Notes de lecture

LE CONTE CREOLE ET SES REFERENTS CULTURELS de Raymond RELOUZAT de Raymond RELOUZAT Ed, L’Harmattan 1989 Paris – CREC _ Université Antilles

Ethiopiques n°56.

revue semestrielle de culture négro-africaine

2ème semestre 1992

Voici un essai original à partir des contes tirés du Folklore of the Antille, recueilli par Else Clews Parsons, que Mr Relouzat a le mérite de révéler aux africanistes francophones. En effet, à la suite de Lafcadio Hearn, cette dame américaine avait rassemblé un corpus important, lors d’un périple aux Iles Caraïbes. Récolte faite avec soin et répondant avant la lettre aux exigences actuelles de la recherche folklorique. De plus cette dame avait transcrit ces textes en « french créole » et en avait donné une traduction anglaise. Mr Relouzat ici, en choisit quatre, les réécrit suivant l’orthographe scientifique du GEREC (Groupe d’Etudes et Recherches en Espace Créolophone – Université des Antilles) et en donne une traduction en français.

Mais l’essentiel de son travail porte sur le questionnement auquel il soumet ces textes qui chacun à leur manière, posent un problème de famille : relations frère / soeur, mère / fils, soeur / soeur, frère / frère de lait.

S’inspirant de la méthode structurale qu’il pratique avec aisance (mais sans ses lourdeurs) R. Relouzat dégage différentes significations de ces récits, notamment celles qui relèvent de la psychanalyse (inceste, homosexualité, croissance et meurtre symbolique, fixation à la mère, etc.), et celles qui renvoient à l’anthropologie sociale (problèmes d’endogamie et d’exogamie, de chasseurs et d’agriculteurs, de maîtres et d’esclaves, de donneuses de vie et donneurs de mort). On retrouve la problématique levi-straussienne. Pourtant R. Relouzat ne s’en contente pas et poursuit le questionnement jusque sur le territoire brûlant de la société coloniale et ses représentations symboliques du Blanc, du Noir, du Métis et de l’Indien si souvent oublié.

C’est là que l’étude devient réellement fascinante, car bien entendu l’identification de ces différents rôles ne se fait qu’un avec le dévoilement des masques dont ils sont revêtus dans les contes analysés, ceux-ci ne citant jamais les races explicitement.

L’analyse de Relouzat est très fine et instructive, et surtout celle du quatrième conte où le référant culturel africain est remarquablement mis en lumière. L’auteur va peut-être trop loin, en affirmant que le cadavre ressuscité qui sauve le héros n’est autre que l’Indien caraïbe, mais c’est une interprétation qui s’explique par son idéologie initiale :

« L’erreur de méthode consistait pour nous précisément dans le fait d’avoir inconsciemment réduit à deux les pôles culturels à partir desquels s’est effectuée la synthèse Créole. Or pendant près de trois siècles, Kwahib (c’est-à-dire la Caraïbe) fut partie prenante dans le syncrétisme culturel élaboré par la société antillaise » (p. 19).

  1. Relouzat complète cet essai par une esquisse assez inattendue du mythe percevalien (toujours Lévi-Strauss) qu’il découvre dans Le Cahier du Retour de Césaire, dont le héros par sa quête d’une identité post-coloniale s’opposerait à Ti-Jean le héros des contes. Mais cette révolte césarienne demeurerait inopérante dans la mesure où elle s’effectue dans la langue du colon, et de ce fait échoue à rétablir la communication entre le poète-démiurge et son peuple.

L’avenir serait, selon R. Relouzat, dans une récupération de toutes les composantes de l’identité antillaise (Noir, Blanc, Métis, Indien) par le truchement – le seul efficace – de la langue Créole, seul lien possible aujourd’hui, de cette identité antillaise.