Notes de lecture

ULTRA-EVOLUTION ET DEVELOPPEMENT (EXTRAIT DE « L’ENTREPRISE ET L’HOMME », N° 1/1986 BRUXELLES)

Ethiopiques n°48-49

revue trimestrielle

de culture négro-africaine

Hommage à Léopold Sédar Senghor

Spécial les métiers du livres

1e et 2e trimestre 1988

– volume 5 n°1-2

Voici un livre intelligent et concret sur le développement que devrait suivre l’humanité durant les cinquante prochaines années. L’auteur a travaillé plus de vingt ans dans les pays africains en voie de développement, particulièrement au Rwanda : il sait donc ce dont il parle. Autre atout non moins précieux : M. de La Mairieu se situe dans la ligne de pensée de Pierre Teilhard de Chardin, qu’il essaie justement de prolonger, selon les désirs mêmes de Teilhard, en tenant compte toutefois des prodigieux développements survenus depuis la disparition du jésuite français en 1955.

Le plan de l’ouvrage est très simple. Le chapitre I fait état de l’élargissement et de l’approfondissement de la conscience planétaire, face à l’essor extraordinaire des moyens de communication. Il évoque aussi l’élargissement des disparités entre les régions du globe (opposition nord-sud) et, en même temps le danger d’autodestruction qui pèse sur nos têtes.

Le chapitre II retrace les grandes étapes de l’évolution dans la ligne même de Teilhard de Chardin, mais avec les compléments et les corrections apportés par les découvertes des trente dernières années.

Le chapitre III ajoute les lumières de la Révélation chrétienne dans ce labyrinthe des problèmes actuels : labyrinthe, certes, mais non impasse, car l’Amour et la Vérité nous indiquent où se trouve l’issue.

Les chapitres qui suivent tentent d’esquisser les voies de l’avenir, au niveau de la personne humaine et de la cellule familiale, de la communauté nationale et internationale.

Ce qu’il y a de plus neuf et de plus intéressant dans cet essai, est assurément l’esquisse de ce que devrait être l’évolution future de l’humanité. La vaste expérience de l’auteur lui permet d’offrir des suggestions pertinentes et réalisables, aussi bien aux responsables des pays industrialisés qu’à ceux des régions en voie de développement, et encore plus aux dirigeants de l’Organisation des Nations en voie de développement, et encore plus aux dirigeants de l’Organisation des Nations Unies et des divers organismes internationaux qui en dépendent. Indéniablement, comme l’avait entrevu Teilhard, et comme il le souhaitait d’ailleurs ardemment, c’est dans le sens d’un seul gouvernement mondial que doit aller – et que s’en va de fait peu à peu – l’humanité. Dès 1931. Teilhard déclarait : « L’Age des Nations est passé » (« L’Esprit de la Terre ») (Œuvres t. VI, p. 46). M. de La Mairieu met en évidence les apports positifs de l’O.N.U.

Mais les problèmes à résoudre sont encore gigantesques : richesse des uns, pauvreté des autres, environnement, chômage, énergie, surpopulation, violences raciales. Avec quelle ardeur Teilhard a-t-il souhaité la constitution d’un Front Humain, une sorte de « Brain Trust » international, rassemblant les plus grandes compétences de tous les pays, pour organiser et diriger le développement international dans la paix et l’harmonie ! (« Sauvons l’humanité » – 1936 – Œuvres, 1. IX pp. 178-187). Les propositions de l’auteur vont dans ce sens : problèmes matériels d’abord, problèmes spirituels ensuite : le droit international, la collaboration entre les Etats en ce qui a trait à l’environnement, à la protection des terres arables, à l’utilisation de l’énergie, au respect des droits de la personne humaine et les minorités culturelles.

Une toute petite remarque du Cardinal Gantin, dissimulée, presque cachée dans une note au bas d’une page (p. 101. n° 3), constitue, à mon sens, l’épilogue indispensable au tableau-programme tracé par M. de La Mairieu : « Vouloir changer le monde, ses structures injustes, sans changer le cœur de l’Homme, est une illusion ». Telle est bien, la note juste qu’il ne faut jamais perdre de vue, en lisant ce séduisant volume. Elle met cruellement le doigt sur les limites du projet généreux présenté dans ces pages. Il n’en est pas moins excellent que ces pages aient été écrites. Nous souhaitons qu’elles soient lues par tous. Ceux et celles qui ont à cœur notre avenir commun.