Religion

LA RELIGIOSITE DES SEREER, AVANT ET PENDANT LEUR ISLAMISATION

Ethiopiques n°54

revue semestrielle

de culture négro-africaine

Nouvelle série volume 7

2e semestre 1991

Nous tenterons d’étudier la religiosité des Seereer, leur religion du terroir, la sacralité de la langue Seereer. Nous présenterons aussi une étude sommaire sur les croyances arabes préislamiques et les prénoms semites que l’on considère à tort comme des noms religieux. Tel est le thème que nous proposons à l’auditoire, tout en espérant apporter notre modeste contribution au dialogue spirituel entre l’Islam et la religion négro-africaine seereer.

Il n’est pas facile de traiter un tel sujet, en raison de l’absence d’un dialogue spirituel entre l’Islam et la religion traditionnelle des Seereer.

Si le terme « religiosité » exprime la dévotion ou l’attachement à une religion précise, il s’applique aux Seereer qui s’attachent jalousement à leurs valeurs traditionnelles et manifestent un intérêt limité à l’égard des religions venues de l’extérieur. Cependant, quelques individus adhèrent à ces religions et s’éloignent petit à petit de la religion du terroir.

Cette dernière est l’objet d’agression et de dénaturation de la part de certains musulmans, en vue d’en affaiblir l’impact dans les esprits. Dans ce cadre, les voisins Seereer leur attribuaient des noms et qualificatifs qu’ils inventaient de toutes pièces, pour tenter de prouver leur supériorité et celle de leur religion. Nous jugeons utile de citer quelques étymologies hasardeuses dont les Seereer ont été victimes.

  1. Le nom Seereer aurait dérivé du mot Wolof reer, qui signifie, être perdu, égaré. C’est-à-dire celui qui a refusé (le guide de) l’Islam. Rappelons que les Musulmans désignent la période anté-islamique par un terme négatif « Açrul jàhiliyi » : période de l’ignorance.
  2. Le nom Seereer viendrait de l’expression wolof seet reer, chercher une chose cachée ou perdue. Cette définition du nom Seereer a été inventée de toutes pièces par un marabout qui voulait montrer la supériorité de sa secte sur la religion traditionnelle seereer. Cette définition s’appuie sur une narration selon laquelle : « un jour, un animiste seereer, alla chez le marabout x… Le portier bëkk-néeg l’empêcha d’entrer dans la chambre. Ils se batirent jusqu’à ce que le Marabout entendît le bruit. Il dit au portier : « laisse le entrer, ce qu’il cherchait depuis longtemps est ici ».
  3. Une autre version prétend que le nom seereer viendrait du mot arabe sahir signifiant magicien ou celui qui pratique la magie. (Une allusion faite à la religion traditionnelle). Cette définition malveillante comme les précédentes est fondée sur le fait que le Seereer est réputé détenir un pou­voir occulte et mystique inexplicable.
  4. Enfin, une 4ème version racontée par certains Haal-pulaar laisse entendre que lors de l’invasion du Fuuta par les Arabo-berbères, les Seereer refusèrent d’embrasser la religion des conquérants étrangers. Les voisins Pul leur disaient : « Puisque vous avez refusé de vous convertir à l’Islam, nous allons nous séparer ici ». Selon cette légende, le nom Seereer dériverait donc du mot Pulaar : ceer ti ou seer de qui signifie : se séparer, répudier, rompre.

En examinant ces différentes versions, on se rend compte qu’elles se réfèrent toutes à la religion Musulmane. Il est fort possible que l’emploi du mot Séreer soit antérieur à l’apparition de l’Islam en Afrique noire. Celui-ci a joué un rôle important dans la division des Africains en des communautés croyantes et incroyantes. Le nom seereer serait lié à la religiosité du peuple qui le porte. Si l’on en croit C. Anta DIOP qui dit : « Le nom Sérère, signifie : celui qui détermine des Temples, en Egyptien. Le sens serait bien conforme à la ferveur religieuse des sérères qui sont, jusqu’ici, un des rares peuples du Sénégal non encore entièrement convertis à l’une des religions étrangères modernes »(Nat. Nég. et Cult. p. 246).

â fat Roog « ou la voie de Dieu ».

Quelle appellation peut-on donner à la religion traditionnelle seereer ? Après une longue réflexion sur le terme à utiliser pour désigner la religion seereer, nous avons finalement adopté celui de fat Roog, la voie de Dieu, qui semble bien exprimer le concept seereer de la religion. En effet, nous estimons que ceux qui croient à un même Dieu Suprême, aux mêmes esprits ancestraux (Pangool, Poonook), à la vie après la mort, et observent les mêmes pratiques rituelles, sont dans une voie qui mérite l’appellation de « Religion ». En observant attentivement les seereer, on se rend compte que toutes leurs activités reposent sur un concept religieux, très ancré dans leurs esprits. On ne peut pas faire une différenciation nette entre la chose sacrée et la chose profane en pays seereer. Pour eux, tout est sacré et religieux. Opiniâtrement attachés à la religion des ancêtres, les seereer refusaient de changer la vie sociale et religieuse héritée de leurs ancêtres, faisant tout leur possible pour empêcher la pénétration des religions étrangères dans leur pays. Ce n’est que récemment qu’ils furent superficiellement convertis à l’Islam ou au Christianisme.

Comme nous l’avons vu, les seereer désignent l’ensemble des croyances et des pratiques culturelles venant des anciens par le vocable fat Roog ou « le chemin de Dieu ». Cette appellation est aussi vieille que le monde. Parlant de concept de la voie de Dieu dans l’ancienne religion égyptienne, le Professeur S. Anis ASASSIOUTY explique : « La voie du bien en ce monde mène à la bonne voie dans l’autre. Les routes de l’au-delà sont pleines de dangers qui guettent le défunt, seule la bonne voie conduit au salut. Les textes des Sarcophages, deux mille ans av. J.c., abondent en citations. Ne guide pas la défunte sur une voie inconnue, ou une voie sinueuse qui fait des tours et des détours, guide-la sur la voie de Dieu. Montre-moi la voie au milieu des ténèbres, la voie du vigilant qui mène à l’île de joie. Celui qui connaît la voie ne périra jamais, il vivra des myriades et des myriades d’années »(Textes des Sarcophages, Faulkner, t, 1, Sp. 10, p.7 ; SpA 7, p. 47. Cité par S. Anis ASASSIOUTY. p. 285). Je me souviens bien, quand j’étais garçon, notre jeu préféré consistait à tracer deux spirales, l’une menait vers le paradis, l’autre en direction de l’enfer. Plus précisément la voie du salut et celle du mal. Cela me rappelle un verset du Coran qui dit : « Et nous lui avons indiqué deux voies » (cor. 90.v.1O). Dans son ouverture fàtiha et dans plusieurs versets, le Coran a cité la voie de Dieu : « Guide-nous dans le chemin droit, le chemin de ceux que tu as comblés de bienfaits » (cor. 1. v.5). La voie droite, tout comme dans la pensée religieuse des seereer fat Roog.

Bien que n’étant pas musulmans, les anciens seereer avaient des conceptions religieuses presque identiques à celles que nous retrouvons dans l’enseignement de l’Islam. Pour appuyer cette thèse, nous vous proposons quelques aspects de la voie divine que suivent les seereer comparés à des préceptes de l’Islam.

NOTION DE DIEU UNIQUE

L’observation attentive d’un seereer nous permet de dire que la religion occupe une place prépondérante dans sa vie. L’homme négro-africain seereer est un « animal spirituel ». Et sa religion traditionnelle a pour base principale la croyance en l’unicité de Dieu, c’est-à-dire de Roog SEEN. Dans la pensée des seereer, toute activité, toute opinion, comme toute croyance en un seul Dieu créateur : ROOG a Mbindaan Seen et en son messager Hamat SEEN. Le terme mbindaan Seen évoque un être suprême compris comme créateur et incrée : Celui qui a créé, qui a fait tout ce qui existe et n’a été créé par personne.

Les seereer emploient couramment des vocables qui indiquent, d’une façon précise, tel ou tel attribut de l’être suprême. Pour eux, Roog Seen n’a ni corps, ni demeure. Ils ne se font de lui aucune représentation iconographique ou sculpturale. Parmi ces vocables nous pouvons citer :

– Roog o Caaci’in Seen : Dieu notre ancêtre Azaliyun, Qadimun, Eternel, ancien. Comme disent les Musulmans.

– Roog Dangandeer Seen, Dieu Omniprésent A-daïmu .. al-bàqii (Le permanent).

– Roog o maak Seen : Dieu le grand Allahou al-kabirou, al azimou.

« Roog a yaal’in Seen » : Dieu notre Seigneur. Devenu musulman le seereer dira Rabboul àlamina, le Seigneur de la créature. Le seereer a pleine confiance en Dieu et il évoque constamment : a felangaa Roog (In cha’a Allah), s’il plait à Dieu. Il est celui qui empêche et celui qui favorise.

La volonté de Dieu Roog a bugan­gaan : Si Dieu le veut. Il s’en remet à Dieu lorsqu’il se sent menacé, comme l’illustte ce message tambouriné : « Dans une grande foule comme celle-ci, je ne trouve pas d’interlocuteur.

Je me remets à Dieu, oui, je me remets à Dieu seul ».

Cet énoncé tambouriné nous fait penser à ce verset qui abonde dans le même sens « Et si Dieu fait qu’un mal te touche, il n’est personne alors pour te l’écarter que lui. Et s’il te veut un bien, il n’est personne alors pour empêcher sa grâce » (cor. 10.V.I07).

Pour les seereer Roog Seen, Dieu suprême, n’est pas un génie ou une divinité quelconque, mais bien le Maître de la créature. Ils emploient des vocables très respectueux pour l’invoquer.

D’après la croyance seereer, Roog Seen est à la fois au dedans et au delà. Il est donc partout et nulle part. Comme l’illustrent ces attributs de Dieu Roog o yaal in Seen : Dieu notre Seigneur. Roog a yirmann Seen : Dieu le Clément. Pour évoquer la clémence divine, le seereer dira :

Ey Roog See : mon Dieu (terme de compassion). Pour jurer, il dira : Fa Roog a yaal in Seen par Dieu, notre Seigneur. Ndeer of fa Roog ? : Entre toi et Dieu. Il s’agit de demander une confirmation à quelqu’un dont on doute du bien fondé des déclarations.

– Attribution des phénomènes cosmiques à Roog

Dans la pensée religieuse des seereer, tous les phénomènes cosmiques sont de Dieu. L’homme Séreer attribue à Roog Seen de multiples épithètes et attributs qui le rendent responsable de la création du monde et de tous les phénomènes naturels de l’univers. Ces divers attributs sont mentionnés dans plusieurs textes de prières :

– Roog Seen « Dieu Tout-puissant.

Celui qui donne la force. Il est la source de la puissance ».

– Roog o mbindaam Seen : Dieu le Créateur.

– Roog o Dangangeer Seen : Dieu Omniprésent.

En effet, les seereer croient que Dieu se trouve à la fois partout et nulle part. Ils disent : Roog o yaal Batand Mudan, « Dieu le Seigneur du Levant et du Couchant. Converti à l’Islam, ils liront dans son livre saint ce verset » :

« Le Seigneur du Levant et du Couchant : point de Dieu, que lui ! Prends le donc comme garant »(cor. 73.V.9).

Les seereer attribuent le nord et le sud à Roog Seen et ils disent : Roog o yaal o ƃemb roog fo ƃemb roog : « Dieu Seigneur du Sud et du Nord ».

Le saint Coran emploie les mêmes termes : « Le Seigneur du Levant et du Couchant, et de ce qui est entre les deux, si vous comprenez »(Cor. 26.V.28).

Roog o Ndimaan Seen : « Dieu le donateur du fruit ».

Il n’est pas étonnant d’entendre les seereer désigner le Roog par le nom Ndimaan Seen : Celui qui donne le fruit ou celui qui fertilise la terre. Car ils sont essentiellement des cultivateurs fortement attachés à leur terre à laquelle ils rendent des cultes agraires, essentiellement adressée à Roog Seen. Comme nous l’avons vu, les seereer attribuent tous les actes des hommes à Dieu ; toutes les manifestations naturelles et surnaturelles proviennent de lui. Ils imputent à Roog Seen tous les phénomènes cosmiques et ils disent :

– Kuul naa Roog : le firmament de Dieu.

– Eel re Roog : le nuage de Dieu.

– fuud : le bruit de Dieu (tonnerre).

– Foof le Roog : l’eau de Dieu.

– ƃil Roog : la Pierre de Dieu (foudre)

– Ngeñ ne Roog : le vent de Dieu.

Pour eux, c’est Roog qui fait souffler le vent, c’est lui qui fait le jour Rooga feeda. C’est Dieu qui fait la nuit : Roog a Yenga. C’est lui qui fait descendre la pluie Roog a deƃa. C’est lui qui arrête la pluie Roog a simda.

Nous pourrions ainsi multiplier les exemples et montrer comment les animistes seereer associent à Dieu tous leurs actes quotidiens et lui attribuent tous le évènements qui se passent dans le monde.

Le Coran emploie le même langage : « Il enroule la nuit au jour, et enroule le jour à la nuit » (Cor. 39.V.5).

« Il fait que la nuit pénètre dans le jour et que le jour pénètre dans la nuit. Et il a assujetti le soleil et la lune à glisser chacun vers un terme dénommé » (Cor. 35.V.13).

Nous voyons ici clairement que le seereer animiste n’explique rien en dehors de Roog Seen ; ce qui nous permet d’affirmer qu’il n’y avait pas de place pour les mécréants ou les athées dans la société traditionnelle seereer.

SOUMISSION A LA VOLONTE DE ROOG SEEN

Pour les Séreer, la décision finale de tout acte revient à Roog Seen. On dit : Roog a jaƃanga : Si Dieu accepte. Roog a bugangaan : Si Dieu le veut.

Cette croyance est consolidée dans ce verset « Vous ne pouvez pas vouloir, cependant, à moins que Dieu ne veuille, le Seigneur des mondes ! » (Cor. 81.v.29).

Le seereer prend Roog comme témoin entre lui et son voisin ; c’est pourquoi, il a recours à lui chaque fois qu’il se trouve devant une situation difficile et dit : « quelqu’un a commis envers moi un acte ignoble sans que je lui aie fait le moindre tort ; je prie Dieu de nous juger » xan Roog a hate a in ou yaasam Roog a hate in, que Dieu nous juge.

Lorsqu’il se sent menacé, le seereer animiste s’en remet à Roog Seen et dit Roogoo, Roog, Roog Seen o ref o maad : « O Dieu Sauveur, sauve­moi, par ta puissance, tu es le seul Roi qui puisse sauver l’homme ».

Lorsque le seereer animiste se sera converti à l’Islam, Allah comme Roog Seen le départagera de ses adversaires. En effet, le Coran considère Allah comme le meilleur des juges :

– « Dieu n’est-il pas le meilleur des juges » (Cor. 95.v.8).

– « eh bien, endurez avec constance, jusqu’à ce que Dieu juge parmi nous ! il est le meilleur des Juges » (cor. 7.v.87).

Pour gagner la confiance de quelqu’un, le seereer dira à son interlocuteur : « je t’en prie, crois-en-Dieu, prête-moi 500 F jusqu’à demain ».

OÙ SE TROUVE ROOG SEEN

Si on demande à un seereer animiste où se trouve Roog Seen, il regarde tout d’abord le ciel et puis il pointe son doigt vers la voûte Céleste ; ce geste spontané laisse croire que ROOG se trouve probablement en haut. Cependant la conception seereer de l’être Suprême n’admet pas de le localiser ou de lui fixer une demeure.

Pour le seereer, Roog Seen n’a ni résidence, ni Siège fixe. C’est pourquoi, on ne peut pas dire en seereer A ndok Roog mdind Roog : la maison de Dieu. Attribuer une demeure à Dieu serait le localiser ou le situer. Or Dieu n’est pas localisable.

Cela n’empêche pas que le seereer situe généralement Roog Seen en haut comme l’indique cet Adage : Xuu soxlana Roog, fata fe toog Ndof Njang : (litt. Celui qui a besoin de Dieu, peut passer la nuit au sommet d’un rônier).

« Le Coran représente ALLAH remontant sur son trône Et il est, Lui, le Très Haut, le Très Grand » (Cor.2.v.255).

LE MESSAGER DE DIEU

La croyance au principe des missions divines et à l’idée de l’envoi des messagers en ce monde pour guider les hommes est bien attestée dans les conte les contextes sacrés des seereer. Ils désignent ce médiateur par le nom O Tunleer Roog, Messager de Dieu. Le messager le plus connu du monde seereer est Hamat SEEN. Qui est ce Hamat ? Est-ce le prophète de l’Arabie ou un prophète typiquement seereer ?

Il est fort possible que ce Hamat qu’invoquent les animistes seereer soit une déformation du nom MUHAMADU ou AHMADU, le prophète d’Arabie. Nous n’avons aucun argument solide nous permettant de confirmer ou d’infirmer ce point de vue. Nous ne connaissons rien de sa biographie, ni le lieu de sa naissance, ni l’époque. On a retrouvé seulement son nom mentionné dans les textes sacrés, prières, épopées et contes seereer.

Rappelons que les seereer n’invoquent Hamat SEEN, le messager de Roog SEEN que pendant la prière. La prophétie chez les seereer, n’étant pas législatrice, Hamat, le messager, n’a aucun ascendant sur les gens. Ce manque d’influence peut signifier aussi que ce messager était étranger à la société seereer. Il n’avait donc pas une mission divine et éternelle auprès des hommes.

Ce concept (religion sans intermédiaire) a un grand mérite. Car l’homme seereer a fait des efforts personnels pour découvrir et connaître son dieu. Mais Dieu ne s’est pas présenté à lui sous forme de révélation personnalisée et motivée.

Les adeptes des trois religions dites révélées (Judaïsme, Christianisme et Islam) se considèrent comme des peuples élus, possédant des livres sacrés « descendus du ciel », révélés à des élus nommés « Prophètes » ou « hommes parfaits » ou « Messagers de Dieu ». D’après eux, ces livres saints, règlent tous les problèmes de vie en ce monde et guident les fidèles sur la voie vers l’autre monde. Ils se croient autorisés par Dieu à faire des guerres sanglantes pour convertir les autres peuples.

Bien que les Africains ne soient pas considérés comme « des peuples des livres » (Ahlul-Kitàb), ils possèdent une quantité énorme de textes sacrés, qui ne sont pas moins importants que ceux que nous trouvons dans les livres saints venant de l’Orient.

Les seereer ont un grand nombre de textes sacrés, qui sont les chants initiatiques qu’ils transmettent de géné­ration en génération. A travers ces textes sacrés négro-africains, nous voyons clairement que les anciens see­reer n’ignoraient pas les principes énoncés par le prophète de l’Islam.

Avant la pénétration de l’Islam en pays seereer, nos ancêtres ne recon­naissaient qu’un seul dieu et ne faisaient recours à une divinité autre que Roog Seen. Les questions soulevées par le prophète MOHAMMED avaient déjà trouvé des solutions identiques à celles que le prophète d’Arabie proposait aux Arabes. A cette époque, les seereer disaient : Roog o leng kut oo (litt. Dieu est unique).

Si Mohamed (p.s.!.) s’adressait à Ngoor SEEN ou à Mosaan JUUF en ces termes : « Dieu est un seul dieu » (Cor. 4.v.171) « C’est un dieu tel qu’il n’y a de dieu que lui, le connaisseur de l’invisible » (Cor. 59. V. 22), ils ne seraient certainement pas étonnés, comme le furent les Arabes du désert, qui disaient : « C’est un magicien, un grand menteur. Réduira-t-il, les dieux à un Seul dieu ? Voilà bien une chose étonnante, vraiment ! » (Cor. 38.v.4-5). Ce qui était étonnant chez les arabes ne l’était pas chez les Pangolistes.

NOTION DE PANGOOL.

Pour expliquer la différence entre les Pangool seereer et les divinités arabes préislamiques, nous présentons ici quelque traits de la notion de Pangool chez les seereer, suivi d’un exposé sommaire sur les idoles arabes préislamiques, et la réforme apportée par le prophète.

Une analyse attentive de la notion de Pangol chez les seereer, nous permet de dire que celui-ci occupe l’une des faces de la Pyramide triangulaire de la pensée religieuse des seereer ;

1) Roog Seen

2)Hamat Seen o Tunleev um

3)3) les Pangool.

A ce propos, les seereer disent dans leurs invocations : Roog fo Tunleer um.

Hamat, fo Pangool ke. Ce qui signifie littéralement : « Au nom de Dieu, de son messager Hamat et des Pangool » (Esprits des ancêtres). On a avancé plusieurs définitions du mot Pangool. Nous pouvons en citer :

1) Le Pangool est un mot composé de deux éléments. Il s’agit, premièrement, du mot fang qui veut dire : bout de bois ou souche d’un arbre et, deuxièmement, Ngol, une espèce très dure qui résiste à l’action des termites max et aux agents destructeurs.

2) Une autre version laisse entendre que le mot Pangool est un pluriel du Fangool qui désigne un serpent. Précisons que les génies de certains sanctuaires sont des serpents, Fangool, différent du serpent d’herbe appelé pood, rampant. En effet, les seereer croient que certains morts surdoués réssuscitent sous forme de serpent, afin d’apporter secours et protection aux membres de leur clan encore vivants.

3) Une troisième version, qui nous semble la plus plausible, explique le mot Pangool à partir du mot Fang qui signifie « Protéger ». Donc les Pangool sont les protecteurs des descendants de chaque fondateur de l’autel.

De plus, ils servent de trait d’union entre les morts et les vivants d’une part, et entre ces derniers et Roog Seen d’autre part. Le Pangool symbolise ainsi la permanence du contact spirituel entre les vivants et les morts. Et le lieu où il est implanté est l’endroit privilégié où se rend le fidèle seereer pour entrer en commerce spirituel tant avec Dieu qu’avec les es­prits sanctifiés des anciens défunts.

Les échanges spirituels entre les vivants et les morts, dont nous venons de parler ci-dessus, se pratiquent, entre autres, par des prières et autres chants initiatiques, dont nous donnons ici un spécimen caractéristique :

« Ô Circoncis,

Circoncis de Maa yaay (village ?),

Ô circoncis NJAAY.

Le Circoncis s’appuie sur le Selbe (maître Instructeur).

Le Selbe s’appuie sur le Kumax (Grand Maître).

Le Kumax s’appuie sur le roi (le guide de la communauté).

Le roi s’appuie sur le Pangool (Esprits des Ancêtres).

Le Pangool s’appuie sur Roog (Dieu)

pour que Dieu nous protège ».

On voit ici que l’homme seereer passe par ses ancêtres pour accéder au dieu. Bien qu’une partie des musulmans rejette la hiérarchisation spirituelle en Islam, celle-ci existe bel et bien dans la pensée religieuse des musulmans. Cette hiérarchisation se trouve dans l’expression « Allahu-Jibrîlu­Mohamadu » (Dieu, l’envoyeur, l’ange Gabriel, l’envoyé (médiateur), Mohamadou, le messager de Dieu auprès des hommes .

L’Islam soufiste ajoute un quatrième médiateur (waliyu, saint) ou homme de Dieu. Pour cette tendance : « Les hommes de Dieu ne sont pas Dieu lui-même ; cependant ils ne sont pas séparables de Dieu »(H. COR­BIN. p. 147).

Il faut préciser que l’Archange Gabriel (homme de Dieu) a joué un rôle important dans la révélation islamique. Il fut le médiateur entre Dieu et son prophète. Il apparaissait à l’improviste et sous des formes variées :

Voyageur étranger, homme aisé ou misérable, voix mystérieuse accessible au seul Prophète.

Ces signes caractéristiques nous rappellent les traits distinctifs d’un MaƋag seereer qui reçoit souvent, un visiteur nocturne semblable au médiateur que nous venons de décrire. Signalons enfin que l’angélogie est venue en pays seereer avec les religions révélées.

LES FORCES SECONDAIRES

Les seereer croient en l’existence des forces secondaires qui peuplent la planète sur laquelle nous vivons. Ces êtres invisibles sont multiples ; nous pouvons citer les Cini, les Kuus, les Sorciers, les âmes réprouvées, les mauvais esprits, et le serpent téléguidé Njamboñ, Jaw.

Il paraît que le mot Jini serait d’origine arabe, signifiant celui qui a la possibilité de paraître ou de disparaître sans laisser de trace. Les anciens seereer désignaient le jini sous le nom de Saa-saay.

Le Saa-saay ou Saay-saay viendrait du mot saay qui veut dire « disparaître sans laisser de trace ». Le sens actuel de ce terme Saay-saay est « pervers, malfaisant ». Pour l’Abbé Jacques SECK, le terme say signifie en Seereer (et en wolof) être furieux, enragé ; et saay signifie « mauvais ».

Aux yeux des seereer, les Jini ou génies de la brousse sont en général méchants pour l’homme. Mais certains d’entre eux sont bons.

Les seereer invoquent souvent les jini et les Kuus dans leurs prières incantatoires individuelles, qui servent pour la protection personnelle.

L’invocation des Jini vient toujours après celle de Roog Seen, de son messager Hamat Seen et des Pangool. Ce qui signifie implicitement que le jini occupe la 4ème place dans les croyances populaires.

Si on examine sérieusement les textes sacrés dont nous disposons, on verra que les prières provenant des villages limitrophes des zones longtemps islamisées donnent plus d’importance au culte des jini que ceux recueillis dans des secteurs éloignés des régions fortement islamisées.

Ce qui nous porte à croire que l’influence du mysticisme arabo-musulman est patente dans certains textes négro-africains modernes. Il faut préciser enfin que la plupart des prières qui invoquent les noms des Jini ont été recueillies auprès des divins guérisseurs dont les pratiques curatives ne sont pas forcément puisées de la religion traditionnelle.

La littérature arabo-musulmane est pleine de légendes et de récits fantastiques sur les Jini. L’arabe, par exemple, croyait que les collines et les vallées étaient habitées par des jini ; lorsqu’il y passait, il se bouchait le nez et la bouche pour empêcher les jini de s’insinuer dans son corps.

L’histoire rapporte que « Quand un Arabe en voyage arrivait dans une vallée pour camper et y passer la nuit, il disait : « Je me mets sous la protection du djinn, maître de cette vallée (afin qu’il me protège) cette nuit du mal qui peut s’y produire » (Ibn HIS­HAM, 131).

Le Coran n’a pas refusé l’existence des jini, il a mentionné dans plusieurs versets le nom jini : « Et le jour où il les rasssemblera tous : « Troupe de djinns ! vous avez beaucoup abusé des hommes ! » (cor.6.v.128).

« Entrez dans le feu, dira Dieu, parmi les djinns et les hommes de communautés révolues déjà avant vous » (cor.7.v.38).

Cette croyance en l’existence des djinns qui part de la tradition arabe réconfortée par la prophétie, est mise davantage en relief par le théologien hanbalite, Ibn TAYMIYA, défenseur infatigable de l’Islam « pur » et « dur » qui dit à propos des djinns : « Il n’existe point de divergence entre les musulmans quant à leur existence et tous les croyants la reconnaissent ; car, un tel fait découle nécessairement de ce qui est dit périodiquement dans les récits des prophéties bibliques et que personne n’ignore. Seuls quelques philosophes ignorants vont jusqu’à le nier ».

En dépit des efforts déployés par le prophète, les superstitions préislamiques, celles-ci subsistent toujours chez les musulmans et notamment chez les musulmans sémiko-arabes.

LES CROYANCES ARABES PREISLAMIQUES

Il serait une grosse erreur de la part des érudits de l’Islam de vouloir expliquer les valeurs spirituelles négro-africaines à partir des croyances et pratiques arabes préislamiques. Car, le contexte socio-culturel n’est pas le même.

Il paraît nécessaire donc de présenter ici quelques croyances sémitiques préislamiques, pour montrer la différence entre celles-ci et les croyances négro-africaines seereer d’avant la pénétration arabo-berbère.

Pour mieux comprendre la religion arabe anté-islamique, nous présentons brièvement quelques tendances :

  1. a) La grande majorité niait l’existence d’un Dieu Créateur et la vie après la mort. Pour eux, la vie se termine avec la mort. L’attestation de ces idées se trouve dans le Coran : « Et ils disent : « il n’existe pour nous qu’une vie, la présente : nous mourrons et nous vivons, et seul le temps passant dahr nous tue » (cor.45.v.24).
  2. b) Une autre tendance admettait l’existence d’un dieu entouré de ses filles (Déesses), ou divinités secondaires. Cette croyance est basée sur l’existence d’un dieu unique entouré de trois déesses, capable d’invervenir auprès d’Allah, en tant que banàt Allah (filles de Dieu). Elles étaient avec Allah dans un rapport cordial.

Ce sont ceux qui associent à Dieu une autre divinité almuchrikun. Cette croyance est exprimée clairement dans un poème des Aws Ibn HAJAR, prenant la Déesse alLàt à témoin et dit :

Ce qui peut se rendre :

« Par al-Làt, par al-Uzza et par leurs fidèles ; par Allah Dieu est plus grand qu’elles… »

Le poète jure par les déesses et par leurs fidèles, et Allah est le plus grand de tous. Le Coran a fustigé ces croyances associatrices « Pose-leur donc la question : Quoi ! ton Seigneur aurait des filles, et eux des fils ? » (cor.37.v.57).

« Et ils assignent à Dieu des filles, pureté à Lui ! – et à eux-mêmes, cependant, ce qu’ils désirent » (cor.16.v.57). « Ou Dieu aura-t-il des filles, tandis que vous, des fils ? ».

  1. c) Une partie des arabes n’admettait ni la résurection ni la vie future.

Comme en témoigne le Coran « Ils disent : « Quoi ! quand nous serons morts et que nous serons poussière et ossements, serons-nous réssucités ?

Très certainement c’est ce qu’on nous promet, comme on l’a fait auparavant à nos ancêtres : ce ne sont que contes d’anciens » (cor.23.v.83). « Et ils disent : Il n’y a pour nous que cette présente vie ; et nous ne serons pas ressuscités » (cor.6.v.29).

  1. d) Les principales divinités arabes préislamiques ?

La réponse à cette question nécessite une étude même sommaire, sur la vie religieuse dans la presqu’île arabe avant l’avènement de l’Islam.

La majorité écrasante des Arabes adoraient des idoles sous forme d’hommes, symbolisant ainsi Dieu.

D’après la tradition, Oumar Ben RABI’A, surnommé ABOU GHAZA’A, fut le premier qui a élevé des idoles pour les arabes. Puis chaque tribu avait sa propre divinité à qui elle rendait un culte.

– La tribu de Kilab adorait Wadd qui se trouvait à Dowmak-al-Jandal (en Arabie du Nord). Il avait la forme d’un grand homme vêtu de deux habits, muni d’une épée et d’un arc. Celle de Huzeyl, avait une divinité appelée Suwâ’a. La tribu de Muchaj adorait une divinité connue sous le nom de Yaghuth ; quant à la tribu de Hamdàn, elle adorait une divinité nommée (Ya’ug) ; celle de Hiyar vénérait Nasr, Dieu-vautour.

La grande tribu de Quraysh avait placé dans l’enceinte de la Ka’ba plusieurs divinités (360), Hubal était placé au milieu de ces multiples dieux.

Il était fabriqué avec des pierres précieuses en velours rouge, sous forme d’un homme géant dont le bras droit était fracturé. Les fidèles lui avaient fabriqué un bras en or. La plupart des divinités arabes avaient des formes humaines.

Les divinités les plus importantes étaient les trois déesses de l’Arabie Centrale : Mànàt (Destin), Allat (Féminin d’Allah) et Al-Uzza (La puissante) Féminin d’Al-Azziz). Considérées comme « les filles d’Allah », elles jouissaient d’une telle vénération qu’au début de la prédication, le prophète lui-même a été amené à attester comme capacité d’impression auprès d’Allah.

D’après les témoignages les plus anciens, les arabes juraient par Uzza, « la puissante ». Comme l’illustre ce vers de Dirham Ibn ZAYD al-A WSI :

« Je jure par le Seigneur de la Uzza bien heureuse et par le dieu dont le temple est près de Sarif » (Dieu non identifié). La tradition rapporte qu’un jour, Mohamed célébrait son office à haute voix et en public. Lorsqu’il récita les versets 21-22, Satan, derrière, fit entendre au public ce qui suit : « Ce sont des grues élevées (et êtres célestes). Leur intercession est bien à espérer », (voir comm. de MUHAMMAD HAMIDULLAH. p. 701). Les anciens Arabes avaient aussi des pierres dressées (Nusub), autour desquelles ils faisaient des circommenbulutions et auxquelles ils offraient des sacrifices sanglants.

Nous voyons ainsi qu’il y avait une grande confusion religieuse au sein de la société arabe pré-islamique. A côté de multiples divinités et idoles, les croyances judéo-chrétiennes étaient très répandues dans la presqu’île d’Arabie.

  1. CHALHOD n’a-t-il pas raison de dire :

« Ce qui caractérise le paganisme arabe anté-islamique, c’est l’incohérence des conceptions religieuses. Le culte de la Kaba et de ses idôles n’était pas exclusif. On y trouvait, côte à côte, un sabéisme doublé d’un monothéisme assez lâche, une idôlatrie en relation avec le culte des esprits et des ancêtres, l’adoration des forces de la nature alliée à un ptichisme décadent… Le tout pénétré de superstitions grossières » (Les sacrifices chez les Arabes p. 93).

L’apport du Christianisme à la formation de l’Islam est évident. D’après As-ASSIOUTY : « Deux communautés chrétiennes entraient en contact avec MUHAMMAD : celle de Najràn, à la trinité Isiaque (Père, mère, fils : Allah, Marie, Jésus), et celle de y àmàma où le nom de Dieu se révèle le Clément (Ar-Rahmàn) ». (Supra, note 476-515. Cité par ASASSIOUTY. p.204).

Ces différentes prédications avaient tellement marqué la poésie arabe préislamique, que le Prophète disait à propos d’un vers de LABID : (661-560) : La plus véridique parole qu’un poète ait dit est celle de LABID : Ce qui peut se traduire à peu près :

« En vérité, tout ce qui n’est pas Dieu est nul. Et tout bonheur dispa­raîtra sans doute ».

Il n’est pas exact de dire que les anciens Arabes ignoraient totalement l’existence de Dieu. Car l’emploi de « son nom propre » Allah, dans leurs poèmes prouve le contraire ; Mais seulement ils l’associaient à d’autres divinités.

Voilà un aperçu sommaire sur les conceptions religieuses des anciens arabes que certains s’évertuent à assimiler à la religion traditionnelle seereer. Or, il serait plus juste de comparer celle-ci à la religion musulmane afin que l’on puisse connaître les points de divergences et de convergence entre les deux religions. Une telle démarche nous permettra de montrer que les valeurs négro-africaines traditionnelles supportent la comparaison avec les valeurs islamiques.

L’AVENEMENT DE L’ISLAM

L’Islam est l’une des trois religions universelles dites « révélées ». Né à la Mecque entre 590 et 610, Mohamed faisait des « retraites spirituelles » dans des cavernes et autres lieux solitaires, hors de la ville. Un jour alors que Mohamed méditait dans la grotte (Gharde-HIRA’I) où il accomplissait sa retraite habituelle, l’Ange Gabriel (messager de Dieu) vint à lui, et lui ordonna : Iqra : « récite ». Comme il ne savait ni lire ni écrire, il lui demanda : « que dois-je lire ? « Alors l’Ange lui répondit : « Lis » (c’est-à­dire : récite, prêche) au nom de ton Seigneur qui a créé l’homme d’un caillot de sang. Prêche, car ton Dieu est le plus généreux, lui qui a instruit l’homme du moyen de la plume et lui a enseigné ce qu’il ignorait ». (cor.34.v.28).

Voilà le début de la naissance d’une religion clanique (« Et avertis ton clan le plus proche » (cor.26.v.214), devenue universelle « Et nous ne t’avons envoyé que comme annonciateur et avertisseur pour la totalité des gens » (cor.34.v.28).

La connaissance de la période préislamique peut apporter une contribution utile à l’étude de l’Islam. C’est pour cette raison que nous présentons sommairement les principales sources de la jurisprudence musulmane.

Les sources les plus impoçtantes sont :

1) Le Coran (en arabe : al Qor’àn), « La prédication » appelé aussi Kitàbu Allah : Livre de Dieu. Les fidèles sont des gens de livre « Ahl-al-Kîtàb ». Ce livre a été révélé au Prophète par l’intermédiaire de l’Ange Gabriel. Les Musulmans se réfèrent à ce livre avant toute autre source.

2) La sunna : conduite ou tradition, basée sur l’activité et les paroles du prophète (p.s.l.). Estimé à 750.000 « dires » plus ou moins constestés.

3) L’IJMA ou consensus des Théologiens ayant une connaissance profonde de la langue arabe et de la Chari’a.

4) L’IJTIHAD ou réflexion personnelle canomique et de la Sunna.

5) Al-Qiyàs ou le raisonnement analogique, basé sur les autres sources citées.

6) Al-Urf, les Coutumes (arabes bien sûr).

Le Urf constitue la base fondamentale de toutes les autres sources.

En dépit des efforts déployés pour enrayer certaines coutumes et pratiques anté-islamiques ou en contourner le sens, celles-ci subsistent toujours et occupent une place de choix dans le droit canon musulman (fiqh).

LES PRINCIPES DE L’ISLAM

  1. Généralités

L’Islam est basé sur les principes es­sentiels que voici :

– Attester qu’il n’y a pas d’autre divinité qu’Allah. Et que Mohamed est un envoyé de Dieu, et croire que tous les prophètes qui l’ont précédé sont également envoyés par Dieu. Comme Aboul Alal-MAODOUD l’a bien précisé :

« Nous devons positivement croire en ceux des prophètes dont les noms ont été mentionnés dans le Coran : « il en est dont nous t’avons fait récit et il en est d’autre dont nous ne t’avons pas fait récit ». Pour les autres, nous devons croire que les prophètes envoyés par Dieu pour guider l’humanité étaient véridiques. Ainsi nous croyons en tous les prophètes suscités en Inde, en Chine, en Perse, en Egypte, en Afrique, en Europe et dans tous les pays du monde » (Comprendre l’Islam, p. 108).

  1. Faire la prière à la manière musulmane

La prière est un élément indispensable de toute religion. C’est pourquoi, comme dans l’Islam, nous la trouvons dans toutes les religions dumonde. Elle n’a pas de forme fixe, et varie selon les religions. On sait que la prière va de la simple invocation au long hymne ou discours.

Il importe de préciser que la prière musulmane, rituelle ou facultative dite en arabe, n’est rien d’autre qu’une demande adressée à Allah par le fidèle. Rituelle, c’est une adoration faite de gestes et d’expression définis canoniquement.

Le Coran demande aux musulmans d’accomplir la prière prescrite : « Dieu, c’est moi. Il n’y a de Dieu que moi. Servez-moi donc et assurez-moi le culte pour mon invocation »(cor.20.v.14).

Le fidèle se livre à Dieu corps et âme, sollicite son aide pour la purification de son âme et s’en remet totalement à lui. Cette manière de s’adresser à Dieu se trouve partout. Même si la forme est différente, l’esprit en est toujours le même.

Le seereer lui aussi adresse directement ses prières à Roog Seen par l’entremise de Pangool, simple lieu privilégié de médiation. En guise de comparaison, nous proposons à votre examen un texte sacré négro-africain seereer, et un autre tiré du Saint-Coran.

D’abord, cette prière que le célèbre Madag (surdoué, waliyu) le Saltigué Laba JEEN NGOM) de Ƃoof (environ de Jaxaaw « Siin ») prononçait à l’approche de l’hivernage ou en période de sécheresse persistante :

« Roog o yaal’in Seen.

Dieu, notre Maître.

Dieu, le créateur.

C’est vous qui êtes roi des rois.

Tout ce qui est élu,

C’est vous qui l’avez élu.

Tout ce que chacun possède,

C’est vous qui le lui avez donné.

Tout ce dont nous sommes privés,

C’est vous qui nous en avez privés,

C’est vous qui avez créé le monde,

C’est vous qui avez créé tous les êtres,

Mais, vous, personne ne vous a créé,

C’est vous qui avez créé l’Univers, de haut en bas.

C’est vous qui avez créé les nuages porteurs de pluie.

Nous vous demandons une averse de paix,

qui nous apportera la fertilité,

qui nous donnera beaucoup de mil,

pour que nous puissions manger en paix.

Nous et notre famille. Amiin Roog Seen ! »

Le texte Coranique qui suit est celui du verset 26 de la Sourate (4) (famille d’Imran) :

« Dis : .. Ô Dieu, Maître de la Royauté,

Tu donnes la royauté à qui tu veux,

et tu arraches la royauté de qui tu veux.

Tu honores qui tu veux et tu humilies qui tu veux.

Le bien est en ta main.

Oui, Tu es capable de tout »

LES FORMES DES PRIERES SEEREER

Les incantations rituelles connues sous divers noms Jat, Leemax, Tak, Moc, Moos, Lug, sont généralement des prières individuelles que l’on récite pour écarter les puissances maléfiques ou obtenir des biens.

Contrairement aux prières agraires, les formules magico-religieuses, sont souvent intraduisibles. Un simple regard sur ces textes nous permet de constater que ce sont des textes mal composés et incohérents. Ce sont les prières qui invoquent fréquemment les forces secondaires jini et autres créatures nuisibles.

Quant aux mots arabes que l’on trouve dans certains textes sacrés, ils y seraient introduits par les premiers convertis à l’Islam. Certains devins­guérisseurs prétendent avoir reçu ces Jat des Lutins et des Jini islamisés.

Le Père H. GRAVRAND insiste sur l’ancienneté de l’influence islamique sur les religions africaines : « … l’influence de l’Islam est ancienne et importante, dans le domaine de la religion et de la vie sociale, même dans les ethnies qui ont lutté contre l’Islam pendant plusieurs siècles » [Pangool.p.174].

L’assiduité dans la prière

L’homme seereer adresse constamment ses prières à Roog Seen. De la naissance à la mort, du matin au soir, il prie et implore la puissance de Dieu.

Lorsqu’un enfant est mis au monde, il est posé à terre, la tante paternelle faap o tew ramasse l’enfant et le présente à Roog Seen :

Petit Bébé,

Regarde Roog Seen

C’est lui qui se trouve à l’Est,

C’est lui qui se trouve à l’Ouest,

Regarde Roog Seen,

C’est lui qui est à gauche,

C’est lui qui est à droite.

La présentation de l’enfant à Roog Seen signifie alors le premier contact du nouveau né avec celui qui l’a créé. Des prières seront dites à l’occasion de chaque rite de passage [naissance, sevrage, circoncision, mariage, mort, etc].

Les travaux champêtres s’accompagnent toujours de prières. En mettant les graines dans le poquet, le Seereer animiste prononce cette prière :

Jam oo !             Ô la Paix !

Jam gari !           Paix, viens ici.

Pariy wati !        Mal, va-t-en.

Après avoir mis 4 poignées de graines dans le premier poquet, le yaal Mbind termine sa prière :

« Ce mil que nous semons cette année, que nous le semions en paix et le moissonions en paix ».

La paix qu’appelle ici le prêtre semeur, c’est l’abondance du mil. Le mal qu’il chasse n’est rien d’autre que la disette.

Lorsque le Seereer foule son mil, il adresse à Dieu la prière suivante. Que Dieu bénisse ce mil. Et qu’il donne à la famille bonne santé, afin qu’elle puisse manger le mil en paix.

Avant d’avaler la première bouchée, le Seereer Seen dira : Yaasam Roog a fi teen jam : Que Dieu y mette la paix.

Pour boire il dira : Foofi jam : O l’eau, la paix !

Avant d’égorger un animal, le Seereer pangoliste prend congé de Dieu et lui demande le pardon : « Roog waasanaam njapil ne » : Dieu pardonne­moi le couteau. Converti à l’Islam, le même Seereer dira au moment de couper la gorge d’un animal « Au nom de Dieu » ou « Louange à Dieu ». La seule différence est que l’animiste demande le pardon d’avoir supprimé la vie de quelqu’un qui ne lui appartient pas. Tandis que le musulman loue et remercie Dieu d’avoir accompli un acte rituel.

Avant de plonger dans une eau profonde, le Seereer ramasse un caillou sur lequel il récite cette prière :

« Pff !…

Ô rivière,

Si la paix est dans tes eaux,

qu’elle m’accompagne toujours,

si le malheur est dans tes eaux,

qu’il parte,

avant que je ne plonge en ton sein !

Que le malheur s’en aille,

Je veux me laver en paix ! »

Et puis, il jette le caillou dans l’eau et plonge en profondeur pour se laver tranquillement.

PRIERE DE L’ETERNUEMENT [a tisax]

Lorsque quelqu’un éternue, celui qui l’a entendu dira : Yaasam o ñoow fa jam : Que Dieu te donne la paix et une longue vie !

Lorsque l’éternuement a eu lieu à l’occasion d’une cérémonie de deuil, l’homme qui se trouve près de celui qui a éternué ajoutera : Ke bisna in mee ta gij : Et que ce qui nous conduit ici ne se reproduise pas de sitôt.

L’expression de souhait selon l’Islam

Lorsqu’un musulman éternue, il doit dire : Al-Hamdulilahi : Louange à Dieu. Celui qui l’a entendu lui dira : Yarhamuka Allah : « Que Dieu ait pitié de toi. Celui qui a éternué lui dira à son tour : Que Dieu te guide, te purifie et te pardonne » [Muqqadimatul Izziya, p. 171].

LES PRIERES DU SOIR

S’il veut se coucher, le seereer pangoliste murmure des prières comme celles-ci :

1 – Tu…

Xaana bugaam fi lang, fat ô yaal ma ref lang : celui qui veut me faire terre, qu’il soit terre !

2 – wonwaam a Lang, xakandoox bil, xulu a Roog, Hamat fo cini ndeeraam ! « Ce qui peut se rendre approximativement : Je me suis couché par terre,

Hamat et Djinns m’entourent ! »

LES PRIERES DU MATIN

Comme nous l’avons dit, du matin au soir, le Seereer prie et se met sous la protection de Dieu. Précisons que la plupart des prières de protection ne sont pas adressées directement à Roog Seen, mais au soleil qui symbolise la puissance de Dieu.

Ce fait est interprété par le Père GRAVRAND, comme la survivance d’un Culte de Soleil : « Dans les prières Seereer les plus anciennes et les plus secrètes, il apparaît des traces d’un Culte du soleil » [Pangool.p.164].

Nous ne possédons pas des renseignements nous permettant de confirmer ou d’infirmer cette interprétation. Seulement, nous savons que les paysans arrêtent leurs travaux champêtres lorsqu’ils voient apparaître à l’horizon les rayons du soleil.

En voici quelques exemples :

1 – Jaañaak,

Goor no Goor we,

xaay wataa.

Oxu waageerna o fañit njeeĉ ne a wat baa waaganaam tig.

Ce qui peut se traduire à peu près ainsi :

L’homme parmi les hommes,

sort dignement.

Celui qui ne peut pas empêcher le Soleil de sortir

Qu’il n’ait pas pouvoir sur moi !

2 – Njeeĉ Gulwar,

Oxuu waageerna yaqan o wat,

waageer yaqan o mud,

baa waag na mi tig

Ce qui peut se rendre à peu près ainsi :

O Soleil,

Toi qui ne tardes pas, fidèle au rendez­vous.

Celui qui ne peut pas t’empêcher de sortir,

ni de te coucher,

qu’il n’ait pas pouvoir sur moi !

Bien que le Coran ait interdit la prière adressée au soleil ou à la lune [« … ne vous prosternez ni pour le soleil ni pour la lune, mais prosternez­vous pour Dieu qui les a créés, si c’est vraiment lui que vous adorez » [cor.41.v.37]], le soleil et certains astres paraissent avoir de tout temps joué un grand rôle dans les pratiques mystiques musulmanes.

PRIERE POUR SE VETIR

Avant de porter un habit neuf, le Seereer pangoliste chuchotera la prière suivante :

Roog o yaal in Seen,

na ata nof,

Wo ci’axam ndoki ne.

Ee naayaaxoong

ba naayataam.

Ce qui signifie :

Dieu, notre Seigneur,

C’est par ta puissance, que tu m’as donné cet habit.

Toi, l’habit, je t’ai monté et que tu ne me montes jamais.

PRIERE DU VOYAGEUR

Lorsqu’un Seereer s’apprête à sortir pour effectuer un voyage, il doit, avant de quitter la maison, dire la prière suivante :

Ee ponu ken daabaa ban daawin ; ba jafes a dak ma.

Ke na daabaxam, bara daawaam :

Approximativement :

Ah ! Que je n’attrape pas le malheur qui se trouverait devant moi, et que mes pieds n’y marchent pas.

Que le malheur qui me suit ne me rejoigne pas.

 

Pour manger ou boire, le Seereer pangolistedira : Yaasam Roog a fi teen jam : Que Dieu y mette la paix.

L’homme qui adressait constamment ses implorations à Roog SEEN, à sa mort, on priera pour lui en ces termes :

Que Dieu ait pitié de lui !

Nous demandons à Dieu, notre seigneur, de te donner la paix.

Quant au mort,

nous prions Dieu de te protéger.

Qu’une poule blanche [bonheur] marche devant lui, qu’une poule blanche marche derrière lui

Par la bénédiction de Dieu,

et de Son messager Hamat. Amiin !

Est-il normal de condamner cette attitude de religiosité de l’homme Seereer ?

Il est insensé de considérer ce comportement religieux comme un acte satanique. Rien n’est plus étonnant que de voir certains musulmans mépriser les pratiques rituelles négro-africaines sous prétexte de la supériorité exclusive de leur religion. Alors que le Saint Coran affirme que toute la créature [des vivants aux inanimés], loue et glorifie la grandeur de Dieu :

« Les sept cieux et la terre, – et ceux qui s’y trouvent, – exaltent la pureté ! Et il n’est chose aucune qui ne l’exalte, chante, pureté en le louant. Mais vous ne comprenez pas le mode de leur chant » [cor. 17. V. 44].

3 – ZAKAT OU L’AUMÔNE LEGALE

La Zakat est un prélèvement obligatoire d’une partie du revenu légal d’un musulman majeur et sain, au profit des pauvres. Il paraît que la Zakat était une réaction contre l’exploitation des pauvres par les riches. L’imposition de la dîme était une grande révolution en son temps. Dans une société inégalitaire comme celle d’Arabie, il était impensable de distribuer les biens des riches aux pauvres et aux esclaves exploités. Telle situation n’existait pas semble-t-il chez les anciens Seereer, qui cultivaient et consommaient le produit de la culture en commun ; de telle sorte qu’il n’y avait pas des parasites ou des déchets humains dépendant des éléments producteurs. En application judicieuse de cet adage :

Ngaaf o leng jigeeran, fop oo jigun : le mil n’appartient à personne, il est à tout le monde, le paysan seereer partageait sa récolte avec ceux qui n’en avaient pas assez. De la moisson à l’épuisement du grenier de réserve [Ndao Ndiigir), il donnait à chaque visiteuse nécessiteuse une portion de mil « la part de celui qui a vu » ou « droit de l’œil ».

Au temps des anciens, un paysan pouvait vivre aisément même s’il n’avait pas derrière sa case un silo rempli de mil. Il était sûr que sa nourriture serait assurée par ceux qui avalent des greniers pleins. Certains chefs de carrés réservaient un grenier spécial à ceux qui n’avaient pas la chance d’en avoir.

Les pratiques ancestrales que nous veons de citer ne sont certainement pas en opposition avec les dispositions du Saint Coran : « Accomplissez la prière, donnez l’aumône [Zakar]… » [Cor. 11. v. 40]. « Prends sur leurs biens un impôt par quoi tu les purifies et les purges » [Cor. 9 v. 103]… « et dans leurs biens, le demandeur et le déshérité ont un droit » [Cor. 51. V. 18]. « Ce n’est pas charité que de tourner vos visages vers l’Orient ou l’Occident. Mais c’est charité, oui, que de croire en Dieu et au Jour dernier, aux anges, au Livre et aux Prophètes, de donner de son avoir, pour l’amour de Dieu, aux proches, aux orphelins, aux pauvres, à l’enfant de la route et aux mendiants, et d’acquitter l’impôt ». [cor. 2 V. 177].

LA DISTRIBUTION DE ZAKAT

C’est Dieu lui-même qui a expliqué comment la zakat doit être distribuée entre ceux qui ont le droit d’en bénéficier. « Les aumônes [zakat] sont seulement pour les pauvres, les indigents, ceux qui œuvrent, pour elles, ceux dont on cherche à rallier les cœurs, ainsi que pour la libération des esclaves, [pour] les débiteurs, [pour la lutte] dans le Chemin d’Allah ! et pour le voyageur. Imposition d’Allah ! Allah est Omniscient et Sage » [Cor. 9. v. 60]. Malgré ces instructions précises, la zakat a été détournée de son sens initial. En pays seereer, ce sont les marabouts riches qui utilisent souvent la zakat à des fins personnelles. Sur ce sujet, il nous a été raconté le cas d’un néophyte qui s’était converti à l’Islam et avait reçu le prénom MOMADU.

A la fin de l’hivernage, le marabout vint lui réclamer la dîme de sa récolte. Pour toute réponse, le novice dit à son sëriñ : si c’est à cause du nom MOMADU que tu veux prendre mes biens, reprend ton MOMADU, et laisse-moi avec mon Ngabaal. C’est ainsi qu’il abandonna l’Islam pour redevir animiste.

AS-SAWM OU LE JEÛNE

L’Islam recommande aux fidèles de jeûner pendant le mois de Ramadan. Son obligation résulte du verset 179, Sourate II du Coran : « Vous qui croyez ! le jeûne vous a été prescrit, à ceux qui furent avant vous [espérant que] peut-être vous serez pieux ».

Le jeûne ou l’abstinence de manger et de boire pendant un certain temps, était connu et pratiqué par les seereer animistes. Lorsqu’un faiseur de pluie voulait obtenir l’eau ou empêcher la pluie de tomber, il observait le jeûne pendant quelque temps de la journée. Précisons enfin que, le jeûne traditionnel revêt un caractère purement spirituel. Il était facultatif.

5 – Al-Haj ou le pélerinage.

Al-Haj, signifie littéralement, « faire procession autour d’un Sanctuaire » et canoniquement, « se rendre à la Mecque pour accomplir les rites du pélerinage ».

C’est Dieu qui a demandé aux musulmans d’accomplir ce rite : « Allah a imposé aux hommes le pélerinage de ce Temple, à quiconque a le moyen de s’y rendre » [cor. 3. V. 91].

Pour avoir des adeptes, le prophète MOHAMMED promettait aux pauvres une vie meilleure que celle qu’ils mènent sur terre : « Les pauvres entrent au paradis cinq cent ans avant les riches ». Le Coran a beaucoup insisté sur la résurrection et la récompense pour convaincre les Arabes. « Qui va donner la vie à des os quand ils sont cariés ? » Dis : « Leur donnera vie celui qui les a créés une première fois, cependant qu’il se connaît à toute création »[cor. 36. V. 79].

« L’homme compte-t-il que nous ne réunirons jamais ses os ? Mais si nous sommes capables d’ordonner ses jointures » [Cor. 75 V. 3] « Quoi ! Un tel n’est-il pas capable de revivifier les morts ? » [cor. 75. V. 40].

En lisant attentivement ces versets, on se rend compte que la conception du paradis dans le Coran vise à calmer les esprits bouleversés, surtout ceux des malheureux qui souffrent de privation en ce monde. Le prophète a bien exploité cette situation pour convaincre les misérables que la félicité dont ils rêvent se trouve dans un autre monde que celui-ci.

Le Coran abonde dans ce sens : « Il y aura pour vous ce que vos âmes désireront, et là pour vous ce que vous réclamerez » [cor. 41. V. 3 1].

« Parmi eux, circulent les plats d’or et les coupes ; et il y a là pour eux ce que les âmes désirent et ce qui fait les délices des yeux » [cor. 41 V. 71].

Les riches nobles ne donnaient aucune importance à ces promesses qu’ils qualifiaient d’illusions légendaires : « Et ils disent : « Contes d’anciens qu’il se fait écrire et qu’on lui dicte matin et soir ». Certes, on nous l’a promis et, à nos pères aussi, auparavant. Ce ne sont que contes d’anciens ! » [cor. 27. V. 68] ; étaient vu comme des mécréants méritant les châtiments d’Allah.

CONCEPTION DE LA VIE APRES LA MORT CHEZ LES SEEREER

Après la mort, l’âme s’en va dans le village merveilleux des morts où résident les ancêtres défunts ; chaque individu rejoint les membres de son clan. Seules les âmes puissantes ou pures peuvent revenir sur terre pour prendre contact avec les vivants.

D’après la croyance populaire, la ressurrection ne se traduit pas à ranimer le cadavre ; le mort devient un esprit sanctifié [pangool] pour l’éternité. Il se joint aussitôt après l’nhumation aux ancêtres bienheureux ; sa plus grande joie consiste à être admis parmi eux. L’idée de l’existence d’un feu ardent réservé aux méchants nous paraît être empruntée à d’autres croyances religieuses. Le plus dur châtiment pour les seereer est d’être rejeté par ses parents défunt qui se trouvent à Jaaniiw.

 

LE PARADIS

Les textes sacrés seereer parlent des lieux de repos réservés à ceux qui n’avaient pas, pendant leur séjour terrestre, violé la loi léguée par les ancêtres.

Pouvons-nous interpréter ces royaumes merveilleux comme étant le paradis dont parlent les religions dites révélées ?

Le Xonulu est défini comme un jardin ombragé par des arbres touffus, ornés de toutes sortes de jolies fleurs, peuplé d’animaux [vache, chèvre, poule] et d’oiseaux qui gazouillent ça et là avec des rivières, des ruisseaux qui coulent de toutes parts.

Lors des visites officielles, les représentants seereer s’adressent aux publics en Wolof. Au lieu d’exprimer leurs idées en seereer, les animateurs agricoles obligent les paysans à intervenir en wolof.

Les sous-groupes Cangin qui sont liés culturellement et spirituellement aux seereer singandum préferent s’alphabétiser en Wolof. En alphabétisant les groupes cangin en Wolof, les Centres d’Alphabétisation prennent une part active à la désérérisation systématique des paysans. Ce fait ne milite pas en ferveur de l’unicité et de la promotion de la langue seereer.

L’ethnie seereer est l’une des rares ethnies sénégalaises qui acceptent le Wolof au détriment de son épanouissement socio-culturel. Rappelons que le Wolof est la langue secrète de l’initiation seereer. C’est dans le Nduut seereer, et non pas dans le Daara Wolof que l’on peut trouver les plus beaux chants et poèmes Wolof authentiques. Le Wolof est aussi une langue de communication entre les sous-groupes seereer. Il n’est pas rare de voir deux frères qui l’utilisent pour se comprendre.

Les Wolofs qui ne cessent d’entraîner les seereer islamisés vers un abîme, leur Société est fondée sur une base de dualité : chef/sujet, libre/esclave, Seriñ/Talibé, n’est pas un modèle idéal pour se substituer à la société traditionnelle seereer connue pour son égalitarisme.

Ces constatations ne visent pas les Wolofs en tant que groupe ethnique mais plutôt, une catégorie des prosélytes qui utilisent l’Islam pour détruire les valeurs traditionnelles africaines. Une simple étude comparative nous permet d’affirmer que la langue seereer est beaucoup plus religieuse que l’arabe.

L’arabe s’adresse directement à la Nature, par exemple :

Tala’ati As-Shàmshou : [Le Soleil est apparu].

Gharabati-As-Shàmshou :[LeSoleil s’est couché].

As-Shàshou Harrun : [Le Soleil fait chaud].

Janna A-Laylu : [La nuit est ténèbre]. Ou il fait nuit].

Amtarati-As-Samà’u : [Le Ciel a plu].

Contrairement à l’arabe considérée sacrée par les musulmans, le seereer impute à ROOG SEEN, tous les phénomènes cosmiques et on dit indifféremment : kuul ne Roog : le firmament de Dieu.

Eel ROOG : Le Ciel, Le Nuage de Dieu.

Roog a Feeda : C’est Dieu qui fait le jour ou Roog est l’aurore.

Roog a yenga : C’est Dieu qui fait la nuit ou Dieu est au Crépuscule.

Roog a deba : C’est Dieu qui fait descendre la pluie.

Roog a Simda, Seeka : C’est Dieu qui arrête la pluie.

Le Saint Coran emploie le même style que le seereer :

« Tu [Dieu] fais que la nuit s’imbri­que au jour et tu fais que le jour s’im­brique à la nuit » [cor. 3. V. 27].

« Il [Dieu] fait que la nuit pénètre dans le jour et que le jour pénètre dans la nuit. Et il a assujetti le soleil et la lune à glisser chacun vers un ter­me dénommé » [cor. 35. V. 13].

LES VOCABULAIRES POLYTHEISTES

En combattant les croyances polythéistes, le Coran a employé le même type de vocabulaire que les Arabes préislamique utilisaient pour désigner leurs divinités. Tels que :

1 – Les dieux :

Alihàtun : Est-ce vous vraiment qui attestez qu’il y avait en compagnie de Dieu d’autres dieux » [cor.6 V. 19].

Illàhyni Ithnayni : Deux dieux : « Et Dieu dit : « Ne prenez pas deux dieux ! C’est que vraiment il est le Dieu Unique » [cor. 16 V. 51].

2 – Dieu avec les Articles Possessifs

  1. a) Alihàty : mes dieux.

« Il dit : O Abraham, auras tu dédain de mes dieux » [cor.19 V. 46].

  1. b) Ilàhuka : Ton Dieu.

« Eux de dire : Nous adorons ton Dieu et le Dieu de tes pères Abraham et Ismaël et Isaac » [cor.2 V. 133].

  1. c) Ilàhuho : son Dieu.

« Le vois-tu, celui qui a pris pour son Dieu sa passion » [cor. 25 V. 43].

  1. d) Ilàhumà : notre Dieu.

« Notre Dieu et votre Dieu est le même, et c’est à lui que nous nous soumettons » [cor.29 V. 46].

  1. e) Ilàhukum : Votre Dieu.

« Il m’a été révélé que votre dieu est dieu unique, rien d’autre, en vérité ! » [cor.18 V. 110].

  1. f) Alihatuhum : Leurs dieux.

« Alors il se glissa chez leurs dieux et dit : Ne mangez vous pas ? » [cor.37 V. 91].

3 – Les mains de Dieu :

Yadu Allah maghlulatun : « La main de Dieu est fermée ! » [cor.5. V. 64]

– bi yadi Allah : dans la main de Dieu.

« En vérité, la grâce est dans la main de Dieu » [cor. 3. V. 73].

– bi yadika : ta main.

« Le bien est en ta main » [cor.3. V.26].

– yadu Allah : La main de Dieu. « La main de Dieu est au dessus de leurs mains » [cor. 48. V. 10].

– bayna yaday Allah : entre les deux mains de Dieu.

« Ô ! les croyants, ne devancez pas devant les deux mains de Dieu et son messager » [cor. 49 V. 1].

4 – Le visage de Dieu (wajhu Allah)

« A Dieu l’Orient et l’Occident. Où que vous vous tourniez donc, là est le visage de Dieu » [cor. 2 V. 115].

– wajhi Allahi : visage de Dieu.

« Et vous ne dépensez qu’en recherche du visage de Dieu » [cor. 2 V. 272].

– wajhu rabbihum : visage de leur seigneur.

« Et qui cherchant le visage de leur seigneur » [cor. 13 V. 22]. Signalons que le nom de Dieu [ROOG] « ne peut être employé qu’au singulier. Il est impropre de l’employer avec un article possessif, auquel cas il perd complétement son sens initial et signifie autre chose, telle que la chance, ou la moquerie par exemple. C’est ainsi qu’il serait impropre et arrogant de dire en seereer : Roog o Koor : « Dieu mâle » ou Roog o tew : « Dieu femelle, Déesse ».

LE SEEREER ET LA LANGUE ARABE

Le Seereer a toujours refusé la domination étrangère. Il n’est pas facile d’établir l’existence d’une quelconque relation entre le seereer et l’arabe. Il est une des rares langues ouest africaines qui n’a pas été fortement influencée par la langue du Coran.

Avant l’occupation française, il y avait très peu de seereer instruits en arabe. D’ailleurs, le recensement du 15 novembre 1876, qualifie le niveau d’instruction des seereer nul. MBOUR-Sérère, « sauf 3 musulmans, 1, instruction rudimentaire arabe ».

Certes, le contact avec les voisins islamisés a introduit dans leurs parlers quelques mots arabes liés surtout au commerce. Nous avons rélevé quelques mots communs à la langue seereer et à la langue arabe :

– Ajaaba, signifie en arabe : il a répondu l’appel de… Le seereer dira : Ajaaba : il a répondu. Ajabe : il a accepté. On dit en seereer : a atà il a apporté, il a donné. Quant à l’arabe, lui, il dit : atà : il a donné, il est venu. Si on emploie la forme impérative au singulier, on constate une similitude frappante. De fait, « donne » se dit ati en seereer, et aati peut signifier : « donne, viens » , en arabe. Le mot nim en seereer, veut dire somnolence, entendu comme forme de l’impératif en arabe, signifie « dors ».

Le terme Hayya signifie « viens », en arabe. Le même terme, veut dire en saafeen « viens ». Le mot seereer iiy qui veut dire « oui » a la même résonnance et la même signification que le mot arabe iiy. D’ailleurs, ce mot est mentionné dans le Saint Coran : « Et ils te demandent ce renseignement : « Est-ce vrai ? » iiy « oui, c’est bien vrai » [cor. 1O.v. 53].

Cet aperçu a certainement apporté un démenti formel aux allégations mensongères de ceux qui interdisent l’usage du seereer pour des raisons religieuses.

– Alyun : du verbe alà, élever, désigne l’homme géant, le vénérable, qui correspond en seereer à Njool, Jimbang.

– Al-Hasan : du verbe hasuna, qui signifie la beauté. Ce nom correspond en seereer à Mosi, Mosaan, Mos, Mosu.

– Ahmadu, Mohammadu, du verbe hamada, louer, remercier, correspondant en seereer à Jokel, Girmel, Girmond, Simel.

– Habîbu, du verbe ahabba, correspondant en seereer Mbugu.

– Khàlidu, du verbe khalada : durer en vie, correspond en seereer a Minaan, qui veut dire rester longtemps en vie.

– Uthmàn, désigne une petite Outarde. (Oiseau lent, échassier au corps massif, à pattes fortes et à long cou (P. Robert). Les Arabes la considèrent comme le plus sot des oiseaux. Lorsqu’ils s’adressent à un aliéné, ils disent ; anta aplah kal Uthmàn (litt. Tu es sot comme l’outarde qui serait peut-être) Jabêl ƌak.

– « Abu Bakr » : « Père de la première née » qui correspond en Pulaar Ngatamaare : la première pluie. Il s’agit du premier sperme d’un homme qui a conçu une fille.

– Umar : du verbe amara, vie, il correspond en seereer à Sam ñoow. Avec une seule différence que Umar ne signifie que la vie tout court. Tandis que Sam fioow est une prière condensée : yaasam ta fioow, qu’il vive longtemps.

– Il-yàs, du verbe yaïsa, ya’su, désespérer, correspond en Séreer à oak yaakaar, amui yaakaar.

– Abàs, du verbe abasa : être triste et angoissé.

LES PRENOMS LIES A L’IDOLATRIE ARABE

Comme nous le savons, l’esclavage fait partie intégrante de la civilisation arabe. Il était tellement lié à leur vie quotidienne qu’ils nommaient leurs fils, esclave d’un tel. Certaines idoles représentées sous forme d’un patriache étaient considérées comme des dieux.

Quand l’Islam a fait son apparition, il a supprimé certaines coutumes tout en conservant d’autres après les avoirs reformulés. Parmi ces dernières, il faut classer les prénoms composés du mot Abd. Ce fait n’est pas nouveau, les anciens arabes appelaient leurs Abd, l’esclave de :

Comme le témoigne S. Anis AS­ASSIOUTY : Nul doute qu’Allah, plusieurs siècles avant l’avènement de l’Islam, soit connu en Arabie. En effet, les Arabes, dès le temps des Noirs appellent leurs enfants les serviteurs : Abd, le serviteur, suivi du nom de la divinité au génétif, tel que, Abd­Al-Làt, donné d’Al-Làt. Amat-Al-Làt, la servante de Làt. (Op. cit. p. 117).

Pour appuyer cette thèse, nous présentons ici quelques prénoms liés à l’idôlatrie :

– Abd-Al-Làta : serviteur de la

Déesse Làt. Nom féminin d’Allah. Abd-Allah : Esclave de Dieu. Nom masculin de Dieu.

– Abd-Al-Uzza : serviteur de la Déesse Ussa

– Abd-Al-Azziz : serviteur d’AZ-ZIZ, nom masculin de Dieu.

– Abd-AI-Manàt : serviteur de la Déesse Manàta féminin de Dieu Mannàn.

– Abd-Yaghuth, nom d’idole (divinité arabe).

– Abd-AS-Shash : serviteur du Dieu du Soleil.

– Abd-AL-Ka’ba : serviteur du Dieu de la Kaba.

– Abd-AL-Hubal : l’esclave du Dieu appelé AL-Hubal, qui fut la plus importante divinité de la ka’ba après Allah.

– Abd-AL-Hal : l’esclave du Dieu connu sous le nom de AL­AS- HAL

– Abd-A-Nasr : serviteur de Dieu appelé Nasr (Vautour).

QUELLE EST L’ATTITUDE DE L’ISLAM FACE A CES NOMS ARABES PREISLAMIQUES ?

Tout d’abord, l’Islam qui se veut une religion universelle, n’impose à aucun peuple de supplanter ses noms authentiques par des noms étrangers. Le Prophète MOHAMED examinerait le sens du nom avant de se prononcer sur son adaptation ou son rejet. S’il le trouvait bon, il l’adoptait, mais s’il le trouvait mauvais, il n’hésiterait pas à le remplacer par un autre nom plus significatif.

Lorsque MOHAMED fut envoyé en Arabie, les arabes avaient des noms beaux et laids. Il fit tout pour changer les noms qu’il estimait être laids. Il obligea certains des siens à changer leurs prénoms. D’autres refusèrent de suivre ses conseils.

Un jour, par exemple, le Prophète était assis parmi un groupe d’Arabes. Il leur demanda : « qui peut traire cette chamelle ? ». Un homme se leva et dit : « Moi ». Le Prophète lui dit : « comment t’appelles-tu ? » il répondit : « je m’appelle harb : (ñox, nôxor, la guerre ». Le prophète lui dit : « Assieds-toi ». Il demande encore : qui peut traire cette chamelle ? ». Un autre dit « moi ». Le Prophète lui demanda : « quel est ton nom ? « il lui dit : mon nom est murra (xaaƌ, amère). Il lui dit : « Assieds-toi ». Le Prophète demanda encore « qui peut traire cette chamelle ? » « Un homme se leva et dit : « moi ». Le Prophète lui demande son nom : « Comment t’appelles-tu ? « L’homme répondit : « je m’appelle » yaïshu (xan a ñoow, « il vivra »). Le Prophète lui dit : « Ah, c’est bon ! va la traire ».

Cette histoire nous enseigne que le Prophète ne s’intéressait pas aux aspects extérieurs des noms, à mais leurs sens profonds. Nous voyons ici que l’Islam que préchait l’envoyé de Dieu est différent de celui de prosélytes arabo-musulmans qui visent à arabiser les musulmans du monde entier.

CONCLUSION

Ainsi peut-on conclure en avançant que la conversion des seereer à l’Islam a créée une nouvelle situation, qui est loin d’être en faveur de l’ethnie.

Depuis quelques décennies, le pays seereer a été dévasté de tous bords par des « côteries maraboutiques », qui cherchent non seulement à islamiser le pays, mais à « désérériser » ses habitants et à démanteler les structures traditionnelles de la société seereer.

Certaines pratiques ancestrales sont maudites ou interdites par certains prosélytes zélés, qui n’ont même pas épargné les parlers des paysans. Comme nous l’avons dit, dans certains milieux récemment islamisés, la langue seereer a été remplacée par le Wolof. Non seulement le seereer converti cesse de parler sa langue maternelle et rompt avec la tradition, mais encore il interdit à tous les membres de sa famille d’en user dans leur conversation.

Le marabout sénégalais, dans la plupart du temps, ne pense pas aux problèmes de ses adeptes, plus grave encore, il les présente comme otages au pouvoir politique. Le chef religieux joue un rôle plus important dans le domaine politique que dans la vie religieuse. Comme nous le savons, le Sénégal est un pays qui repose essentiellement sur le pouvoir religieux. Dans ce pays tout le monde est prédicateur : (Magistrat, Médecin, Ingénieur, Politicien, Technicien, Educateur, Préfet, Sous-préfet, Gouverneur) chacun de ces groupes professionnels passe par le sentiment religieux pour convaincre son interlocuteur.

Dans le système confrérique, le pouvoir est exclusivement détenu par le chef spirituel et par ses propres fils. L’effort personnel ne compte pas, tout dépend du sang : un disciple n’a aucune chance d’être guide de la confrérie ; il est né disciple et mourra tel. Ce système ne peut pas donc répondre aux aspirations des seereer. Il nous faut un autre système basé essentiellement sur nos valeurs traditionnelles.

Signalons que l’Islam confrérique doit son succès, dans les milieux animistes, à la compréhension et à l’attitude de tolérance de certains marabouts éclairés à l’égard des Valeurs négro-africaines ; par contre, l’Islam intégriste ou totalitaire, qui tente de s’implanter actuellement dans les pays seereer, prône la haine, la violence, la négation de l’autre, et va jusqu’à faire table rase de toutes nos valeurs spirituelles.

La tradition orale est la Bibliothèque vivante de l’Afrique Noire. Or dans tous les pays où règne l’Islam orthodoxe, l’art, ou plus précisément la danse, est volontairement méprisée ou interdite. Depuis que les seereer se sont convertis à l’Islam, les hommes ont presque abandonné les jeux populaires : chant, danse, lutte. Maintenant, seules les femmes osent danser à la manière traditionnelle. Pour nous, la danse et la chanson sont des moyens d’éducation morale, physique et religieuse et non pas une incitation à la débauche et à la perversion.

La société seereer est paralysée par les religions venues de l’extérieur. L’influence la plus significative est celle de l’Islam, doté des marabouts puissants qui n’hésitent pas à intégrer purement et simplement leurs disciples seereer à la communauté Wolof.

Ce fait a affaibli considérablement la conduite morale et la ferveur religieuse des seereer.

Le Dr. Armand CORRE était un augure averti. Il avait prévu dès 1876, l’Etat actuel de la société seereer :

« Le Sérère n’est plus le même partout où il a subi l’influence du Wolof ? Au contact de celui-ci, il nous a paru bien dégénéré. Au delà de la zone littorale, protégée par nos postes, le Sérère ne jouit de la tranquilité qu’exigent des aptitudes ; il est comme étreint entre des influences également pernicieuses, le fanatisme musulman et le militarisme grossier des populations de langue Wolof du Sine et du Saloum. Il lui faut prendre parti pour les marabouts ou pour les tiédos : Il ne peut supporter les premiers, il n’est guère ménagé par les seconds, ou s’il s’allie avec eux, c’est pour contracter tous leurs vices » (Journal de Dr. A. CORRE. p. 10-11).

Nous pensons que Dr. CORRE a raison. L’homme d’aujourd’hui n’est plus héritier de son ancêtre qui fut l’homme du refus. Actuellement, les seereer ont perdu les vertus essentielles de l’ethnie. Ils sont devenus paresseux, superflus et vaniteux. .

Très attaché à la conception religieuse des ancêtres, le seereer pangoliste est, curieusement, plus monothéiste que son cousin converti à l’une des religions importées (Islam ou Christianisme). Nous avons pu vérifier cette vérité dans le train ou dans l’autobus. En effet, à chaque fois que les voyageurs, musulmans ou chrétiens, se sentent menacés par quelque danger, ils invoquent, la plupart du temps, le nom de leur « marabout protecteur » : Yaa SEEX ou celui d’une des trois personnes de la Trinité. Quant au seereer animiste, il dit seulement : Roog oo, Roog, Roog soom ref Maad : « O Dieu, sauve moi, par ta puissance, Tu es le seul roi qui peut sauver l’homme ».

Nous voyons ici que le pangoliste est plus proche de l’esprit du Coran que la plupart de ses frères convertis à l’Islam. Comme vous le savez, l’invocation d’un autre nom de Dieu qu’Allah est blâmé par le Saint-Coran qui dit : « Et quand un malheur vous touche, sur mer, tous ceux que vous invoquiez s’égarent. Pas lui. Puis, quand il vous ramène à la terre, sauvée, vous passez outre. Et l’homme reste très ingrat ! » (Cor. 17. V. 67).

On comptait parmi les nombreux titres du royaume du Sine, celui de Seriñ-SIIN, un ministre du culte musulman, attaché au service du Roi. Ce dignitaire religieux, n’avait semble-t-il, aucune activité sacerdotale auprès de la population.

Pour faire face à la situation actuelle, il faut renouveler cette fonction. L’occupant doit être un homme de religion traditionnelle seereer. Il sera encadré par un groupe de réflexion composé des intellectuels et des détenteurs de la tradition orale. Il aura comme tâche essentielle : instruire les enfants des musulmans en langue seereer, canaliser et orienter l’Islam en pays seereer vers les objectifs désignés par le groupe de réflexion indiqué.