fils de la verte Casamance de relever leur part de ce défi, en puisant, dans leurs tréfonds, les capacités de mettre fin à une crise qui perdure depuis plus d’une trentaine d’années !

BIBLIOGRAPHIE

Agence japonaise de Coopération Internationale ; Direction des Eaux, Forêts, Chasses et de l’Hygiène publique, République du Sénégal.- Étude pour une gestion durable de la mangrove de la Petite Côte et du Delta du Saloum de la République du Sénégal. Rapport intermédiaire, 2002, 213 p. plus annexes.

BÂ, Amadou Hampaté : « Présentation des religions africaines traditionnelles » : in Colloque de Cotonou 16-22 août 1970, organisé par la Société africaine de Culture, Paris, Présence Africaine, 1972, 429 p.

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CONSTANTIN, François : « Environnement et développement », in : Perspective sud, Paris, ADFP, MAE, CEAN, CEA, 2003, pp. 236-239.

NDIAYE, A. Raphaël, « Témoignage sur la Casamance : verdure, accueil et abondance », in : Comprendre la Casamance, Chronique d’une intégration contrastée, Paris, Éd. Karthala, 1994, pp. 287 à 296.

NDIAYE, A. Raphaël « Patrimoine culturel et Biodiversité » (Conférence publique, prononcée au Centre culturel français) Dakar, 8 juin 2004, 22 pages polycopiées.

NIANE, Djibril Tamsir, Histoire des Mandingues de l’Ouest, Paris, Éditions Karthala, 1989, 224p.

PELISSIER, Paul, Les paysans du Sénégal. Les civilisations agraires du Cayor à la Casamance ; Saint-Yrieix (Haute-Vienne) ; 1966 ; 941 p.

République du Sénégal, ministère de l’Environnement et de la protection de la nature, Projet de Stratégie nationale et de plan d’actions pour la conservation de la biodiversité, Dakar, 1999, 93 p.

SAMBOU, Saliou, La légende d’Aguène et de Diambogne, Dakar, Éditions Niamagne, 2005, 96 p.

SOW-HUCHARD, Ousmane, La kora Objet-témoin de la civilisation mandingue (Essai d’analyse organologique d’une harpe-luth africaine), Dakar, Presses universitaires de Dakar, 2000, 540 p.

THOMAS, Louis-Vincent, Et le Lièvre vint, Dakar, Nouvelles Éditions Africaines, 1982.

[1] Directeur général de la Fondation Senghor

[2] Enda Tiers-Monde – Environnement et Développement du Tiers Monde – est, à l’origine, un programme issu d’une des décisions de la première conférence internationale des Nations-Unies sur l’Environnement et le Développement, tenue à Stockholm en juin 1972. Enda est devenue une organisation internationale à caractère associatif et à but non lucratif, créée au Sénégal, son pays d’accueil, avec le Gouvernement duquel elle a signé un accord de siège, le 27 juin 1978.

[3] Convention sur la Diversité biologique Textes et annexes, Genève, Secrétariat pour la Convention sur la diversité biologique, 34 p. Adoptée le 22 mai 1992, elle est entrée en vigueur le 29 décembre 1993, après avoir enregistré 168 signatures.

[4] Projet Biodiversité SEN/96/G31/99 (FEM/PNUD). L’étude livre les données de base suivantes (p. 6 et 7) :

– Flore phanérogamique ou plantes à fleur : 2500 espèces réparties en 3 grandes zones floristiques : nord : 800 ; centre : 1000 ; sud : 1700 ;

– Faune : Insectes : environ 2000 espèces ; mollusques et poissons : 1000 espèces ;

– Faune sauvage au parc national du Niokolo Koba : mammifères : 80 espèces ; oiseaux : 330 ; reptiles : 36 ; amphibiens : 2 ; poissons : 60.

– À noter que 1700 des 2500 plantes supérieures se trouvent au parc du Niokolokoba.

– Aires protégées : parcs nationaux : 6 ; réserves fauniques : 6 ; réserves de la biosphère : 3 ; sites du patrimoine mondial : 3 ; forêts classées : 213.

[5] Nous renvoyons, ici, au mythe sérère de la descente des cinq premiers végétaux, qui ont rendu habitable le marécage primordial qu’était la terre, après que Dieu s’était retiré au Ciel, en séparant celui-ci de la terre : Yaay (Combretumglutinosum), qui consolida la terre en y enfonçant ses racines ; Ngud (Guierasenegalensis) pour conférer à la terre la durée ; Sab (Ximeniaamericana) pour tâter, palper de ses racines la terre, en apprécier et en renforcer la consistance, Mbodaafod (Calotropisprocera) pour rebouter la terre et s’assurer de sa solidité, et, enfin, Ngojil (Anageissusleiocarpus) qui nomma ses prédécesseurs, suivant la fonction remplie par chacun d’eux, et qui tire son nom de cette fonction de nomination. Cf. notre thèse, « La Notion de parole chez les Sereer », Paris III, La Sorbonne nouvelle, 1981, pages : 493 – 497.

[6] Amadou Hampaté BÂ, « Présentation des religions africaines traditionnelles », in Colloque de Cotonou 16-22 août 1970, organisé par la Société Africaine de Culture, Paris, Présence Africaine, 1972, 429 p.

[7] Sur cette Charte et nombre des facteurs qui s’y rapportent, on peut se référer à l’ouvrage qui lui a été consacré, publié à l’initiative du Centre d’Études Linguistiques et Historiques par la Tradition Orale – CELHTO, basé à Niamey, dont le lancement a eu lieu à Dakar, le 30 juin 2008, ouvrage intitulé : La Charte de Kurukan Fuga. Aux sources d’une pensée politique en Afrique, Conakry, SAEC ; Paris, L’Harmattan ; 2008, 164 p. Une note de bas de page, relative à cet article stipule à la page 55 : « Il faut d’ailleurs préciser que les feux de brousse étaient l’une des infractions toujours punies de mort par souci de préserver la nature en l’état ».

[8] Véritable tribun, ce professeur – 1922-2007 – subjuguait les étudiants dont j’étais, et nombre d’entre nous se trouvaient peu armés pour lui présenter des arguments contraires. Par ailleurs, à l’époque, la prise de conscience des dangers qui guettent l’environnement n’était pas aussi nette. La première alerte, à ce sujet, a été donnée avec le Conférence de Stockholm, tenue en juin 1972, suivie de celle de Rio en 1992. C’est cette dernière qui a analysé en profondeur et entériné le concept de développement durable. Elle a été marquée tout particulièrement par la parution, sous l’égide des Nations-Unies, du rapport « Notre avenir à tous », préparé sous la direction de la Norvégienne Gro Harlem Brundtland, dit « Rapport Brundtland ». Responsable de plusieurs équipes à Enda Tiers-Monde, j’ai participé à cette conférence de Rio, et suivi de près les débats et de nombreuses autres activités dont elle a été le cadre.

[9] Cf. le préambule de ladite Convention.

[10] Sur cette question on peut se référer à nos recherches, notamment à un article que nous avons fait paraître dans la revue Environnement africain sur tous les fronts, n° 31-32, 1992, vol. VIII, 3-4, pp. 97 à 128. L’article a pour titre : « Correspondances ethno-patronymiques et parenté plaisantante : une problématique d’intégration à large échelle ».

[11] Mansa Wali « est l’ancêtre des Sagna, dont le Kantor est la province d’origine » (Niane, 1989 : 21)

[12] Nous regroupons sous l’expression « Parenté plaisante » les différentes appellations –« parenté à plaisanteries », « cousinage », « cousinage à plaisanteries », « alliances à plaisanteries », « alliances cathartiques », les deux dernières n’étant pas fondées sur des liens de sang, mais sur une alliance avec une altérité. Nous la définissons comme « Un ensemble de liens conviviaux privilégiés et permanents établis à l’intérieur de la parentèle, verticalement et horizontalement ; et dans la relation avec l’Autre par l’Ancêtre, activés dans une démarche personnelle renouvelée, et qui fonctionnent sur la base de l’humour. »

[13] Ce festival a été organisé d’abord en 1984 à Fatick, capitale de la région du même nom, alors que M. Saliou Sambou en était le gouverneur. Il l’a également été, entre autres, en 1996 à Ziguinchor, en 1999 à Joal-Fadiouth, en 2001 à Thiès. Au-delà des Sérères et Diolas, il a regroupé des participants venant de toutes les régions du Sénégal. À Joal-Fadiouth, ces derniers étaient au nombre de 3.000. Un colloque a été tenu sur « Les écosystèmes régionaux dans une synergie nationale pour un développement concerté » (19-20 novembre 1999).Nous avions été chargé d’en délivrer la conférence inaugurale sur le thème « Pluralité ethnique, convergences culturelles et citoyenneté en Afrique de l’Ouest ».Compte tenu de la portée unificatrice du festival, c’est le président de la République qui en a présidé la cérémonie officielle d’ouverture.

[14] PÉLISSIER, Paul, (1966 : 198) Il en est ainsi, d’après cet auteur, de la société agraire et égalitaire sérère d’avant l’arrivée des Guelwars dans la première moitié du 14e siècle, administrée par des chefs de terre appelés lamanes. « Les Sérères représentaient, jusqu’à ce qu’ils soient encadrés par les Guellewar, le type même de la paysannerie égalitaire et « anarchique ». Même avec l’avènement des Guelwars, cette caractéristique est restée forte dans de larges pans du pays sérère, notamment au niveau du littoral atlantique et plus largement dans la province du Hiréna.

[15] Ce chiffre considérable nous avait semblé suspect, mais en discutant de cette question avec des chercheurs de l’Institut Sénégalais de Recherches Agricoles (ISRA), en 2007, il nous a été précisé que l’un de leurs agronomes avait effectivement identifié environ 700 de ces variétés.

[16] C’est le lieu de rappeler ces propos, tenus souvent par le Président Félix Houphouët-Boigny : « Un peuple qui mendie sa nourriture ne peut être un peuple libre et digne ! »

[17] Le principe de cette confession publique se retrouve dans différentes sociétés africaines, avec des formes plus ou moins proches. Chez les chasseurs mandingues et bambara, elle revêt la forme suivante : « Le chasseur qui trompe sa femme (ou ses femmes) et entretient des relations sexuelles avec une autre femme est convoqué et confronté avec ses femmes auxquelles il demande le pardon et adresse ses excuses. La confrontation a lieu à un embranchement, le dankoun, en présence des chasseurs réunis et des épouses trompées. Là, le chasseur avouera ses fautes et fera un sacrifice expiatoire, pour apaiser le courroux de Sanéné et Kontoro.

[18] On a observé ce genre de démarche au sein des groupements Naam du Yatenga au Burkina Faso.

[19] Il me revient à l’esprit le dialogue épique, engagé entre la kora et la harpe celtique au théâtre national Daniel Sorano, à Dakar, en 1984, lors d’une grande activité de promotion du livre et de la lecture, co-organisée par des partenaires sénégalais et bretons. L’opération, baptisée : Regards croisés, dialogue des cultures, avait permis de faire venir au Sénégal des écrivains bretons – dont le célèbre Pierre Jakez Hélias, par ailleurs éminent conteur – avec le concours de l’association : Regards croisés, Lire en Bretagne pour la partie bretonne, l’écrivain madame Aminata Sow-Fall et moi-même, alors directeur des Bibliothèques publiques du Sénégal, pour la partie sénégalaise. Un joueur de la harpe celtique et un autre de la kora engagèrent un dialogue par instruments interposés pendant une bonne demi-heure, en tenant en haleine toute la salle de Sorano.

[20] Publiée sous le titre : La kora Objet-témoin de la civilisation mandingue (Essai d’analyse organologique d’une harpe-luth africaine) ; Dakar, Presses Universitaires de Dakar, 2000, 540 p.

[21] Ainsi en est-il notamment à Palmarin, sur la côte atlantique en pays sérère, dans le campement « le Djidiak », fondé par un Français.

[22] L’installation d’une bibliothèque publique villageoise, à la demande de l’Union Culturelle du Front Commun de Sindialon-Diéba, regroupant cinq villages, nous avait conduit à séjourner à Sindialon, et à visiter la case du chef de village.

[23] Il est vrai que le professeur Dujaric de l’ancienne école d’architecture de Dakar avait organisé une exposition sur l’architecture diola de Casamance au Centre culturel français de Dakar pour illustrer l’originalité de cette architecture et ses performances.

[24] Peuls, Sérères, Bambaras et bien d’autres peuples, sont obligés de procéder annuellement au renouvellement de l’enduit de leurs cases en banco, pour n’avoir pas fait déborder les toits au-delà des murs !

[25] En effet, actuellement, la remise du plus petit des dons, doit être effectuée sous l’œil vigilant des caméras de télévision, en vue d’une diffusion aux heures où l’audimat crève le plafond.