Breyten Breytenbach
Poésie

MON PAYS

Ethiopiques numéro 9

revue socialiste

de culture négro-africaine, 1977

là d’où je viens le monde est encore vert

et non mis-en-carte-et-en-transport

beau et laid mais surtout allègrement aveugle

comme une mouche pelée

les aloès pataugent mais ne fleurissent jamais aussi doucement

tout grouille en vue d’une fonction

ou d’une illusion mûrement réfléchie :

les tourterelles demeurent toujours des grenouilles ailées

des baleines fument le soir le long des plages

des dunes humides et lumineuses

tandis que des volcans tâchent de garder leur bile ;

le soleil luit et les nuages pleuvent,

les arbres buttent et deviennent allumettes,

les vaches meuglent et pissent leur lait,

les bourdons sont en quête de miel.

les chiens viennent à point à la police-

voici déjà posée une pierre angulaire ;

seuls les gens sont sclérosés

blancs et noirs avec la peau et tout

dispersés sur les rochers

et le guano reste vert dans son coin

envoi

je ne fais que m’imprimer je suis ambassadeur

et je ne suis rien

qu’un cri blanc du sud de la mouette.