MUHAMMAD IQBL A TRAVERS ISLAM ET SOCIETE OUVERTE DE SOULEYMANE BACHIR DIAGNE
Ethiopiques numéros 66-67
Revue négro-africaine
de littérature et de philosophie
1er et 2ème semestres 2001
La modernité interroge le rapport entre religion et liberté. En effet elle peut-être interprétée philosophiquement comme époque de l’émancipation du sujet, c’est-à-dire époque où le sujet humain est pensé comme celui qui donne sens à tout ce qui est. Est mis ainsi en avant la liberté – dans un sens qui est alors à penser, et c’est une telle recherche qui constitue largement la problématique de la modernité – qu’on pourra pour le moins caractériser comme autonomie de l’intelligence et émancipation de la volonté [1]. L’esprit moderne ne se mesure plus à la filiation, à la docte obéissance, ni à la contemplation du mystère, bref à la reconnaissance d’une autorité extérieure, d’une hétéronomie. Il est volonté de savoir (suivant l’exhortation kantienne : « aude sapere », « ose savoir »), qui est d’abord affirmation du savoir contre le dogme, mais surtout volonté tout court, décision par l’homme d’être soi, de répondre de soi, d’être sa propre origine.
Que reste-t-il alors de la religion, si l’attitude religieuse est au contraire écoute d’une autre origine – obéissance quant à l’étymologie (obéir vient d’audire, écouter) ? Comment penser à la fois la fidélité à un principe d’où proviendrait l’homme et qui le constituerait, impliquant souvenir et méditation de l’origine, et en même temps tenir compte de la belle aventure, celle de l’homme parti à l’exploration du monde et de lui-même ?
C’est ainsi au défi de la modernité, défi relevé dans une volonté de penser à la fois la fidélité et le mouvement, que répond la belle étude du poète-philosophe Iqbal par Souleymane Bachir Diagne : volonté de penser le rapport de la tradition religieuse avec la modernité, en contexte musulman (mais qui vaut largement aussi pour d’autres contextes) puisque, nous dit l’auteur, « l’œuvre philosophique qu’a écrite Muhammad Iqbal est particulièrement éclairante et utile, aujourd’hui parce qu’il y a à réfléchir aux conditions d’une modernité des sociétés musulmanes confrontées à la nécessité – que sa pensée les aide à convertir en tâche – de renouer avec l’esprit de réforme et d’ouverture permanente » (p. 12).
Je disais « défi de la modernité » « défi » ni ne condamne ni ne loue. Contre le déni qui refoule les questions posées par la modernité mais, dans ce refoulement, qui continue secrètement à lui être subordonné, se contentant en réaction de lui opposer le contraire, dogmatisme contre liberté du penser, autoritarisme contre liberté du vouloir. Mais contre aussi une simple injonction à être moderne et à s’adapter, qui ne serait en définitive qu’imitation. Il s’agit de reprendre, nous rappelle Mustapha Iqbal, l’attitude d’Al Ma’mum lorsqu’il fonda la Maison de la Sagesse à Bagdad en 832, moment exemplaire où la pensée musulmane sut prendre la mesure des savoirs et des pensées venus d’ailleurs.
L’intérêt du livre de Bachir Diagne est de nous montrer qu’Iqbal ne se contente pas de penser le rapport entre liberté et religion d’un point de vue qu’on pourrait appeler théologico-politique, c’est-à-dire de la place politique qu’occupe la religion, mais qu’il fonde ce rapport sur une véritable métaphysique, si l’on entend par là une pensée de la totalité, puisque le poète-philosophe construit une philosophie de l’homme, mais aussi du temps et du cosmos. La liberté de penser s’enracine dans une pensée de la liberté qui, comme création, est à l’œuvre dans l’univers.
UNE PHILOSOPHIE DU TEMPS
La question du temps est décisive quant au rapport entre religion et liberté : si le temps n’a pas de réalité intrinsèque, que vaut la liberté, écrasée alors par la plénitude de l’éternité divine ? Or la pensée de l’être risque toujours d’être tentée par la négation du temps. Le temps n’est-il pas ce qui dissout, ce qui, tout en créant, frappe aussitôt le créé de vanité, promis à l’éphémère et à la mort ? N’est-il pas immanquablement du côté de l’altérité et du néant ? Dieu n’est-il pas celui qui par sa providence nie le temps ? Mais en sens inverse, nier le temps, n’est-ce pas nier la valeur de l’œuvre de Dieu elle-même ? En posant la vanité du temps, ne pose-t-on pas du même coup un Dieu extérieur à son œuvre « sur lequel il s’exerce de dehors » (p. 37) ; et ainsi cette vanité n’est-elle pas le signe de l’arbitraire de Dieu ? La pensée d’Iqbal, reprenant certaines intuitions de Bergson, va au contraire donner une consistance au temps qui permette d’en penser le lien positif avec l’éternité divine, consistance qui n’est pas malgré l’écoulement et l’inachèvement temporels mais par eux. Le temps est créateur : ce qu’il produit est à proprement parlé inouï, c’est-à-dire étymologiquement jamais entendu. Ce qui est, ou plutôt ce qui advient puisque l’être est événement, n’était pas contenu dans ce qui fut avant, bien que ce passé en soit pourtant l’origine ; l’être est surgissement : que l’on considère, au niveau cosmologique, la vie qui a sa source dans la matière inerte mais qui n’en est pas déductible au sens strict ; ou, au niveau de l’individu, l’état adulte qui ne se trouve pas défini dans l’embryon (malgré ce que voudrait un certain « tout génétique »). Le temps est nouveauté, élan, suivant l’expression de Bergson.
Mais l’intelligence n’arrive pas à appréhender cette créativité du temps : c’est qu’elle cherche à identifier (c’est-à-dire à réduire à des éléments identiques et simples dont elle puisse tirer par composition le reste) et que sa tendance est analytique, dissolvant le temps en états, séparés les uns des autres « qui seront réunis, comme on enfile les perles, par un moi qui en serait le substrat immuable » (p. 41). Alors par cette décomposition abstraite ou comme simple accident d’un être qui serait déjà tout ce qu’il doit être. Le temps est temps du Même, pure identité, immense tautologie cosmique et historique. Mais dans cette identité il n’apporte rien, ne crée rien l’expression de Leibniz reprise par Bachir Diagne, qui semble une des représentations dominantes du monde musulman. Là encore la lecture d’Iqbal est profondément renouvelante. La destinée y est pensée comme un dépassement de l’opposition entre une radicale indétermination du temps qui ne permet de concevoir la continuité de l’élan, réduit alors à une sorte de création ex nihilo de chaque moment, et un radical déterminisme où rien de nouveau ne saurait surgir du temps. La destinée c’est justement l’élan qui est à la fois continuité et discontinuité, continuité puisque chaque moment prolonge le précédent, discontinuité puisqu’il est confrontation avec ce qui vient, avec ce qui appelle. La destinée relie fidélité et mouvement : fidélité car elle surgit de soi, mouvement puisqu’elle est confrontation avec ce qui vient et qui appelle. Conception qui ne me semble pas si éloignée de la philosophie d’un Spinoza cherchant à penser la liberté non comme un acte indéterminé mais comme un acte qui soit adéquat à soi, qui vienne véritablement de soi.
C’est pourquoi, au niveau de l’individu, une pensée authentique du temps est confrontée à la question de la destinée, conçue le plus souvent comme fatalité, fatum mahometanum suivant l’expression de Leibniz reprise par Bachir Diagne, qui semble une des représentations dominantes du monde musulman. Là encore la lecture d’Iqbal est profondément renouvelante. La destinée y est pensée comme un dépassement de l’opposition entre une radicale indétermination du temps qui ne permet de concevoir la continuité de l’élan, réduit alors à une sorte de création ex nihilo de chaque moment, et un radical déterminisme où rien de nouveau ne saurait surgir du temps. La destinée c’est justement l’élan qui est à la fois continuité et discontinuité, continuité puisque chaque moment prolonge le précédent, discontinuité puisqu’il est confrontation avec ce qui vient, avec ce qui appelle. La destinée relie fidélité et mouvement : fidélité car elle surgit de soi, mouvement puisqu’elle est confrontation avec ce qui vient et qui appelle. Conception qui ne me semble pas si éloignée de la philosophie d’un Spinoza cherchant à penser la liberté non comme un acte indéterminé mais comme un acte qui soit adéquat à soi, qui vienne véritablement de soi.
Mais chez Iqbal, le temps n’est pas seulement le temps psychologie. C’est un temps substantiel, substance de l’individu, mais plus généralement substance de la nature, temps cosmologique. Là encore il y a un parallélisme avec la perspective de Bergson qui, à partir d’une analyse de la durée comme temps de la conscience dans les Données immédiates de la conscience amplifiera sa réflexion pour faire de la durée l’élan vital qui travaille tout l’être. Est ainsi refusé un dualisme qui opposerait un monde intérieur à la réalité de la nature [2]. Le temps doit donc être pensé comme le tissu même de l’univers.
On voit ce qu’implique une telle conception de l’origine : quant à l’histoire, elle implique une opposition entre l’agitation vaine des hommes et l’éternité céleste, une sagesse comme désengagement, une annulation du temps et des passions devant l’immobilité divine, une perte de soi dans l’infinité du cosmos. Le cosmos lui-même sera réduit ou à une déchéance, ou à une simple imitation de l’éternité du divin, sans qu’il y ait participation du cosmos à l’action même de Dieu.
UNE COSMOLOGIE DE L’EMERGENCE.
De ce point de vue, le temps de la nature implique « une cosmologie de l’émergence », qui n’est pas séparable d’une philosophie de l’origine, qui est elle-même une théologie. L’origine peut être pensée comme suffisance (qu’on songe au Dieu d’Aristote pensant sa propre pensée, se repaissant de soi-même) ; de sorte que Dieu, ou bien reste indifférent à l’être en devenir (Aristote justement, même si, chez lui, en sens inverse la nature est tendue vers Dieu par le désir), ou bien le pose comme simple procession à partir de soi (Plotin), ou bien encore le crée de manière extérieure, arbitrairement sans qu’il participe véritablement à l’économie du divin.
Dans la philosophie d’Iqbal le cosmos est réintégré à la geste divine. Il est d’abord élan, mouvement créateur de formes, traduisant ainsi dans l’espace et le temps la « libre énergie créatrice du divin ». On voit combien cette pensée est en phase avec les acquis de la cosmologie scientifique : le cosmos n’est plus statique, réversible, annulant le temps, mais dynamique, irréversible, constitué par le temps.
Aussi le cosmos est-il inachevé. Contrairement à la conception dominante dans la cosmologie grecque, l’inachèvement n’est pas une défaillance de l’être, l’apeïron qui résiste à l’information et à la mise en ordre par les idées ou les essences ; il est la puissance de l’être. La philosophie de la puissance elle-même repose depuis Aristote sur une ambiguïté : faut-il penser ce qui est en puissance comme ce qui est simplement en manque de l’acte, de la réalisation ? Ou bien la puissance est-elle d’une part le potentiel de la créativité et d’autre part l’exercice de l’activité ?
Iqbal va chercher à reprendre le lien entre puissance et acte. L’inachèvement n’est pas un défaut de l’être, mais sa surabondance. « L’inachèvement n’est imperfection, mais une certaine tension créatrice qui travaille un univers toujours à faire » (p. 39). Car la puissance n’est pas l’opposé de l’acte : elle en est l’exercice, « la générosité », « la surabondance ». Aussi le monde n’est-il pas seulement monde de phénomènes, reliés avec d’autres phénomènes dans un cosmos mécanique et répétable, mais événement. L’événement historique, fait d’hommes, n’est donc pas en discontinuité avec le cosmos : non que l’histoire et la liberté soient réductibles aux phénomènes déterminés de la nature, mais au contraire parce que ceux-ci sont la préfiguration de cette créativité que l’histoire des hommes portera au niveau de la liberté et de la conscience. Cosmologie qui n’est donc ni dualiste ni moniste : cosmologie des degrés d’être, de l’émergence.
La cosmologie est alors une ontologie est-ce qui s’actualise, non comme simple réalisation de ce qui était contenu virtuellement dans le germe, mais expressivité, créativité de l’être, comme l’activité [3] écrire n’est pas simplement traduire ce qui était contenu tacitement dans la pensée, mais exercer la pensée, la former, la créer.
UNE PHILOSOPHIE DE L’INDIVIDU
De cette cosmologie découle une philosophie de l’individu et de l’action. De l’individu d’abord. Souleymane Bachir Diagne distingue dans la pensée religieuse deux conceptions de l’individualité : d’abord une pensée de l’extinction de l’individu, pour laquelle l’individu, pensé dans son infirmité et ses limites, se libère en se perdant dans l’infini dans lequel il fusionne, par une « absorption du « Je » dans la totalité (p. 23). Cette conception renvoie à une vision des rapports de l’homme et de Dieu, où le premier reconnaît sa vanité et sa fragilité, de sorte que son salut ne peut être que son abîme dans la vie divine. Elle peut être à l’origine d’une mystique où l’homme se sent toute chose comme contenu dans l’infini divin et où la sagesse consiste à voir toute chose en Dieu et à s’abolir en Lui.
Mais cette conception rend vain le mouvement même de la création qui tend à individualiser les êtres créés, tendance à l’individuation qui s’accomplit chez l’homme dans la liberté et la conscience de soi. Penser l’individu comme néant, n’est-ce pas penser une création sans consistance, là encore position arbitraire d’un Dieu capricieux et indifférent, plus proche des dieux antiques, malgré l’idée de création, que du Dieu des monothéismes qui est impliqué dans l’acte créateur ? Et, en sens inverse, ne faut-il pas penser Dieu des monothéismes qui est impliqué dans l’acte créateur ? Et, en sens inverse, ne faut-il pas penser Dieu comme une personne, suprême individualité, sans quoi Il deviendrait un principe indéterminé dans lequel tout se perdrait ? Que tout se perde en Dieu, n’est-ce pas faire que dieu se perde en toute chose ? L’adresse même à Dieu, dont la forme principale est la prière, n’implique-t-elle pas un rapport de personne à personne ? Aussi faut-il penser le rapport à l’infini non comme « la goutte d’eau qui se fond dans l’océan » (Iqbal, cité p. 30), mais au contraire, dans une conception proche de celle de Spinoza pour qui nous faisons l’expérience même de l’éternité dans notre pensée, comme le fini qui accueille l’infini.
Ainsi la philosophie d’Iqbal peut-elle intégrer la philosophie de la modernité. Pour se rapporter à Dieu, l’homme n’a pas à être moins, mais au contraire à être plus. Le sujet doit faire l’épreuve de sa « consistance » et c’est dans l’affirmation et la création qu’il se donne, dans l’affirmation d’un « Je peux » au-delà même de la subjectivité purement spéculative du « je pense ». C’est dans cette perspective que le lien au divin doit être repensé : la plénitude est proportionnelle à l’illumination divine et elle constitue une dynamique où l’homme s’élève un « mouvement continu qui est le progrès spirituel des âmes individuelles auquel la mort ne met pas fin » (p. 26). La religion échappe ainsi à la critique nietzschéenne : l’amour de Dieu n’est pas constitution d’un arrière-monde, fondé sur la haine de la vie et le ressentiment mais au contraire expression de la vie, puissance et joie.
UNE PHILOSOPHIE DE L’ACTION
Si l’individu a consistance, l’action humaine, qui participe à l’acte même de l’être, prend son sens : elle n’est plus vaine agitation. Parce que l’action est justement acte, son lien avec l’être doit être correctement pensé : il n’y a pas d’abord le « je suis » qui s’extérioriserait ensuite dans l’action. Le « je suis » est « je peux » [4], donc action. Iqbal nous délivre donc d’un faux rapport entre l’intériorité et l’extériorité : l’intérieur n’est pas le contraire de l’action extérieure, mais sa profondeur, sa doublure, sa dimension verticale, qui se recueille en particulier dans la prière.
C’est pourquoi l’action politique entreprise par Iqbal n’est la simple concession à la réalité de son époque. Le philosophe et le poète ne peuvent qu’être des hommes d’action. Cette politique s’orienta suivant un certain nombre de perspectives qui ont comme principe la générosité impliquée par la philosophie de l’acte :
– comme l’éthique implique l’affirmation individuelle de soi, la politique implique l’affirmation d’un soi collectif, ce qui passa historiquement chez Iqbal par son combat pour la création du Pakistan. Là encore, c’est la liberté qui est le concept fondateur, liberté au double sens de l’affirmation de soi et en conséquence de l’autonomie.
– la recherche d’une société ouverte, qui, dans la fidélité, soit capable d’affronter les réalités nouvelles et d’envisager sans peur les nouvelles formes du droit et de la justice. Société en mouvement donc, dans un « processus indéfini de la création continue de soi » (p. 95).
– la tolérance, parce que l’affirmation généreuse de soi, individuelle ou collective, n’est pas revendication figée d’une appartenance exclusive, mais au contraire autocréation, capable d’intégrer de manière critique les apports extérieurs. La tolérance n’est donc pas liée à une croyance faible, mais à la plénitude d’un être qui tire sans crainte ce que peuvent lui apporter le temps et les autres
On le voit, la pensée d’Iqbal laisse la place à la libre recherche et à la discussion ouverte. Elle signifie que la pensée fidèle n’est pas crispation sur soi, préservation, négation, purification, mais affirmation ouverte à la discussion, pensée fidèle se faisant dans le mouvement.
Cependant cette pensée laisse en suspens, me semble-t-il, deux problèmes :
– comment penser le lien entre politique et religion ? Souleymane Bachir Diagne rappelle que la religion ne saurait être pensée comme une simple affaire privée, sans conséquences sur la vie sociale et publique. Mais faut-il penser le lien politique sur la base de la communauté religieuse, comme Iqbal semble l’avoir conçu pour la création du Pakistan ? Ne faut-il pas penser la dimension politique de la religion sur l’idée de son droit à vouloir influencer et inspirer le politique, mais sans que cela implique un droit d’autorité et que le politique s’organise en fonction du lien religieux ? Un Etat doit-il avoir un fondement religieux ?
– quant à la conception religieuse de l’homme, peut-on la fonder sur la simple perspective – proche de celle de Nietzsche comme le souligne Souleymane Bachir Diagne – de l’affirmation de soi et de la plénitude ? Quelle est la place que donne Iqbal au mal, à l’homme brisé ? Quelle place à la fragilité et à la blessure ? Une pensée religieuse peut-elle se contenter d’une apologie du soi ?
Quoi qu’il en soit de ces questions, ce livre de Souleymane Bachir Diagne m’apparaît comme un ouvrage de libération, et ce au double sens du terme : d’abord au sens où il s’agit de délivrer de quelque chose, en l’occurrence d’une pensée figée, « crispée » (p. 101) répétitive qui a pu scléroser la réflexion dans les sociétés musulmanes ; mais surtout au sens où on délivre quelque chose : que quelque chose naît. Il y a de la joie dans ce livre, et dans la pensée de Mustapha Iqbal, joie d’un gai savoir accompagnant l’émergence toujours continuée du monde.
[1] Cette caractérisation de la modernité ne doit pas faire oublier qu’elle est aussi l’époque de la mise à la raison de toute chose, de la volonté de maîtrise et de contrôle : de la nature, de la vie, et aussi, politiquement, de l’administration totale de l’homme.
[2] dualisme qui continue d’ailleurs de régir la logique d’un monisme matérialiste pour lequel il s’agit seulement d’é1imtner les prédicats de la substance pensante et de les réduire à ceux de la substance étendue, sans penser en quoi en retour les attributs de la substance pensante peuvent transformer notre conception de la matière (par exemple en y introduisant un mouvement vers la liberté).
[3] C’est cet effort de penser un lien intime entre puissance et acte que Leibniz tentera avec sa dynamique et la notion de force.
[4] Plus encore qu’au « je peux » kantien, on peut penser à la théorie du sujet de Husserl, où le sujet est pensé dans son lien avec le corps comme « je peux ». Par exemple Ideen II chapitre 60.