Littérature

L’ENONCIATION RAPPORTEE DANS LES RECITS ECRITS EN LANGUE WOLOF : ENTRE RUPTURE ET INCLUSION SYNTAXICO-ENONCIATIVES

Ethiopiques n°85.

Littérature, philosophie et art

2ème semestre 2010

Pour Ferdinand de Saussure, l’objet de la linguistique est la « langue », par opposition à la « parole ». A quelques nuances près, tous les courants de la linguistique structurale partagent cette limitation du champ de la linguistique, car pour eux, il n’y a de science que du général, et que seul la « langue », phénomène accessible, peut permettre la généralisation. Mais l’expérience est aujourd’hui faite que cette limitation pose d’énormes problèmes au linguiste qui veut aborder le domaine de la signification. Dans ce domaine, on est obligé de prendre en considération des phénomènes extérieurs à la « langue » et qui permettent l’articulation entre des productions langagières, leurs producteurs et le monde. De ces phénomènes, il y a la modalisation, dont relève l’énonciation rapportée, objet de la présente réflexion.

Qu’il s’agisse d’une énonciation directe (lorsque les interlocuteurs ont connaissance de la totalité de la situation de communication qu’ils ont sous les yeux) ou d’une énonciation différée (où le temps de l’énonciation n’est plus commun aux deux interlocuteurs), en wolof, comme dans toutes les langues vivantes, un locuteur est constamment amené à rapporter des paroles qu’il a entendues. C’est dire qu’il existe dans les récits écrits en langue wolof des situations polyphoniques, c’est-à-dire des énoncés qui font entendre deux voix, une qui raconte et une autre qui a tenu les propos racontés. Il est question dans cette réflexion de nous intéresser aux formes et fonctions de ces situations polyphoniques plus connues sous le nom de discours rapporté. Il s’agira d’abord de décrire les différents modes d’expression de ce discours. Ensuite de montrer comment il fonctionne à la fois au niveau syntaxique et énonciatif. Et enfin de poser la problématique de ses rapports avec la vérité, donnée pragmatique de la transparence langagière.

  1. PROBLEMATIQUE ET DEMARCHE METHODOLOGIQUE

Le discours rapporté existe-t-il en wolof ? A première vue, la question peut paraître anodine et même curieuse. Mais il suffit de jeter un regard sur toutes les grammaires du wolof pour se rendre compte de son importance. En effet, aucune d’entre elles n’en fait cas, même dans l’énoncé des modalités de la langue. Cette omission trouve son explication, croyons-nous, dans la conception que les auteurs desdits grammaires se font de la langue. En effet, si l’on observe attentivement leur description du wolof, on se rend vite compte qu’ils considèrent la langue, objet de la linguistique, comme un système qui doit être étudié en lui-même et pour lui-même, à l’exclusion de toute autre considération que les relations entre les unités constitutives. Vous l’avez compris, nous sommes dans la conception immanentiste du système linguistique, tel que théorisée par Ferdinand de Saussure. Cette conception exclut du champ de la linguistique un grand nombre de phénomènes linguistiques dont la modalisation et les énoncés singuliers que le système rend possibles.

Ces auteurs de grammaire wolof ne sont pas les seuls à traiter la modalisation de cette manière. La tradition grammaticale aussi ne la considère pas comme une catégorie conceptuelle de la langue ayant une existence propre. Elle la répartit dans d’autres catégories. Grevisse, par exemple, en parle aussi bien à travers l’étude des pronoms interrogatifs que celle de l’interjection, deux faits de langue qui ne relèvent pas du même champ conceptuel. Larousse également, en donnant le même statut aux phrases « affirmative, négative, exclamative et interrogative », confond modalités d’énonciation de la phrase (phrase déclarative, exclamative, interrogative, impérative) et polarités de la phrase (polarité positive ou négative) que toute phrase présente obligatoirement. _ C’est seulement depuis les années 60 que la tradition linguistique et philosophique a contribué à lever cette confusion, en s’intéressant en particulier à l’énonciation comme acte d’utilisation qui consiste à transformer les éléments de la langue en éléments de discours.

Emile Benveniste et Roman Jakobson en sont les deux principaux acteurs, le premier en ouvrant la voie aux études linguistiques sur la subjectivité dans le langage, le second en montrant, à travers les fonctions du langage, que les catégories du langage sont régies par les activités de la communication.

Mais ce sont surtout les théories de l’énonciation, quelle que soit leur orientation (logico-sémantique, pragmatique ou psychosociale), qui ont le plus aidé à la clarification conceptuelle. Pour elles, l’énonciation est un phénomène complexe qui témoigne de la façon dont l’énonciateur se situe par rapport à ce qu’il dit, par rapport à l’énonciataire, et par rapport au monde qui l’entoure.

Comme on le voit, l’énonciation englobe donc la modalisation qui recouvre essentiellement les différentes positions du sujet parlant par rapport à son interlocuteur. En termes d’actes de parole, l’énonciation est ainsi composée d’actes énonciatifs de base spécifiés par des modalités énonciatives. Le discours rapporté fait partie de ces modalités énonciatives. Il est présent dans toutes les langues, y compris le wolof. Il suffit qu’un locuteur de cette langue prenne la décision de s’adresser à un interlocuteur, dans un certain temps et un certain espace, pour lui rapporter le discours précédemment tenu par un locuteur donné qui s’était adressé à un interlocuteur, dans un certain temps et un certain espace. Le discours rapporté est ainsi une des manifestations de la polyphonie énonciative : intégrer un acte d’énonciation à l’intérieur d’un autre. Quelle que soit la langue considérée, nous observons que cette intégration dépend principalement de deux facteurs :

– la façon de rapporter un discours déjà énoncé ;

– la position des interlocuteurs : un ou plusieurs intermédiaires peuvent intervenir entre le rapporteur et le locuteur dont on rapporte les propos.

Cette observation nous amène à penser que la description du discours rapporté ne doit pas s’arrêter aux trois procédés de la grammaire traditionnelle, le discours direct (discours cité dans notre étude), le discours indirect et le discours indirect libre (discours intégrés dans notre approche). Elle doit prendre en considération les contraintes liées à la mise en texte : la narrativisation et l’allusion (qui sont des modes particuliers d’intégration d’un discours dans un autre). C’est ce que nous allons essayer de faire dans cet article, en nous appuyant sur la théorie de l’énonciation qui, au-delà de la morphologie et de la syntaxe, envisage le discours (l’énonciation rapportée y compris) comme un acte d’énonciation spécifique.

  1. LES DIFFERENTES STRATEGIES DU DISCOURS RAPPORTE EN WOLOF

Le discours cité

C’est un discours rapporté tel qu’il a été prononcé réellement ou tel qu’il est censé avoir été prononcé par des personnages réels ou fictifs. Il est ainsi autonome par rapport au discours qui rapporte. Il correspond au « style direct » de la grammaire traditionnelle française.

Ex : Coroy tàccuy ràll-ràlli, te naa : « Ki def lii de noon dëgg la. Man de doom, xawma ku la war a bañ ci kër gi, ba di la fexeel mii pexe mu bon ! » (Maam Yunus Jeŋ, 1999 : 58).

Traduction

Coro dit en tapant des mains : « Celui qui a fait ceci est un vrai ennemi. Je ne sais pas qui, dans la maison, te hait au point de te tendre ce vil piège !

Il est présenté dans cet énoncé deux situations d’énonciation différentes : la situation de Coro et celle de la narratrice. Il s’agit d’une véritable opération de citation.

Le changement de locuteur est indiqué :

  • soit par deux points suivis du discours rapporté encadré par des guillemets ;

Ex : Na ko Faama dégg, fëkk potu diw baak yoos ma génnsi te naan ko : « Man dey xaar naa la ba tàyyi, xàddi woon naa sax ; ragal naa ni sunu létt yii du yegg tey ; foo jógeeti bay jooy ? » (Maam Yunus Jeŋ, 1999 : 5).

Traduction

Dès que Fama l’entendit, elle prit le pot d’huile et la mèche, et sortit en lui disant : « Je t’ai longtemps attendu, j’ai même failli renoncer ; j’ai peur qu’on ne puisse terminer ces tresses aujourd’hui ; d’où viens-tu avec tes pleurs ?

  • soit par les deux points suivis de tirets. Quand le discours cité est un dialogue, ces tirets, qui remplacent les guillemets du cas précédent, sont placés à la ligne pour chaque réplique. C’est le cas du dialogue suivant.

Ex : Mu ne ma :

– Bu dee Biraan Fay mi ma foog de, Tëngéej la faatoo.

– Maam Ngóor lañu ko daan woowe.

– Kon boog mooma. Waaye, léegi, luy say tank ci dëgg-dëgg, waa ju baax ?

– Dama siyaaresi bàmmeelam, ñaanal ko.

– Guléet boog. Fii de, kenn fàttalikuwul fu mbokku Maam Ngóor ñëwe Mbériŋ-Saaj ne da koy siyaaresi. (Bubakar Bóris Jóob, 2003 : 94).

Traduction

Il me dit :

– S’il s’agit de Biraan Fay que je crois, il est décédé à Rufisque.

– On l’appelait Mame Ngoor.

– Donc c’est lui. Mais, maintenant, que cherchez-vous réellement, monsieur ?

– Je suis venu prier sur sa tombe.

– C’est du nouveau. On n’a pas souvenance d’un parent de Mame Ngor venu à Mbériŋ-Saaj lui rendre visite.

En revanche, dans l’énoncé suivant, il ne s’agit pas d’un dialogue. Le tiret remplace tout juste les guillemets.

Fas wi taxaw ne ko :

– Waxoon naa la, lu mu yàgg yàgg, bu ma dóor mukk. (Maam Ngoy Siise, 2001 : 17).

Traduction

Le cheval se dressa et lui dit :

– Je t’avais dit de ne jamais me taper.

  • soit par les deux points, un point ou un point d’interrogation, suivi du discours rapporté sans guillemets.

Ex : Ndekete ngóor sa loolu la doon nég. Noonu mu geesu. Ne ki doon wax : Aa waaw yéen nag, yéena koy sóob ci gor tànki nguur gi ? (Séex Aliyu Ndaw, 2009 : 73).

Traduction

Le monsieur n’attendait que cela. Il se retourna et dit à celui qui parlait : Ah, vous autres, c’est vous qui l’encouragez à combattre le régime ?

  • soit encore par une mise en italique.

Ex : Du Sëriñ Mbay Jaxate woy na ko ?

Ña daa weranteek a boccantey gobar di xuloo

Di naan ak ay màndi moo ñooñee ku xam ana ñu

Moy Yàlla moo bon ku koy def ag mujjam du rafet

Mbooleem ñi daa def lu bon kenn xamul ana ñu ?

Ñu doon I buur ak I baadooloo ngi bokk ne mes

Ci suuf si, gaa ya réyoon ak gaa ya sew ana ñu ? (Bubakar Bóris Jóob, 2003 : 99).

Traduction

N’est-ce pas que Serigne Mbaye Diakhaté l’a chanté ?

« Ceux qui discutaient et se querellaient couteaux en main

Ceux qui prenaient de l’alcool se saoulaient, qui sait où ils sont

Passer outre les interdits de Dieu n’est pas bon, celui qui le fait finira mal

Les faiseurs de mal, personne ne sait où ils sont

Qu’ils soient des rois ou des sujets, ils ont tous disparu à jamais

Sous terre, les gros et les minces où sont-ils ? ».

Le discours intégré

Le discours intégré évite le changement de système d’énonciation : le propos rapporté ne prend pas la place du discours premier. Cette intégration peut être partielle, totale ou allusive.

L’intégration partielle

Dans ce mode de narration, le discours rapporté s’intègre partiellement au discours premier, ce qui entraîne la suppression des guillemets et/ou tirets. Les paroles rapportées au discours intégré partiel relèvent donc du même système d’énonciation que le reste de la narration. Aussi est-on en droit de parler d’opération de paraphrase pour cette manière de rapporter un discours.

Ex : Soit le discours cité suivant :

Doom aadama warul di jéem a àtte moroomam ni ku Yàlla bind bataaxal naan ko : « yaa ma fi nekkal » (Séex Aliyu Ndaw, 1997 : 25).

Traduction

Un humain ne doit pas juger un autre humain à la manière de quelqu’un qui aurait reçu une lettre de Dieu lui disant : « tu es ici-bas mon représentant »,

Il est ainsi transformé en discours intégré :

Doom aadama warul di jéem a àtte moroomam ni ku Yàlla bind bataaxal naan ko moo ko fi nekkal.

Traduction

Un humain ne doit pas juger un autre humain à la manière de quelqu’un qui aurait reçu une lettre de Dieu lui disant qu’il est ici-bas son représentant.

Remarquons qu’ici les paroles sont rapportées à la troisième personne. Ainsi, les pronoms employés dépendent du moment d’énonciation de l’énonciateur qui rapporte : le tu (yaa) et le je (ma) du discours rapporté passent à la troisième personne. Il n’y a plus qu’une seule situation d’énonciation (celle du narrateur) et qu’un seul repère temporel (celui du discours qui rapporte).

L’intégration totale

Il arrive parfois que le narrateur veuille indiquer brièvement ce qui s’est verbalement passé sans rapporter les propos, il abandonne alors le discours intégré partiel pour un discours entièrement narrativisé dans lequel s’intègre totalement le discours rapporté. Comme l’écrit Paprick Charaudeau, dans ce mode de narration, « le locuteur des paroles rapportées devient l’agent d’un acte de dire » (1992 : 624-625).

Ex : Xale yi ne ko :

bu suñu maam ñëwee dinañu ko ko wax.

Buur walbatiku, dig xale yi ne dina dellusiwaat gis seen maam (Maam Ngoy Siise, 2001 : 48).

Traduction

Les enfants lui dirent :

Quand grand-mère sera de retour, nous le lui dirons.

Le roi se retourna et promit aux enfants de revenir voir leur grand-mère.

Ici, on sait bien qu’il y a une promesse tenue par le roi, mais les mots de cette promesse ne transparaissent dans le récit que par le verbe dig (promettre). Pour paraphraser Roland Barthes, on peut dire, à la suite de cette remarque, que le discours narrativisé, c’est-à-dire intégré totalement, se présente comme le degré zéro du discours rapporté.

Le discours d’origine peut également subir une transformation morphologique sous forme nominalisée. C’est le cas quand, pour narrativiser « Teg naa la gàcce gu rëy (je t’ai fait subir un affront) », on dit « Nangu na tooñam (il avoue sa faute) ».

L’intégration allusive

Le discours rapporté apparaît ici comme une allusion à ce qu’a dit ou a l’habitude de dire le locuteur dont on rapporte les propos.

Ex : Fa la jóge ne ba ba muy wuyji boroomam, dootul taamu mukk jëkkër ; na doon ku ko mën a yor rekk. (Maam Ngoy Siise, 2001 : 18).

Traduction

Depuis ce jour, elle promit de ne plus avoir de préférence pour un mari ; qu’il soit quelqu’un qui puisse l’entretenir.

Sous le récit, on devine qu’il y a eu un discours tenu dans une situation précise de communication, mais le narrateur ne le reprend pas : il y fait tout simplement allusion.

Dans l’exemple ci-dessous, le même procédé est utilisé pour faire allusion au savoir populaire wolof : « Liggéeyu ndey añub doom (l’enfant profite toujours du travail de sa mère) ».

Ex : Ñii, seen ndey, masul a lekk cerey lay, masul a lekk yàppu wataboor. Mooy taxanal seeni yaay, moo leen di footal. Kon nag, ku sa yaay liggéey nga añ. Ku sa ndey liggéey nag, nii ngay mujje. (Maam Ngoy Siise, 2001 : 42).

Traduction

Ceux-ci, leur maman n’a jamais mangé de couscous non tamisé, ni de mauvaise viande. C’est elle qui allait chercher le bois mort et faisait le linge à leur maman. Ainsi, l’enfant récolte ce que sa mère a semé. C’est comme ça que finit celui dont la mère s’est acquitté de son devoir conjugal.

  1. DISCOURS RAPPORTE ET ENONCIATION

Une rupture d’énonciation

La rupture d’énonciation concerne essentiellement le discours cité. Dans un récit, l’insertion de paroles rapportées au discours cité constitue une double rupture :

  • une rupture d’énonciateur : ce n’est plus le narrateur qui parle, mais un de ses personnages. Ainsi cohabitent deux voix, celle qui rapporte et celle dont on rapporte les propos.

Ex : Ndeela dal koo yërëm ba xaaj yëfi njëkke yees ko joxoon yépp jox ko, te naa ko : « man daa ciy bànneexu rekk, nde yéen ay boroom. Bu ngeen ci àndut woon, seen càmmiñ du ma sédd ub cër » (Maam Ngoy Siise, 2001 : 42).

Traduction

Ndella eut pitié d’elle et partagea avec elle ses cadeaux en lui disant : « moi, je ne fais qu’en profiter, car vous en êtes les propriétaires. Sans votre accord, votre frère ne m’aurait pas donné ma part ».

On constate ici qu’il y a deux énonciations indépendantes et donc deux je : un je qui rapporte (le narrateur) et un autre indiqué par Ndeela, le sujet du verbe de parole naa (dire).

  • une rupture de situation d’énonciation : les paroles rapportées au discours cité font référence à la situation d’énonciation du personnage, en aucun cas à celle du narrateur. Ainsi, si l’on compare le discours à rapporter et le discours qui rapporte, on constate que le discours qui rapporte ne modifie pas le discours rapporté. Il le rapporte comme un « bloc ».

On voit que dans l’exemple précité, le discours cité interrompt le texte du rapporteur pour accueillir le texte à rapporter : les deux points marquent cet arrêt, alors que les guillemets délimitent le discours rapporté. C’est ainsi qu’on relève deux je, deux ici et deux maintenant (le lieu et le moment de la narration n’ont rien à voir avec le lieu et le moment du discours rapporté), bref deux situations d’énonciation distinctes.

Une inclusion de la voix de l’énonciateur

Le discours intégré n’interrompt pas les paroles qui rapportent. Il les prend en charge. C’est pourquoi on n’entend pas la voix de l’énonciateur dont on rapporte les propos. Il n’y a donc pas de rupture, mais une inclusion. Cependant, si l’on compare le discours à rapporter et le discours intégré, c’est-à-dire effectivement rapporté, on constate que celui-ci adapte celui-là, même si l’adaptation ne concerne que les formes grammaticales, le sens du discours n’étant pas modifié.

Ex : Soit le discours intégré suivant déjà donné en exemple (cf. 2.2.) :

Doom aadama warul di jéem a àtte moroomam ni ku Yàlla bind bataaxal naan ko moo ko fi nekkal.

Traduction

Un humain ne doit pas juger un autre humain à la manière de quelqu’un qui aurait reçu une lettre de Dieu lui disant qu’il est ici-bas son représentant.

Constatons que dans cet énoncé, l’énonciateur du discours à rapporter n’existe plus en tant que tel. Tous les repérages se font par rapport au sujet rapportant : le déictique yaa (tu) du discours cité se traduit par la troisième personne ku/moo, ce qui entraîne d’ailleurs une certaine ambiguïté (quel est le référent exact de il ?) que ne présente pas le discours cité.

  1. DISCOURS RAPPORTE ET SYNTAXE

Une rupture syntaxique

C’est au niveau du discours cité que l’on constate la rupture syntaxique. En effet, dans ce type de discours, les paroles du rapporteur et celles du locuteur d’origine dont on rapporte les paroles sont juxtaposées : elles sont placées côte à côte pour la formation d’un seul et même énoncé. Le discours rapportant comporte un verbe de parole (d’expression ou d’opinion) qui introduit le discours cité.

Ex : Kër gu mu dugg rekk, ñu ne ko « bant buy wut liggéey de ñun xamuñu ko. Ñun bu ñuy bind, nit lañuy bind, waaye bantub kese, xamuñu ko » (Maam Ngoy Siise, 2001 : 28).

Traduction

Partout où elle entre, on lui dit : « nous ne comprenons pas qu’un bâton puisse chercher du travail. Nous ne pouvons employer qu’une personne et non un bâton ».

Le verbe ne (dire) qui est employé ici comporte, dans son sémantisme, une notion de parole. Il introduit le discours rapporté qui est en relation de simple voisinage syntaxique avec le reste de l’énoncé : bien que dans un seul et même énoncé, discours rapportant et discours rapporté peuvent chacun revendiquer son autonomie syntaxique. Le discours rapportant peut occuper deux positions au niveau de l’énoncé :

  • il peut être postposé au discours cité. Dans ce cas, on met en relief ce discours cité ; c’est ce qui explique la présence de l’emphatique du complément comme tiroir de conjugaison (laa).

Ex : « na nga ñibbisi balaa guddi », laa wax.

Traduction

« Reviens avant qu’il ne fasse nuit », c’est ce que je dis.

  • il peut précéder le discours cité. Dans ce cas, c’est l’acte de dire qui semble être privilégié.

Ex : Dama ne : « na nga ñibbisi balaa guddi ».

Traduction

J’ai dit : « Reviens avant qu’il ne fasse nuit ».

Une inclusion syntaxique

L’inclusion syntaxique est surtout notée dans le discours intégré, quel que soit le mode d’intégration. Notons cependant que dans l’intégration partielle, le discours rapporté suit le verbe introducteur et prend la forme d’une complétive complément d’objet de ce même verbe.

Ex : Waaye loolu terewut jigéen ja di wax, di wax rekk naa : « wallaay, bu saa doom ja dikkee fii, dinga ma aal saa kër gii … » (Maam Yunus Jeŋ, 1999 : 7-8).

Traduction

Mais cela n’empêchera pas la dame de continuer à dire : « à coup sûr, à l’arrivée de mon fils, tu sortiras de ma maison ».

– Lu mu wax ? (qu’a-t-elle dit ?)

– wallaay, bu saa doom ja dikkee fii, dinga ma aal saa kër gii (COD).

L’inclusion syntaxique commande une adaptation du discours rapporté au mode de narration qui s’exprime à la troisième personne. C’est ainsi que tous les déictiques du discours à rapporter deviennent des non-déictiques. Rappelons que le terme déictique désigne toute unité linguistique dont le contenu référentiel dépend de la situation de communication et non du contexte linguistique.

Transformation des déictiques déterminants

  • des déterminants démonstratifs

Ex : Mu ne : « sama doom jii, duma ko may lu dul buur, te doom ju mu fa am it, buur lay doon » (Maam Ngoy Siise, 2001 : 35).

Traduction

Elle dit : « ma fille-ci, je ne la donnerai en mariage qu’à un roi, et tout enfant

qu’elle y aura sera lui aussi roi ».

En discours intégré, on obtient :

Mu ne na doomam jooju du ko may lu dul buur, te doom ju mu am foofa it buur lay doon.

Traduction

Elle dit qu’elle ne donnera sa fille-là en mariage qu’à un roi, et que tout enfant qu’elle y aura sera lui aussi roi.

On voit que les démonstratifs déictiques (jii / fa) du discours cité, qui sont référentiels à la situation de communication, deviennent des démonstratifs non déictiques (jooju/foofa) qui sont référentiels au contexte linguistique.

  • des déterminants possessifs

Ex : Boo ko waxee mu ni : « tàyyi naa ub saa néeg bii, dem toog di xoole … » (Maam Ngoy Siise, 2001 : 57).

Traduction

Si tu l’interpelles, elle te dit : « je suis fatiguée de quitter ma demeure conjugale pour ne rien faire après … ».

En discours intégré, cet énoncé devient :

Boo ko waxee mu ni tàyyi na ub néegam bii, dem toog di xoole …

Traduction

Si tu l’interpelles, elle te dit qu’elle est fatiguée de quitter sa demeure conjugale pour ne rien faire après …

On voit que le déterminant possessif déictique saa (= sama) du discours cité devient un déterminant possessif de la troisième personne (-am) dans le discours intégré.

Transformation des déictiques personnels

  • des pronoms possessifs

Si nous substituons au déterminant possessif de l’exemple précédent le pronom possessif correspondant, nous obtenons la formulation suivante :

Ex : Boo ko waxee mu ni : « tàyyi naa ub saa bos bii, dem toog di xoole … ».

Traduction

Si tu l’interpelles, elle te dit : « je suis fatiguée de quitter la mienne-ci pour ne rien faire après … ».

En discours intégré, cet énoncé devient :

Boo ko waxee mu ni tàyyi na ub bosam bii, dem toog di xoole …

Traduction

Si tu l’interpelles, elle te dit qu’elle est fatiguée de quitter la sienne pour ne rien faire après …

On voit que le pronom possessif de la première personne (saa bos = sama bos) du discours cité devient un pronom possessif de la troisième personne (bosam) dans le discours intégré : comme le pronom personnel je, il passe ainsi de la référence déictique à la référence contextuelle.

  • des pronoms personnels

Daa am bés Ndeelay bale, ba tollook néegam, dégg ko muy xultook a mucctu, naa : « jàppal ci noonu rekk. Suba su ne ngay faraas-faraasee sa bale bi ci saa sàkket wi ba yee ma. Mën nga maa yee de, waaye mënoo dalal saam xel baa nelaw » (Maam Yunus Jeŋ, 1999 : 7).

Traduction

Un jour, en balayant près de sa porte, Ndeela l’entendit dire : « continue comme ça. Chaque matin, tu me réveilles avec ton balai. Tu peux me réveiller, mais tu ne pourras jamais me tranquilliser » . La transformation en discours intégré donne :

Daa am bés Ndeelay bale, ba tollook néegam, dégg ko muy xultook a mucctu, naa na jàpp ci noonu rekk. Suba su ne muy faraas-faraasee baleem bi ci sàkketam wi ba yee ko. Mën na ko yee de, waaye mënul dalal xelam ba mu nelaw.

Traduction

Un jour, en balayant près de sa porte, Ndella l’entendit lui dire de continuer comme ça. Chaque matin, elle la réveille avec son balai. Elle peut la réveiller, mais elle ne pourra jamais la tranquilliser.

On voit que le je du discours cité qui reçoit sa signification de la situation de communication devient un il qui emprunte son contenu sémantique et référentiel à un élément du contexte linguistique, Ndeela, qui ne fonctionne ni comme locuteur, ni comme allocutaire dans ce discours intégré. La conséquence majeure de ce transfert est que les paroles rapportées sont prises en charge non pas par leur auteur, mais par le rapporteur.

Transformation des déictiques temporels

La localisation temporelle en wolof s’effectue essentiellement grâce aux adverbes de temps qui peuvent, selon l’emploi, être déictiques ou non-déictiques.

Ex : Mu bàyyi ba bés, fekk mu teewe jataayu kurél ga saytu nguur ga, mu jékkee-jékki yëkkati loxoom, ñu may ko mu wax : « ngeen baal ma. [… ] Man nag duma kenug kiiraange, ab jaamburu Yàlla laa. Xawma dara ci doxalinu xare. Dama gis rekk ne, ba léegi tànnaguleen kenn, teg ko ci kanamu kenug kiiraange yi, muy jiite lépp » (Séex Aliyu Ndaw, 2009 : 17).

Traduction

Un jour, pendant qu’il était avec les contrôleurs de l’action gouvernementale, il demanda la parole et dit : « s’il vous plaît. [… ] Moi, je ne suis pas un agent de sécurité, je suis un simple homme. Je n’ai aucune expérience de la guerre. J’ai tout juste constaté que jusqu’ici vous n’avez pas placé quelqu’un à la tête de la sécurité pour qu’il s’occupe de tout ».

En discours intégré, cet énoncé devient :

Ex : Mu bàyyi ba bés, fekk mu teewe jataayu kurél ga saytu nguur ga, mu jékkee-jékki yëkkati loxoom, ñu may ko mu wax ne nanu ko baal, moom du kenug kiiraange, ab jaamburu Yàlla la. Xamul dara ci doxalinu xare. Dafa gis rekk ne, ba booba tànnaguñu kenn, teg ko ci kanamu kenug kiiraange ya, muy jiite lépp.

Traduction

Un jour, pendant qu’il était avec les contrôleurs de l’action gouvernementale, il demanda la parole et dit qu’il n’est pas un agent de sécurité, qu’il est un simple homme, qu’il n’a aucune expérience de la guerre, qu’il a tout juste constaté que jusqu’alors ils n’avaient pas placé quelqu’un à la tête de la sécurité pour qu’il s’occupe de tout.

On voit que l’adverbe temporel léegi du discours cité est bien un déictique : il se confond avec le temps (To) de l’énonciation. Il devient booba (ce jour-là) dans le discours intégré : le temps de référence n’est plus To, il est exprimé dans le contexte.

Transformation des modèles de conjugaison

Ex : Am ku ko ne : « waaw Jabu, loo xewle ? [… ] Jabu, delloosil sa xel ! » (Bubakar Bóris Jóob, 2003 : 126).

Traduction

Quelqu’un lui dit : « oui Diabou, qu’est-ce qui t’arrive ? [… ] Diabou, reviens sur terre ! »

En discours intégré, l’énoncé devient :

Am ku ko laaj lu mu xewle [… ] na delloosi xelam.

Traduction

Quelqu’un lui demande ce qui lui arrive [… ] de revenir sur terre.

On note deux modifications importantes liées au choix du modèle de conjugaison :

– l’interrogation directe devient une interrogation indirecte, avec un changement de verbe introducteur : ne (dire) devient laaj (demander) ;

– l’impératif delloosil (fais revenir) devient na delloosi (qu’il fasse revenir), avec la disparition du point d’exclamation.

Du point de vue sémantico-référentiel, ces transformations entraînent le passage d’une référence déictique à une référence non-déictique : loo (tu) et sa (ton) deviennent mu (il) et –am (son).

  1. ENONCIATION RAPPORTEE ET VISEE COMMUNICATIVE

Discours rapporté et actes de langage

La notion d’acte de langage nous vient d’Austin et de Searle. A côté des discours qui se contentent de constater ou de raconter tel quel l’état des choses, ces deux philosophes du langage ont remarqué qu’il y a d’autres qui ont pour objectif d’agir sur les autres, pour les faire agir à leur tour. A leurs yeux, l’impératif et l’interrogation sont principalement les trois modalités qui codifient ces actes de langage illocutoirement marqués. Nous y avons ajouté l’exclamation qui, outre son contenu propositionnel, comporte un marqueur illocutoire qui détermine la valeur pragmatique de l’énoncé, c’est-à-dire ce que l’énonciation vise comme changement de comportement chez le destinataire. Toutes ces trois modalités (l’impératif, l’interrogation et l’exclamation) ne peuvent pas être maintenues dans un discours intégré.

L’impératif

Buur ne leen : « bàyyileen ko fa te ngeen indil ma doom ji » (Maam Ngoy Siise, 2001 : 37).

Traduction

Le roi leur dit : « laissez-la là-bas et amenez-moi l’enfant ».

La transposition en discours intégré donne :

Buur ne leen ñu bàyyi leen ko fa te(ñu) indil ko doom ja.

Traduction

Le roi leur dit de la laisser là-bas et de lui amener l’enfant.

 

Constatons que dans le discours cité, l’impératif des paroles rapportées suppose la mise en présence directe du je (Buur) et du vous (les interlocuteurs de Buur) au travers d’un acte d’énonciation par lequel le je cherche à agir immédiatement sur le vous. Dans le discours intégré, en revanche, la situation des destinataires n’est pas transformée de manière immédiate. La force illocutoire de commandement rattachée à l’énoncé en discours cité a complètement disparu. De même, l’interrogation directe du discours cité suivant a perdu de sa vivacité en passant à l’indirect dans le discours intégré.

L’interrogation

Li mu seetlu lépp daal, jaaxal ko, naqari ko mu nég genn guddi, ba ñu téj seen bunt, mu ni jabar ji : « moo Ndeela, lu xew saa ginnaaw ci kër gi ? » (Maam Yunus Jeŋ, 1999 : 21).

Traduction

Tout ce qu’il a remarqué l’intrigua, le choqua au point qu’un jour, après qu’ils eurent tous fermé leur porte, il dit à sa femme : « Ndella, qu’est-ce qui s’est passé à la maison pendant mon absence ? »

La transposition en discours intégré donne :

Li mu seetlu lépp daal, jaaxal ko, naqari ko mu nég genn guddi, ba ñu téj seen bunt, mu laaj jabar ji lu xew ci ginnaaw ci kër ga.

Traduction

Tout ce qu’il a remarqué l’intrigua, le choqua au point qu’un jour, après qu’ils eurent tous fermé leur porte, il demanda à sa femme ce qui s’était passé à la maison pendant mon absence.

L’exclamation

Ndeela ni ko : « Ey nijaay yaa nab ci doom ! » (Maam Yunus Jeŋ, 1999 : 19).

Traduction

Ndella lui dit : « Eh, mon oncle, que tu aimes à la folie tes enfants ! »

La transposition en discours intégré donne :

Ndeela ni nijaayam moo nab ci doom.

Traduction

Ndella dit à son oncle qu’il aime à la folie ses enfants.

Constatons que la transformation en discours intégré a fait perdre au discours cité ses caractéristiques d’énoncé exclamatif : en plus de la disparition du point d’exclamation, on note qu’il n’y a plus ni un je qui s’exclame, ni l’irruption de l’énonciateur-narrateur dans le récit.

En résumé, dans tous ces exemples, la modalité est rendue par le verbe introducteur : toutes les autres marques ont disparu. Même les tiroirs de conjugaison sont modifiés : l’impératif, l’interrogation directe et l’exclamation ont cédé la place respectivement au narratif, à l’interrogation indirecte et à la déclaration exprimée sans intensité particulière.

Discours rapporté et transparence

Comme on l’a constaté dans tous nos exemples, quel que soit le type de discours rapporté, il y a toujours un locuteur primaire L1 qui asserte qu’un locuteur secondaire L2 a dit quelque chose que lui L1 rapporte. Ainsi, théoriquement, L2 est le seul à pouvoir assumer la responsabilité des propos rapportés. D’ordinaire, on prête à L1 du discours cité l’intention de traduire fidèlement et sans déformation les paroles de L2. Ce qui est sûr, c’est qu’en cherchant à faire vrai, le discours cité rend L2 plus présent et permet de le caractériser en fonction de ses dires.

Ex : Buur ne ko : « waxoo benn dëgg. Nit ak i noppam fan lañn koy dugal, waxumalaak ay liir yoo xam ne mënuñoo dox ? » (Maam Ngoy Siise, 2001 : 46).

Traduction

 

Le roi lui dit : « tu ne dis pas la vérité. Un individu avec ses oreilles, où peut-on le mettre, a fortiori des bébés qui ne savent pas marcher ».

Le discours rapportant (Buur ne ko ) est distinct du discours rapporté (waxoo benn dëgg. Nit ak i noppam fan lañn koy dugal, waxumalaak ay liir yoo xam ne mënuñoo dox ?). On peut à juste raison prêter à l’énonciateur de ces paroles l’intention d’être sincère et fidèle dans la narration des faits : la juxtaposition des deux situations de communication et l’absence de transformations morphosyntaxiques peuvent autoriser une telle lecture.

En revanche, le discours indirect rend L2 plus lointain. Il donne ainsi à L1 l’autorisation de ne pas reproduire tels quels les propos de L2 : il peut les résumer pour en rester à l’essentiel, ou les reformuler d’une autre façon, voire de les transformer. Soit la transformation suivante en discours intégré de l’exemple précédent, on constate que la distance qu’il y avait entre les paroles de L1 (le narrateur) et celles de L2 a complètement disparu, et, avec elle, toute prétention à la narration transparente et objective. L1 prend seul totalement en charge les paroles de L2 qu’il rapporte, ce qui nous éloigne de la vérité du discours cité.

Ex : Buur ne ko waxul benn dëgg. Nit ak i noppam fan lañn koy dugal, waxumalaak ay liir yoo xam ne mënuñoo dox.

Traduction

Le roi lui dit qu’il ne dit pas la vérité. Un individu avec ses oreilles, où peut-on le mettre, a fortiori des bébés qui ne savent pas marcher ».

Constatons, cependant, que l’objectivité du discours cité est tout à fait relative. En effet, dans le récit, L 1 a différents moyens, tout en rapportant les propos ou les pensées de l’autre, de laisser entendre son jugement sur la vérité de ces propos. Dominique Maingueneau y fait entre autres allusion quand il met en garde contre l’illusion linguistique :

« En fait, il ne faut pas être dupe de l’illusion linguistique ; certes, en vertu d’une loi du discours le rapporteur est censé être sincère et ne pas trahir l’énoncé originel, mais rien ne l’empêche de rapporter des propos sensiblement différents de ceux émis sans qu’on puisse le taxer de mensonge pour autant » (1981 : 99).

Dans les récits en langue wolof, cette marque de subjectivité dans la relation des faits passe le plus souvent par le sémantisme du verbe introducteur, comme c’est le cas dans les exemples suivants :

Buur ne naay waxul dëgg

Le roi prétend qu’il ne dit pas la vérité.

L’emploi de l’interjection ironique naay qui fait évoluer le contenu sémantique du verbe na = dire (dire > prétendre) implique que L1 n’est pas d’accord.

Buur yaakaar / foog na ne waxul dëgg

Le roi croit qu’il ne dit pas la vérité.

L’emploi du verbe yaakaar / foog (croire) implique que L1 n’est pas sûr de la vérité des propos.

Buur nangu na ne waxul dëgg

Le roi admet qu’il (L1) ne dit pas la vérité.

L’emploi du verbe nangu (admettre) implique que c’est là l’opinion de L1.

CONCLUSION

Retenons pour conclure que le locuteur wolof, à l’image des locuteurs des autres langues du monde, dispose de plusieurs façons d’introduire dans son discours celui d’un autre : il peut, en effet, soit reproduire ce discours de manière autonome par rapport au discours rapportant (discours cité), soit l’intégrer partiellement (discours intégré) ou totalement (discours intégré narrativisé), soit encore s’en tenir à sa simple évocation (discours intégré allusif). Toutes ces façons de rapporter, qui dérivent les unes des autres, sont autant de marques de présence de l’énonciateur-narrateur dans son énoncé. C’est pourquoi nous les avons mises en parallèle avec le degré d’objectivité et de fidélité par rapport aux paroles rapportées. Ces quelques points, même trop rapidement exploités dans le cadre de cet article, montrent que ce qui caractérise finalement l’énonciation rapportée, c’est qu’elle comporte deux locuteurs et que celui dont on entend la voix ou dont on lit l’écrit, bien que n’étant pas le véritable responsable, réel ou imaginaire, des propos rapportés, peut les marquer de sa subjectivité à travers une manipulation grammaticale et/ou lexicale.

BIBLIOGRAPHIE

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[1] Université Cheikh Anta Diop de Dakar