Philosophie, sociologie, anthropologie

L’ACTION POLITIQUE ET L’ETHIQUE DE LA RESPONSABILITE

Ethiopiques n° 78

Littérature et art au miroir du tout-monde/Philosophie, éthique et politique

1er semestre 2007

En ce début du troisième millénaire, tout se passe comme si l’on assistait à une véritable « mort dans l’âme » [2] de l’humanité. L’univers politique est, dans sa quasi-totalité, dominé par des événements convulsifs et déshumanisants tels que les guerres, le terrorisme, les attentats et les coups d’Etat. L’on serait même en droit de penser que le genre humain traverse une ère « dénuée de toute philosophie favorable à l’homme » (Chindji Kouleu, 2001:286). La démocratisation même des Etats sur laquelle les espoirs d’un monde beaucoup plus humain et paisible sont aujourd’hui fondés ne ressemble qu’à un cul-de-sac :

« Entre la démocratie que nous avons tous rêvée sous la tyrannie et le système des partis tel qu’il s’est instauré dans l’Europe occidentale, le décalage n’est pas mince. Cette déception est pour une part inévitable. Car toute démocratie est oligarchie, toute institution est imparfaitement représentative [3] » (Raymond Aron, 1973 :20).

Mais l’effondrement des espérances ancrées sur la démocratisation des peuples ne saurait totalement inhiber la quête permanente de nouvelles méthodes et stratégies susceptibles d’humaniser, de rendre plus efficace une gestion optimale des hommes et des biens dans une communauté politique donnée. Dans cette optique, une « inscription politique de la philosophie » (Dekens Olivier, 2004) pourrait se justifier à un triple niveau : d’abord l’existence de la philosophie n’a pas d’autre intérêt que de penser systématiquement l’histoire, c’est-à-dire l’évolution dans l’espace et le temps des sociétés humaines, l’ère de la pure spéculation étant révolue [4]. Ensuite, il revient au philosophe, plus qu’aux autres spécialistes des sciences humaines, d’orienter l’action du politique de manière qu’elle ne soit pas entièrement dénuée de toute éthique humanisante. Enfin, le philosophe doit pouvoir déterminer au sein de la société qui est la sienne ce qui peut être considéré comme une action politique authentique, le meilleur type de régime politique et la vocation de ceux qui sont censés incarner le « pouvoir » politique (Alain Lagarde, 2000). Cette triple mission du philosophe suscite cependant quelques inquiétudes : elle représente un risque dans un contexte social où la classe dirigeante est encore truffée d’ « idéologues » spécialisés dans la défense de leurs intérêts égoïstes ou dans ce que Chantal Milon Del Sol appelait à juste titre « la dénaturation de la vérité » (1988 :340). En effet, ces derniers redoutent et combattent toujours la philosophie comme recherche constante de la vérité à partir d’une critique radicale et révolutionnaire du statu quo, c’est-à-dire de la réalité sociale telle qu’elle est actuellement avec ses beautés et ses laideurs [5]. La mort de Socrate devant les autorités politiques et judiciaires d’une société athénienne en plein pourrissement moral est un exemple historiquement pertinent du conflit entre le philosophe et l’homme politique. Et d’après Karl Jaspers (1967 :37-38), Platon aurait subi le même sort que son maître Socrate s’il ne s’était vite résolu de se réfugier dans le monde des Idées jusqu’à la fin de la tempête du pouvoir qui secouait et bouleversait, à la même époque, les peuples grecs.

Toutefois, le regret ultérieur de la mort de Socrate, par ceux-là mêmes qui le condamnèrent à boire la ciguë, marque non seulement un regain de la philosophie dans la gestion des crises politiques, mais aussi et surtout le rôle dévolu à cette dernière auprès des hommes politiques. Ce rôle est d’autant capital que Platon (République, V.473) postule une unité organique du politique sous sa forme organisée d’Etat et de la philosophie comme pensée et fondement rationnel de ce dernier. Ainsi, on pourra désormais envisager un libre dialogue entre le philosophe et le politique afin de scruter les voies et les moyens susceptibles d’assurer à l’homme d’Etat plus d’efficacité dans l’accomplissement de sa lourde et délicate tâche qu’est la gestion des hommes et de leurs biens au sein de la communauté politique dont il a la charge. Cependant, si ce dialogue est orienté par l’éthique, nous devrions pouvoir répondre à une question fondamentale : entre une « éthique de la conviction » et une « éthique de la responsabilité » (Max Weber, 1973), laquelle serait une méthode féconde dans la conduite du politique organisé sous sa forme d’Etat ? En d’autres termes, si un parfum éthique doit nécessairement accompagner l’action de l’homme d’Etat dans la réalisation de son but spécifique, la « sécurité extérieure et la concorde intérieure » d’ une part, et dans l’utilisation de son moyen propre, la « violence légitime » (Julien Freund, 1965) d’ autre part, quel serait le lieu de cette éthique ? Faut-il la loger dans nos convictions morales ou, au contraire, dans notre sentiment de la responsabilité ?

  1. LE LIEU ETHIQUE DU POLITIQUE : L’ETHIQUE DE LA RESPONSABILITE

La détermination du lieu éthique du politique suggère d’emblée que l’on scrute le rapport du politique et de l’éthique tel qu’il a historiquement oscillé entre l’harmonie et le conflit. Mais nous nous dispenserons ici de cette tâche proprement historique pour partir directement de cette hypothèse ricœurienne à laquelle nous souscrivons :

« Afin d’éviter toute approche moralisante du problème et de ne pas préjuger de l’ordre de préséance entre éthique et politique, je préfère que l’on parle en terme d’intersection plutôt que de subordination du rapport de l’éthique à la politique. Je vois là deux foyers décentrés l’un par rapport à l’autre, posant chacun une problématique originale et créant un segment commun, précisément par leur intersection » (Paul Ricœur, 1985 :1).

En effet, cette hypothèse a l’avantage qu’elle ne requiert pas a priori une unité organique entre le politique et l’éthique tout en soulignant cependant le caractère non tranché de leur opposition. Entre le politique et l’éthique, elle met en évidence une « intersection » qui correspond chez Ricœur à une « intention éthique du politique » que l’on peut dévoiler soit dans un Etat de droit, soit dans un Etat démocratique :

« La quête de rationalité et la promesse de rationalité contenues dans la notion d’un Etat de droit prolongent l’exigence de réalisation contenue dans la définition même que nous pouvons donner de la liberté au plan de l’intention éthique la plus fondamentale. Le politique prolonge ici l’éthique en lui donnant une sphère d’exercice. Il prolonge en outre la seconde exigence constitutive de l’intention éthique, l’exigence de reconnaissance mutuelle, cette exigence qui me fait dire : ta liberté vaut la mienne. Or l’éthique du politique ne consiste pas en autre chose que dans la création d’espaces de liberté (…). L’Etat de droit est en ce sens l’effectuation de l’intention éthique dans la sphère du politique (…). Je n’hésite pas, pour ma part, à donner en outre une signification éthique, non pas seulement à la prudence demandée aux gouvernements, mais à l’engagement du citoyen dans une démocratie. Je n’hésite pas à penser en termes éthiques la démocratie considérée du point de vue de sa téléologie » (op. cit. :9).

Sans coïncider avec l’éthique, le politique organisé sous sa forme d’Etat de droit réserve donc à cette dernière un espace d’action. C’est pourquoi, de nos jours, le politique court le risque de ce que Ricœur appelle le « transfert du religieux sur le politique » (op. cit. :11). Ce transfert recommande notamment aux hommes politiques de changer de mode de vie et de régler leur comportement sur les « dix commandements de Dieu ». Comment alors orienter cette éthique du politique de manière à ce que son action soit en harmonie avec la vocation du politique, le choix de son moyen spécifique et la réalisation de son but propre ? Cette orientation aura-t-elle pour point d’ancrage nos convictions religieuses et subséquentes d’une éthique de la conviction ou, au contraire, notre sens de la responsabilité, régulé par une éthique de la responsabilité ?

S’adressant en effet à de jeunes pacifistes au cours d’une conférence intitulée : « La politique comme vocation » et organisée juste après la première guerre mondiale, Max Weber (cité par Ricœur, op. cit. :10) leur avouait :

 

« La politique casse nécessairement l’éthique en deux : il y a d’une part une morale de conviction, qu’on pourrait définir par l’excellence du préférable et une morale de responsabilité qui se définit par le réalisable dans un contexte historique donné et (avec) un usage modéré de la violence ».

Par ailleurs, l’auteur du Savant et le politique réitère cette cassure en ces termes :

« Toute activité orientée selon l’éthique peut être subordonnée à deux maximes totalement différentes et irréductiblement opposées. Elle peut s’orienter selon l’éthique de la responsabilité (…) ou selon l’éthique de la conviction (…) Cela ne veut pas dire que l’éthique de conviction est identique à l’absence de responsabilité et l’éthique de responsabilité à l’absence de conviction. Il n’en est évidemment pas question. Toutefois, il y a une opposition abyssale entre l’attitude de celui qui agit selon les maximes de l’éthique de conviction (…) et l’attitude de celui qui agit selon l’éthique de responsabilité » (p.173).

  1. L’OPPOSITION DE L’ETHIQUE DE LA RESPONSABILITE ET DE L’ETHIQUE DE LA CONVICTION

Qu’est-ce qui oppose donc profondément les deux éthiques, si tant est que l’éthique de la responsabilité n’est pas totalement dépourvue de conviction et que l’éthique de la conviction n’est pas entièrement exempte de responsabilité ? La responsabilité impliquée dans l’éthique de la conviction est-elle à interpréter au même titre que celle contenue dans l’éthique de la responsabilité ? La même question est valable pour l’intelligibilité de la conviction impliquée dans l’éthique de la responsabilité. En d’autres termes, en quoi la conviction religieuse se distingue-t-elle de la conviction politique d’une part, et la responsabilité religieuse de celle politique d’autre part ?

L’éthique de la conviction et l’éthique de la responsabilité sont radicalement antithétiques pour plusieurs raisons. La première nous demande d’agir par devoir, c’est-à-dire sous la contrainte des principes ou des valeurs préétablies et de nos convictions subséquentes. Ainsi, la responsabilité des résultats heureux ou malheureux de notre action sont toujours à imputer à ces valeurs a priori qui s’exercent sur elle de l’extérieur et de façon contraignante. Ces valeurs agissent donc en nous sans nous, et leur point d’ancrage ontologique est la société ou Dieu. Le vrai responsable, ce n’est jamais nous mais la société ou Dieu. Lorsque Weber dit donc que l’éthique de la conviction n’est pas totalement dépourvue de responsabilité, il faut comprendre celle-ci comme simple exigence d’accomplissement de soi par ce que Freund appelle « la rectitude des actes personnels selon les normes du devoir » (op. cit. :6) d’une part, et comme charge nécessaire que le partisan de cette éthique a de veiller, en tout lieu et en tout temps, sur « la flamme de la pure conviction pour qu’elle ne s’éteigne pas, par exemple sur la flamme qui anime la protestation contre l’injustice sociale » (Weber, op. cit. :173) d’autre part. Il est donc responsable de la diffusion et du rayonnement des lois figées. Il est enfin responsable de sa propre conduite vis à vis de ces lois et non de celle des autres membres de sa collectivité ou de son obédience religieuse. A travers le respect de la loi, c’est son âme qu’il veut sauver et non la cité, la grandeur d’âme étant pour lui au-dessus de celle de l’Etat. L’éthique de la responsabilité est toute autrement. D’abord elle demande à l’agent de compter avec lui-même lorsqu’il agit, d’assurer pleinement la responsabilité de ses actes, donc de ne pas l’imputer à un agent extérieur à lui, fut-il la société ou Dieu. Car, elle est justiciable de son libre engagement. Ensuite, l’éthique de la responsabilité exclut, on le voit, la soumission aux préceptes catégoriques de toute morale formelle comme celle de Kant ou de l’Evangile. Si l’agent a des règles à observer avant toute action, celles-ci ne sont pas des lois absolues, mais des principes conventionnels dont l’observation ou la transgression est toujours possible selon la conjoncture historique dans laquelle l’on se trouve. Autrement dit, c’est une éthique de l’homme d’Etat conscient des antinomies de l’action humaine. En effet, comme le dit avec raison Aron :

« L’Etat est l’institution qui possède, dans une collectivité donnée, le monopole de la violence légitime. [Et] entrer dans la politique, c’est participer à des conflits dont l’enjeu est la puissance – puissance d’influencer sur l’Etat – et par là – même sur la collectivité. Du même coup, on s’oblige à se soumettre aux lois de l’action, fussent-elles contraires à nos préférences intimes et aux dix commandements, on conclut un pacte avec les puissances infernales, on se condamne soi-même à la logique de l’efficacité (op.cit. :24) » .

L’intention pacifiste et humanitaire qui anime les lois de l’éthique de la conviction n’est pas toujours compatible avec les règles de l’action politique. Elle est même contraire à la volonté de puissance, au sens nietzschéen, qui anime le chef politique qui est toujours prêt à faire recours aux moyens moralement répréhensibles pour assurer à son action une certaine efficacité. Comme le rappelle à juste titre Max Weber, le diable est aussi vieux que le monde en politique. Et le devenir diable de l’homme politique n’attend point le nombre d’années car, « ce n’est pas l’âge qui importe mais d’abord la souveraine compétence du regard qui sait voir les réalités de la vie sans fard et ensuite la force de l’âme qui est capable de les supporter et de se sauver avec elles » » (op. cit. : 182).

En nous avouant donc que l’éthique de la responsabilité n’est pas exempte de toute conviction, Weber nous interdit en même temps d’interpréter cette conviction au même titre que celle du partisan de « l’éthique du Sermon sur la Montagne » qui est plutôt une ferme croyance en la bonté et la justesse des valeurs prédéterminées. La conviction impliquée dans l’éthique de la responsabilité est, au contraire, la croyance en la réalisation éventuelle du but qu’on s’est proposé et la passion raisonnée, soutenue et nécessaire à cette réalisation. Entendue dans ce sens, la conviction et la responsabilité se complètent nécessairement l’une et l’autre dans une action politique authentique : « L’éthique de la conviction et l’éthique de la responsabilité, affirme Weber, ne sont pas contradictoires, mais elles se complètent l’une l’autre et constituent ensemble l’homme authentique, c’est-à-dire un homme qui peut prétendre à la vocation politique » (op. cit. : 183).

La responsabilité religieuse est donc aussi bien différente de la responsabilité politique que la conviction religieuse vis à vis de la conviction politique. Ne pourrait-on pas cependant scruter davantage l’antinomie des deux éthiques en insistant particulièrement sur le caractère fondamentalement violent et réaliste de l’homme d’Etat ?

En effet, le partisan de l’éthique de la conviction prône en toute circonstance la non-violence et ce, par devoir ou par fidélité aux maximes de la société [6] ou de l’Evangile, quelle que soit la situation historique qui prévaut. Elles sont hétéronomes et s’imposent à nous de façon impérative : « Ne résiste pas au mal par la force » (Weber, op. cit. :170), commande l’une des maximes de l’Evangile. Or le partisan de l’éthique de la responsabilité recommandera plutôt : « Tu dois t’opposer au mal par la force, sinon tu es responsable de son triomphe » (ibid. :170). La maxime de l’Evangile est d’autant pacifiste qu’elle impose : « Présente l’autre joue ! Immédiatement sans demander à l’autre pourquoi il croit devoir te frapper » (ibid. :170).

Cette éthique de la conviction, telle qu’elle se donne à voir à travers ses maximes, si elle a une dignité pour les saints, elle ne l’a pas pour l’homme politique qui a une vocation. A la vérité, il faut être, selon Weber, un saint en tout, ou du moins vouloir l’être et vivre comme Jésus, les Apôtres, saint François d’Assise et ses pareils pour qu’elle ait un sens et une dignité. La dignité même des Saints manque le sens des réalités, le sens chevaleresque, courageux et héroïque qui caractérise l’homme politique qui a la responsabilité de toute une collectivité. Car, le problème demeure celui de savoir si le partisan de l’éthique de la conviction peut faire la grève, la révolution, la guerre, bref tout mouvement de masse qui implique l’utilisation des moyens violents.

Etant donné qu’il est tenu à refuser par devoir, par bonté et justesse mêmes de ce devoir, en toute circonstance les armes, même s’il est dans une situation offensive, le sujet de l’éthique de la conviction ne saurait faire recours à la violence pour se défendre légitimement. D’après lui, le refus des armes face à l’ennemi armé semble être la condition idoine pour retrouver la paix. Or le partisan de l’éthique de la responsabilité ou l’homme politique, responsable par vocation, n’hésite pas à répondre à la violence par une violence plus redoutable là où le dialogue et la diplomatie ont échoué. Il sait par ailleurs que celui qui aime la paix prépare aussi la guerre. Car, la paix d’aujourd’hui n’est pas toujours synonyme de la paix de demain. C’est une paix d’instant qui n’empêche pas que l’on soit à nouveau offensé. Le temps de paix est à considérer comme l’aubaine de fourbir davantage les armes aux fins de riposter énergiquement aux éventuelles offensives à venir car, comme le dit si bien Sartre (1985 :513), « L’absence de l’ennemi n’est pas un non-être, c’est une relation au groupe qui craint son retour ».

En tout état de cause, lorsque le partisan de l’éthique du « Sermon sur la Montagne » nous demande de nous désarmer devant l’ennemi, c’est nous demander de nous avouer vaincus sans aucune résistance. Or une telle résignation au non d’une paix éphémère profite au seul ennemi qui obtient avec la plus grande facilité ce qu’il voulait de nous. Elle nous condamne à la passivité stérile, puisqu’elle ne nous permet pas de révolutionner le statu quo. C’est sans doute dans cette optique qu’Aron (op. cit. : 43) est fondé d’écrire : « La politique est guerre… La morale est paix ».

Cela est d’autant pertinent que le moyen spécifique du politique soit la violence. En politique, en effet, le recours à la violence ou à tout autre moyen moralement répréhensible ne souffre pas de délais lorsque l’acteur s’avise qu’il agit au nom du bien commun. Ce faisant, le mensonge, le crime, etc. peuvent servir les intérêts collectifs. Par contre, le moraliste fidéiste refuse de mentir ou de tuer afin de s’assurer une âme sauve pendant le jugement dernier, puisque, ce qui l’intéresse dans son for intérieur, c’est son salut particulier et non celui de toute la communauté dont il n’est pas responsable.

Dans cette perspective, il faut distinguer l’homme politique responsable, réaliste et vigilant qui choisit ses moyens, quelle que soit leur nature, en fonction des circonstances historiques, du fidéiste idéaliste qui refuse toute compromission dans le choix de ceux-ci. Pour l’idéaliste, ou ils sont moralement bons au départ et il en fait littéralement usage ou bien ils ne le sont pas et il les rejette intégralement. Le critère de bonté, de pureté et de justesse est inconditionnel.

L’opposition ici faite entre l’homme politique authentique (par vocation) et le moraliste est comparable au conflit qui oppose Hoederer et Hugo dans les Mains Sales de Jean-Paul Sartre. Hugo est un idéaliste qui veut faire triompher ses idées parmi ses camarades, leur prouver qu’il est capable d’action et qu’il ne saurait servir le Bien par des moyens moralement malhonnêtes ou dangereux. Par conséquent, il ne peut pas tolérer de voir Hoederer recourir au mensonge pour appuyer sa politique de libération des hommes qui vivent dans le carcan de l’oppression bourgeoise. Or du point de vue réaliste, Hoederer sait non seulement qu’il est vain d’opposer le Bien fictif à des maux effectifs, mais également qu’il n’ y a pas de bien ou de mal au sens absolu. Ce sont des valeurs relatives. Il faut combattre, si possible, le mal par le mal là où il existe effectivement. La pureté des moyens dont se réclame obstinément Hugo est pour lui une idée de moine qui, apeuré par le sang et le préjudice du mensonge, porte des gants blancs et non des gants rouges dans un monde où c’est paradoxalement l’amour du sang et du mensonge qui permet de lutter contre la violence [7]. Le problème demeure celui de savoir si le mal n’engendre que le mal d’une part, et le bien rien que le bien, comme le prétend le moraliste, d’autre part. En effet, d’après Weber (op. cit. :173) :

« Il n’existe aucune éthique au monde qui puisse négliger ceci : pour atteindre des fins « bonnes », nous sommes la plupart du temps obligés de compter avec, d’une part des moyens moralement malhonnêtes ou pour le moins dangereux, et d’autre part la possibilité ou encore l’éventualité de conséquences fâcheuses ».

La contradiction entre les moyens et la fin est possible. Nous avons déjà montré plus haut qu’en politique, il n’y a pas une logique de causalité mécanique entre le moyen et la fin poursuivie. Or l’idéaliste qui agit par principe ne la perçoit pas toujours. Il est incapable de comprendre que la fin ne justifie pas toujours les moyens de l’action humaine. C’est le cas, par exemple, de cette catégorie de révolutionnaires russes et anarchistes qui se comportent au cours de leur action comme des scientifiques qui vérifient la loi de causalité : la révolution aura automatiquement pour résultat le passage à une économie proprement socialiste après l’élimination des vestiges de la féodalité et des éléments dynastiques. Ce faisant, ils se transforment, tout comme l’agent de l’éthique de la conviction, en prophètes. C’est ce que Weber (ibid. : 174) constate avec regret lorsqu’il écrit : « Dans le monde des réalités nous constatons sans cesse par expérience que le partisan de l’éthique de conviction fait brusquement une volte-face pour devenir un prophète millénariste ».

De là, l’on comprend la raison pour laquelle Sartre (1985 :24-25) dénonçait « une contradiction formelle » dans le matérialisme historique de Marx et Engels. Car, ils avaient tort d’assigner à la finalité de la dialectique historique un caractère quasi-dogmatique en refusant pour ainsi dire de tenir compte de ce qu’il appelle la « contingence historique » ou l’incertitude des fins historiques telle que nous l’examinions plus haut. Ce matérialisme fut également l’objet de la critique de Maurice Merleau-Ponty (1955-1957) pour qui, loin d’être considéré du point de vue de ses résultats comme une évidence, le marxisme est plutôt à considérer, en ce début balbutiant de l’histoire, comme une hypothèse, certes, intellectuellement pertinente et moralement juste, mais encore à infirmer ou à confirmer plus tard par l’expérience. L’expérience est donc décisive dans l’appréciation de nos fins par rapport à leurs moyens. Il est impossible de décréter, par principe et au nom d’une morale quelconque, la fin qui justifiera tel ou tel moyen. Il est absurde de croire comme le partisan de la morale d’Evangile que le bien n’engendre que le bien et que le mal n’accouche que du mal. En le croyant, le révolutionnaire idéaliste et le moraliste se contredisent inéluctablement.

En effet, lorsque le révolutionnaire condamne d’emblée, au nom de la morale, la politique de force des hommes de l’ancien régime féodal et dynastique alors qu’il utilise lui-même les moyens violents pour faire triompher ses idéaux, il se contredit absolument. Weber est donc fondé de conclure : « Il semble donc que c’est bien le problème de la justification des moyens par la fin qui voue en général à l’échec l’éthique de conviction » (op. cit : 174).

De même, le développement de toutes les morales (religions) au monde contredit la thèse de la justification des moyens par les fins, car ce progrès est généralement fait de guerres non seulement des religions mais aussi des dieux. Il y a donc un univers plus que machiavélique des religions et des dieux qui rend problématique la vérification tant claironnée par les moralistes chrétiens de la théorie selon laquelle le bien engendre forcément le bien et le mal mécaniquement le mal (Weber, op. cit. : 174-175).

L’éthique (morale) de la conviction et l’éthique de la responsabilité sont, d’après Weber, deux éthiques foncièrement distinctes. Leur antinomie n’est ni artificielle, ni psychologique comme le prétendait Raymond Aron. La préoccupation d’Aron était néanmoins la suivante : « Y a t-il deux morales, essentiellement distinctes, celle de la responsabilité et celle de la conviction ? » (op. cit. : 41).

En effet, Aron ne voyait dans les deux morales que la possibilité qu’a l’être humain, en tant qu’être historique, de choisir une valeur parmi tant d’autres, ce choix étant par essence arbitraire et non scientifique. Ainsi, tout choix vaudrait un autre et il suffirait de considérer la pluralité des valeurs pour se rendre à l’évidence que si elles s’opposent au niveau de la résolution de certains problèmes historiques et immédiats, elles ne le sont plus à un niveau plus élevé d’abstraction, de conceptualisation et de systématisation. La pluralité des valeurs historiques autorise-t-elle cependant la systématisation du sens de l’existence humaine ou des sociétés humaines ?

Certes, l’homme politique est condamné à compter, au cours de son action, avec l’irrationalité relative au moyen qu’il met en œuvre pour la réaliser. De là justement, comme le rappelle Aron, le caractère subjectif du choix des valeurs. De là aussi, ce fait fondamental que cette subjectivité ne devrait pas impliquer que « la pensée soit suspendue à des décisions essentiellement irrationnelles et que l’existence s’accomplisse dans une liberté qui refuserait de se soumettre même à la Vérité » (ibid. :52). Cependant, la thèse d’une systématisation à un niveau de conceptualisation plus poussée de la pluralité des valeurs qui invaliderait pour ainsi dire le caractère ontologique de l’opposition établie par Weber entre l’éthique de la conviction et l’éthique de la responsabilité est discutable. Car, cette thèse semble insinuer non seulement un horizon indépassable de la dialectique des valeurs historiques mais également un point de résorption et d’uniformisation de ces dernières. On se croirait donc en présence d’un hégélianisme axiologique.

A notre avis, la systématisation des valeurs sur laquelle Aron fonde le caractère artificiel ou psychologique de l’antinomie des deux éthiques ne semble pas tenir compte du fait que la dialectique des valeurs humaines est un processus ininterrompu qui interdit, par conséquent, leur uniformisation radicale et leur subordination à une source Unique. Ensuite, elle ne voit dans les valeurs historiques qui sont pourtant les seules valeurs à notre portée immédiate que des valeurs éphémères à transcender vers une valeur supra historique considérée comme l’unique Vérité de l’homme et des sociétés humaines, et qui surmonterait pour ainsi dire toutes les antinomies relatives à nos différentes valeurs actuelles. Or une telle Vérité n’est qu’une Idée de la raison au sens kantien ; elle ne correspond à aucune valeur concrète. Ce faisant, Aron se présente non pas comme le bâtisseur de ce monde avec toutes ses contradictions et ses problèmes qui demandent ici et maintenant des solutions efficaces, mais plutôt comme cet idéaliste platonicien de la « Cité idéale » (Sinclair, 1953 : 155).

Cette systématisation passe enfin sous silence la spécificité tant soulignée du but et du moyen du politique. Or cette spécificité ne contredit pas la diversité des valeurs historiques. Elle interdit plutôt leur fusion et confusion en ce qui concerne l’activité respective du politique et de l’éthique. Le danger paraît beaucoup plus grand de relever leur « intersection » au point d’ignorer leur inéluctable différence. Pour marquer de près l’antinomie entre « l’éthique de la conviction » et « l’éthique de la responsabilité », ne serait-il pas judicieux de se référer à celle qui existe entre la morale et l’éthique, en dépit de leur confusion habituelle par le langage courant ? « Sans doute, il arrive qu’en fait, les questions de Morale et celles d’Ethique soient souvent mêlées ; mais cela n’exclut pas une distinction très nette de leurs définitions » (A. Lalande, 1985 : 306).

Etymologiquement, les concepts de morale et d’éthique viennent respectivement du grec « êthos » et du latin « moralis » ou « mores » et désignent tous les mœurs, les habitudes naturelles ou acquises relatives à la pratique du bien et du mal. Les deux concepts renvoient donc à des disciplines normatives puisqu’ils posent tous des jugements de valeur sur nos différentes conduites. D’où la confusion que le langage ordinaire fait souvent entre éthique et morale. Or, au-delà de leur apparente synonymie, il y a une abyssale différence entre les deux termes.

D’après Lalande, la morale est « l’ensemble des prescriptions admises à une époque et dans une société déterminée, l’effort pour se conformer à ces prescriptions, l’exhortation à les suivre » (op. cit. :306), mieux l’« ensemble des règles de conduite tenues pour inconditionnellement valables » (op. cit. :655) alors que l’éthique est « la science qui prend pour objet immédiat les jugements d’appréciation sur les actes qualifiés bons ou mauvais » (op. cit. :306). De là à dire que la morale ne nous invite pas à réfléchir mais à nous soumettre à des normes établies, nous y référer chaque fois que nous sommes appelés à choisir ou à agir : c’est l’univers des commandements, des impératifs catégoriques et du conformisme ; puisque les principes sur lesquels cette morale est fondée sont justement considérés comme des valeurs universelles et absolues. Ainsi, le bien c’est ce qui est conforme à la règle ; c’est une valeur objective qui s’impose identiquement à tous ; c’est une valeur idéale qui régule à distance notre pensée, nos actes et vers laquelle nous tendons perpétuellement. Comme le souligne M. Hémon, on appelle « morale toute doctrine qui prétend fonder sur des principes théoriques une téléologie idéale, et une obligation » (cité par Lalande, ibid., en note : 306).

L’éthique s’oppose à la morale de par le statut même qu’elle accorde à la valeur et le jugement qu’elle est permise de porter sur cette valeur. Aux notions absolues de bien et de mal, elle substitue celles de bon et de mauvais comme valeurs relatives. Et leur relativité vient de ce qu’elles sont subjectives. Car, il s’agit d’un problème de préférence ou de goût pour un sujet individuel face aux événements ponctuels. La règle de la vie bonne, nous dit Spinoza, est immanente, c’est-à-dire inscrite dans la nature humaine et il suffirait de s’affranchir rationnellement de tous les facteurs qui l’aliènent pour la perfectionner. A ce niveau, l’éthique n’a pas cette dimension conformiste et universaliste revendiquée par la morale. En effet, elle recommande à l’individu, en tant que sujet libre et rationnel, de réfléchir sur les prescriptions qu’il choisit de suivre. Ce faisant, il calcule, juge et évalue prudemment toutes les possibilités de conduites qui s’ouvrent devant lui avant d’en choisir celle qu’il considère comme bonne. En d’autres termes, l’éthique fait appel à notre esprit critique et de discernement, à notre sagesse. Elle fait également intervenir notre liberté ; puisqu’elle ne nous demande pas d’enfermer notre conduite dans le respect inconditionnel d’une valeur a priori. Bien au contraire, elle nous convie à inventer perpétuellement nos valeurs en fonction de chaque nouvelle situation particulière ; surtout lorsque les valeurs considérées jusque-là comme étant bonnes sont obsolètes.

L’éthique est donc hypothétique, conditionnelle. Elle n’est désintéressée pas comme la morale kantienne d’après laquelle « une action faite par devoir tire toute sa valeur non du but à atteindre mais de la maxime d’après laquelle elle se détermine à agir » (Kant, 1963 :22). Tout se passe donc comme si la morale n’avait aucun intérêt à défendre. Or l’éthique a tout intérêt à défendre le bonheur de l’homme. C’est tout un art de vivre particulier au sage. Lorsque le surhomme nietzschéen décide, par exemple, de vivre par-delà le Bien et le Mal, c’est aussi la décision de substituer à ces valeurs le bon et le mauvais, car la morale « chrétienne est essentiellement un sacrifice, sacrifice de toute liberté, de toute fierté, de toute confiance de l’esprit en soi-même ; elle est en même temps asservissement et dépréciation de soi-même, mutilation de soi-même » (Nietzsche, 1986 : 46). Par conséquent, la tentation serait grande de recommander une éthique à la morale afin qu’elle libère l’homme, l’humanise et dédogmatise ses principes qui l’asservissent et freinent son accomplissement et son épanouissement.

La différence entre la morale et l’éthique correspond respectivement, on le voit, à celle faite par Weber entre « l’éthique de la conviction » et « l’éthique de la responsabilité ». Ainsi, il serait même incongru d’utiliser l’expression éthique de la conviction pour désigner la morale. Car, l’éthique implique en soi la responsabilité du sujet et exclut la conviction comme croyance ferme aux valeurs en soi que sont le Bien et le Mal, objets de la morale. Pour l’éthique, il n’y a pas de bien et de mal en soi parce qu’il n’y a que le bon et le mauvais pour soi. L’action politique, de par sa vocation, la liberté, la responsabilité et le relativisme axiologique impliqués dans l’éthique peut faire chemin avec celle-ci et difficilement avec une morale liberticide et figée dans ses principes.

CONCLUSION

L’éthique et le politique constituent deux domaines sui generis. Cette autonomie ne signifie pas cependant l’impossibilité de leur « intersection ». Il n’ y a pas de véritable politique sans éthique. Mais si un parfum éthique doit accompagner l’action du politique organisé sous sa forme d’Etat, cette éthique devrait être logée dans notre sens de la responsabilité et non dans nos convictions personnelles ou religieuses. Le but spécifique du politique étant le bien commun, c’est-à-dire la « sécurité extérieure et la concorde intérieure », la « violence légitime » apparaît comme son moyen propre, même si cette violence, lorsqu’elle est abusée, débouche sur une crise de l’autorité politique à cause des discordes qu’elle provoque. Mais entre le but et le moyen ainsi définis, il n’y a pas de logique au sens mécanique d’une théorie de causalité selon laquelle le mal engendrerait forcément le mal et le bien inéluctablement le bien, par exemple. L’action politique est une affaire de pragmatisme et non de principes rationnels ou de convictions religieuses. L’irrationalité qui la caractérise fondamentalement exige de l’agent une certaine vocation, c’est-à-dire le « coup d’œil », la « passion » et le « sentiment de la responsabilité ». Ces qualités psychologiques, intellectuelles et nécessaires à l’action politique constituent les vertus gouvernantes qui font bon ménage avec une éthique de la responsabilité réaliste, libérale et sous-tendue par un relativisme axiologique. Cette éthique s’oppose pour ainsi dire à une morale de la conviction trop idéaliste, liberticide, conformiste, dogmatique et universaliste. L’éthique de la responsabilité telle qu’elle est recommandée par Max Weber est balisée par toute une philosophie dont on peut repérer quelques aspects dans cette définition aronienne de l’homme d’action : « L’homme d’action est celui qui, en une conjoncture singulière et unique, choisit en fonction de ses valeurs et introduit dans le réseau du déterminisme un fait nouveau » (op. cit.. : 18).

Le sujet moral est un militant de la pureté des moyens dans l’action politique. Or pour Max Weber tout comme pour Jean-Paul Sartre, la recherche de la pureté est une attitude rétrograde devant l’ampleur des problèmes immédiats qui interpellent l’homme politique ; c’est un comportement de démission en face de ses responsabilités. La pureté n’est pas à rêver dans un monde où seule compte l’efficacité des moyens. La politique n’est ni une institution religieuse où on entre pour éviter de se salir les mains, d’affronter les problèmes quotidiens, ni un couvent dans lequel aucun accident ne viendra troubler la contemplation de la pureté. Elle n’est non plus une école de dimanche destinée à aider les idéalistes à résoudre leurs petits problèmes personnels ou à leur procurer un univers moralement confortable. La grandeur d’un homme politique ne se mesure pas par l’idéalisation de la pureté des moyens mais par son efficacité, c’est-à-dire par sa capacité à maîtriser les situations les plus délicates. Il ne se dresse pas, par principe, comme le sujet moral, contre le mensonge et les assassinats politiques. L’essentiel, c’est que ce mensonge et ces assassinats soient au service de toute la communauté et non à celui de ses intérêts égoïstes, car tous « les moyens sont bons quand ils sont efficaces sauf ceux qui altèrent la fin poursuivie » (Hoederer). En soutenant que le Bien et le Mal préexistent et que toute action humaine devrait se régler inconditionnellement sur ces prétendues valeurs éternelles, le sujet croit aux principes bibliques comme s’il croyait en Dieu lui-même. Il ignore par conséquent que notre comportement est à inventer à tout moment parce que nous sommes foncièrement des libertés en situation.

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[1] Université de Dschang, Cameroun

[2] Jean- Paul Sartre a écrit un roman intitulé : La mort dans l’âme, 1972.

[3] On pourra, à ce sujet, consulter Bernardi Bruno : 1999.

[4] Nous pensons notamment à Jürgen Habermas qui écrit à juste titre : « La philosophie, si elle doit être maintenue, doit penser l’effectivité, c’est-à-dire certains traits incontournables de la situation présente et ce, dans une démarche systématique. Elle n’aurait plus d’intérêt ni d’existence que celle d’une survivance universitaire, si elle devait se borner à un vain exercice de réflexion sur soi-même, s’appliquant aux objets de la tradition » (cité par Jacques Rivelaygue, 1992 : 479).

[5] En effet, le philosophe ne saurait guérir une société de ses plaies sans au préalable en dresser un diagnostic rigoureux, car « philosopher, c’est chercher, c’est impliquer qu’il y a des choses à voir et à dire » (Maurice Merleau-Ponty, 1960 :45). Comme le dit également Sartre (1948 :30), il n’y a pas d’attitude meilleure à adopter à l’égard de sa société à un moment donné de son évolution que celle qui consiste précisément à dénoncer objectivement ses maux pour proposer à tous des solutions adéquates. Le philosophe engagé doit « faire en sorte que nul ne puisse ignorer le monde et que nul ne s’en puisse dire innocent ». Il ne s’agit cependant pas pour lui, précise Sartre, de dénoncer en beaux styles les abus et les dérapages nocifs de sa société, ni de faire une brillante et négative psychologie de la classe gouvernante, mais de la sauver en proposant aux décideurs politiques des solutions révolutionnaires qui valorisent l’homme au double plan du droit et de la liberté, car Sartre est d’accord avec Francis Jeanson (1974 :226) lorsqu’il affirme : « Philosopher, c’est manifester quelque pouvoir de transformation de soi, c’est introduire dans le monde humain déjà valorisé par le fait de l’existence humaine, quelque valeur authentique qui ne se situe plus sur le plan du fait et de la spontanéité, mais sur celui du droit et de la liberté ».

[6] La société est à comprendre ici comme un tout absolu (E. Durkheim) qui n’accorde aucune marge de liberté à l’individu réduit à l’obéissance mécanique des lois auxquelles il est assujetti. Ainsi toute sa conduite doit être expliquée par le social et jamais par l’individuel comme c’est souvent le cas chez Max Weber.

[7] A propos de ces deux personnages (Hugo et Hoederer), Fosso affirme, à juste titre, que le premier apparaît comme le “signifiant de la morale narcissique” tandis que le second symbolise le “triomphe de la morale des résultats ; c’est-à-dire du réalisme et de l’efficacité” (2004:59).