Culture et civilisations

POEMES DE L’AFRIQUE NOUVELLE : Si je cesse de danser

Ethiopiques numéro 04

Revue socialiste

De culture négro-africaine

Octobre 1975

 

Poèmes de l’Afrique Nouvelle

 

« ETHIOPIQUES » poursuit la présentation de jeunes poètes sénégalais dont les oeuvres figurent dans une « Anthologie » à paraître aux « Nouvelles Editions Africaines ».

 

Si je cesse de danser

Je suis le nerf rythmique de la fécondité

J’engrosserai le sol avec mon sperme de danse

Je déchirerai les nues avec mon rythme

Rythme figé de la statuette d’Ife

Rythme ondulant du Cobra sacré

Rythme saccadé du sorcier en transe

Je suis l’amant du sol

Aux passions de rythme

Aux étreintes de danses vertigineuses

Je sens le souffle de l’ancêtre entre mes jambes

Et la terre se pâme aux baisers de mes talons de granit

Le soleil, témoin de mon coït

Fait suinter ma peau couleur de gouffre

Mes jambes pétrissent le sol

Mes doigts de liane brassent l’espace

Chaque fibre de mon corps est rythme

Rythme est le temps

Rythme est l’espace

Je danse et la matière éclate

Je danse et pleurent les nues

Danseur noir, danseur de la fécondité,

Danseur des doigts tièdes de l’alizé

Danseur de la clarté des étoiles

Danseur du saut de l’antilope

Le soleil a disparu dans le ciel

La lune s’est dissoute dans mon ébène

Je danse

Si je cesse de danser, le vent cessera de souffler

Si je cesse de danser, le monde cessera d’être

Les témoins aux regards morts

Tendent leurs bras jusqu’à l’infini de mon oeil

Rendant audible la musique de ma danse

Je suis l’amant aux passions de rythme

Avec l’enfant de mon coït

Je rendrai plus charnelle ma nudité

Pour être fort comme la liane

Pour être fort comme l’ancêtre.