Hommage à Léopold Sédar Senghor

LOESS NOIR

Ethiopiques numéros 37-38

Revue trimestrielle de culture négro-africaine

Nouvelle série 2eme et 3ème trimestres 1984 volume II n° 2-3

Le voilà VENIR comme Don Rodrigue triomphal

Colportant, béni, les épées maures

Le voilà ARRIVER comme une pluie qui a longtemps

dans les cieux sommeillé et se réveille

Le voilà ENTRANT comme Lat Dior dans la cour où

mille hommes baissent la tête et lèvent les sabres

Le voilà SALUE comme une oasis que l’on avait cru

à jamais infranchissable après maints coups d’éperon vains

Le voilà S’ASSEYANT, c’est le trône de celui qui ne

Voyagera plus dès lors que l’esprit illumine l’esprit.

Le voilà PARLANT, la langue est déliée, cette langue

tant prisée qui ne languira plus.

Moi Foutanké, celui qui t’a fait traverser au galop

Le Ferlo, le Djoloff, le Baol vient en

Cette nuit noire où ne scintille

Que l’épée du Chevalier forgée à la minute par

Hephaistos le Grec, chercher le mot, le verbe,

pour avoir parcouru ce pacte que veut sceller

le poetillon amoureusement éperdu du père.

Dieu ! Que je sois pardonné si j’ai offensé !

Que ne s’éteigne la flamme cinquantenaire, Sédar

De Joal au Quai Conti, du Sine à la Seine

Je dirai seulement… Heu !

Tu es allé à la faveur d’une nuit sinoise

Et seule était au parfum de ta fugue

Cette femme noire qui chante dans l’ombre –

Comme tu es polygame : les ancêtres le veulent,

Je veux visiter la deuxième case

Convie-moi chez vous que je vois de quoi sont

enduits vos murs. De lettres ? C’est possible

Thucydide, Khaldoun en avaient repeint

leurs logis qui accueillent éternels, les enfants

de Tomboctou, de Sangomar, de Guédiawaye aussi

Mais la France est mortelle, ces briques sont terre

la pluie tombera et la terre sera terre et

vous serez sous les décombres, vous serez sous la France

qui était de ces briques effondrées.

Vous resterez ? Vous vivrez ?

Te voilà LOUE. C’est un Seigneur, il vient habiter.

Déroulez les tapis, battez les SABAR

Sortez les cornemuses, secouez les balafons

que sonnent les clairons de bienvenue ;

Partagez la cola de l’hospitalité

Buvez le lait de la calebasse des courtoisies

C’est le fils de Shango

C’est l’enfant de Mykérinos

C’est le neveu de Rôg Seen –

Que ne s’éteigne la flamme cinquantenaire, Sédar !

Tu ne peux être le cauchemar des nuits de fièvre

Tu es le rêve venu à bout de l’insomnie

Ecoutez la voix noire, les voix blanches,

Non ! La voix noire et les blanches voix qui

en chœur vont scander l’Hymne de l’Universel-

La voix de FAURE !

Et j’entends les pulsions de mon cœur aimant.

Maman, Faure n’est pas Kouyaté, petit frère

Faure n’est non plus pas Diabaté – l’albinos

Il chante seulement le guerrier qui va lutter

contre le temps, qui sûrement va le terrasser

Mais qui ne lui plantera pas son couteau.

Lutte simple –

Ce matin encore c’est la palabre des cultures, mais…

Tu don-ne-ras Sédar ! Léo-pold tu re-ce-vras !

Une voix ferme dans le ciel

Ha ! j’ai reçu Maguilen, Léopold je te donne l’épée Sédar.

Dans la nuit, comme… un repentir.

Reviens, tu passeras sous la haie populaire que

Woury du bord du fleuve, Alenzo des rizières du Sud

Fanta, diali de Kidira : Ngor le champion des arènes

ont édifié en ce jour de fête fastueuse.

Que ne s’éteigne la flamme cinquantenaire, Sédar.

Que ne pleure de si vite les champs d’arachides,

les plantations de nivéa, les bananeraies…

Ce loess si vital.

Gorée, Avril 84