Notes

LES ENTREPRISES PUBLIQUES EN AFRIQUE NOIRE, F. Constantin-C. Coulon, J. du Bois de Gaudusson-J.C. Gautron- B. Zuber, Editions Pedone, 285 p.

Ethiopiques numéro 21

revue socialiste de culture négro-africaine

janvier 1980

Cet ouvrage sur « Les entreprises publiques en Afrique noire » constitue une analyse détaillée, du point de vue juridique, économique et financier du secteur public et para-public au Sénégal, au Mali et à Madagascar.

Il ne s’agit pas d’une étude comparée, chaque pays étant analysé en lui-même, sans référence aux expériences étrangères. Il appartient toutefois au lecteur de procéder à cette comparaison, qui est d’ailleurs aisée, tant les évolutions constatées sont, malgré de nombreux points communs, différentes.

Les points communs tout d’abord : les trois pays se réclament du socialisme (mais un seul d’entre eux, le Sénégal, s’est doté d’un système politique pluraliste) ; chacun d’eux a eu le souci de jeter les bases de son indépendance économique en se dotant tout d’abord de services publics et en s’assurant la maîtrise de la valorisation des matières premières. Le Sénégal, tout comme le Mali et Madagascar, a opéré de profondes transformations dans le secteur rural en mettant en place un système de coopératives de production accompagné d’organes de commercialisation et d’encadrement à caractère public.

Au Sénégal, comme au Mali et à Madagascar, la création d’entreprises publiques a permis, selon les auteurs, à la bourgeoisie nationale de prendre progressivement le relais des entreprises privées étrangères dans la conduite des affaires économiques du pays.

A la différence du Mali et de Madagascar, toutefois, le Sénégal a marqué très clairement les limites qu’if entendait assigner au développement du secteur public : ce dernier doit couvrir pour l’essentiel les principaux services publics, le secteur rural (production, encadrement, commercialisation), la valorisation des principales matières premières (arachides, phosphates). La participation de l’Etat est en outre requise pour développer les secteurs clé de l’économie, suppléer la défaillance de l’initiative privée ou pour constituer des entreprises témoins dans des secteurs dominés pour l’essentiel par l’entreprise privée.

Représentant 35 à 40 % de l’activité économique globale le secteur public a atteint, selon le gouvernement du Sénégal, un maximum. La création d’entreprises publiques ou para-publiques nouvelles devra revêtir un caractère exceptionnel.

L’objectif essentiel assigné aujourd’hui au secteur public sénégalais est l’amélioration d’une gestion encore insuffisante. Le renforcement des corps de contrôle, la liquidation des entreprises non-rentables et les plans de redressement sévères imposés à plusieurs sociétés mal gérées montre la volonté des pouvoirs publics d’atteindre cet objectif.

L’on peut dire ainsi et l’auteur, Bernard Zuber, le montre clairement, que le pragmatisme qui a présidé à la constitution du secteur public et para-public au Sénégal constitue aujourd’hui encore la ligne directrice de la politique menée par le gouvernement dans ce domaine.

La démarche suivie semble avoir été très différente au Mali et plus encore à Madagascar.

Au Mali, dès les années qui ont suivi l’indépendance, le mouvement de nationalisation ou de prises de participations publiques majoritaires a été beaucoup plus ample qu’au Sénégal.

Ce mouvement résultait à la fois d’une volonté politique et de la défaillance de l’initiative privée, beaucoup plus évidente qu’au Sénégal ou à Madagascar.

Les graves difficultés du secteur public « globalement déficitaire », ont largement alimenté la crise économique dès la fin des années 1960.

A la suite du changement du régime de 1968, des mesures de redressement ont été entreprises. Les auteurs, dans l’ensemble très critiques, considèrent que malgré les efforts et différentes campagnes de moralisation le secteur public malien présente un « bilan économiquement douteux ».

Les auteurs « constatent par ailleurs l’impuissance du gouvernement à entreprendre, en dépit de sa volonté de changement, une réforme globale et profonde des entreprises et sociétés d’Etat ».

Celles-ci, toutefois, dans une économie marquée par des conditions écologiques défavorables et donc naturellement peu rentable, jouent un rôle indispensable. Elles assurent une fonction sociale de création d’emploi et une fonction économique de production de biens et services « dans des conditions que les sociétés privées ne pourraient pas se permettre ».

C’est sans nul doute la République

Malgache qui est allée le plus loin dans le processus de nationalisation. Les auteurs ne s’attardent pas ici sur les difficultés de gestion du secteur public qui sont pourtant, probablement, aussi réelles qu’au Sénégal et au Mali.

Après une phase relativement libérale, qui va de l’Indépendance à l’année 1972 et au cours de laquelle on note une certaine similitude entre les politiques malgache et sénégalaise, l’histoire du secteur public malgache est celle d’une radicalisation croissante.

La période 1972-1975 est marquée par une série d’étatisations qui concernent la plupart des domaines d’activités : l’objectif est ici de mettre en place, face à un secteur privé étranger encore important, une « politique de maîtrise nationale du développement ».

A partir de 1975, on considère que l’Etat contrôle plus de 60 % de l’activité économique. La majorité des moyens de production se trouvent directement ou indirectement aux mains de l’Etat ou du système coopératif, l’objectif étant, dans les vingt prochaines années, l’élimination complète du secteur privé.

Parallèlement à l’extension du secteur public, une modification du contenu même de la notion d’entreprise publique est recherchée. Il s’agit, schématiquement, de passer d’un capitalisme d’Etat à un « ensemble d’entreprises socialistes ». Ainsi le secteur public se voit-il doté d’organes de direction spécifiques tandis qu’est organisée la participation des travailleurs au fonctionnement de l’entreprise. L’auteur, tout en décrivant avec précision les mécanismes institutionnels mis en place ne se prononce pas véritablement sur la question de savoir si la répartition des pouvoirs entre Etat et travailleurs, au sein des entreprises comme du secteur, s’en trouvera véritablement modifiée.