Développement et société

LA NOUVELLE REFORME DE L’UNION MONETAIRE OUEST AFRICAINE

Ethiopiques numéro 5

revue socialiste de culture négro-africaine

janvier 1976

Le 10 février 1975, le Conseil des ministres de l’Union Monétaire Ouest-Africaine (UMOA) se réunissait en séance solennelle, à Dakar, pour recueillir le serment de M. Abdoulaye Fadiga, premier Gouverneur africain de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Cet acte marquait la fin de la première étape, la plus importante peut-être, de la réforme des institutions de l’Union Monétaire Ouest-Africaine dont le principe avait été arrêté à Niamey le 1er décembre 1972. La seconde étape fut parachevée à Dakar les 2 et 3 mai de la même année avec l’adoption par le Conseil des ministres de l’UMOA et le Conseil d’Administration de l’Institut d’Emission, des règles définissant la nouvelle politique et les règles d’intervention de la nouvelle Banque Centrale.

Il importe, avant d’exposer l’esprit et le contenu de ces nouvelles dispositions, de faire un bref rappel de ce que fut dans le passé cette communauté monétaire née en 1962, dont l’originalité pouvait, à bien des égards, être citée en exemple.

Certes, l’histoire monétaire des Etats est bien antérieure à la création de l’UMOA. Il n’a pas cependant paru utile d’insister sur le passé, car avant 1962, ceux-ci n’étaient pas responsables de leur destin. C’est en effet, après les indépendances acquises en 1960, que l’on peut réellement parler de souveraineté monétaire.

S’il n’a pas été jugé opportun de remonter jusqu’aux origines de l’Emission monétaire dans les Etats de l’Ouest Africain francophone, il n’est cependant pas inutile de rappeler que le premier établissement public chargé d’émettre des signes monétaires au titre des Etats de l’ex-A.O.F et du Togo, créé en application du décret du 20 janvier 1955, a commencé à fonctionner le 1er octobre 1955. La réforme intervenue à cette date avait pour objet d’affirmer le caractère public du service de l’Emission monétaire antérieurement confiée à un établissement privé, la Banque de l’Afrique Occidentale (BAO).

La mise en application de la Loi-cadre en 1956 et la constitution de la Communauté née du référendum du 28 septembre 1958 conduisirent la France à admettre une certaine évolution du système monétaire précédemment mis en place qui permit aux Etats concernés de participer à la gestion de l’Institut d’Emission lequel prit en 1959, le nom de BCEAO qui lui est resté à ce jour malgré les changements de statut juridique intervenus.

Du traité du 12 mai 1962…

L’accession des Etats à la souveraineté internationale en 1960 leur donnait le droit de battre monnaie. Ils avaient le choix entre la constitution de banques centrales propres à chaque Etat ou le maintien d’une organisation commune à qui serait délégué le droit d’émettre de la monnaie valable dans chaque Etat. C’est à cette solution que commandaient aussi bien leur jeune expérience que leur volonté de rester solidaires, qu’ils se sont finalement ralliés, surmontant la tentation propre à chaque Etat d’utiliser les mécanismes monétaires pour mener à bien sa politique économique nationale. Les raisons de ce choix sont ainsi formulées dans les considérants du Traité du 12 mai 1962 instituant l’U.M.O.A.

Les gouvernements de… _ – « conscients de la profonde solidarité des Etats de l’Afrique de l’Ouest ;

– persuadés qu’elle constitue l’un des moyens essentiels d’un développement rapide en même temps qu’harmonisé de leur économie ;

– estimant qu’il est de l’intérêt de leur pays et de leur intérêt commun de demeurer en union monétaire et de maintenir afin d’en assurer le fonctionnement, un institut d’émission commun… ».

L’histoire de l’évolution des diverses expériences monétaires observées dans la zone leur a donné raison car au plan de la stabilité, le franc CFA pouvait être cité en exemple, les seuls changements de valeur qu’il a subis ne traduisaient en effet que la dépréciation du franc français auquel il était lié directement.

Le traité instituant l’UMOA, signé le 12 mai 1962, reposait sur les principes suivants qui, d’ailleurs, ont été réaffirmés dans les accords de novembre 1973 :

– Existence d’une même unité monétaire (le franc CFA) dont l’émission est confiée à un institut commun ;

– Centralisation des réserves monétaires ;

– Libre circulation des signes monétaires et liberté des transferts dans l’Union ;

– Libre convertibilité de l’unité monétaire en franc français ;

– Harmonisation des législations monétaire et bancaire.

Il n’est pas nécessaire de s’étendre longuement sur l’analyse du contenu des trois accords ci-dessous énumérés qui constituent le fondement juridique de l’UMOA :

– traité constituant l’UMOA

– accords de coopération entre la France et les Etats de l’UMOA

– convention de compte d’opérations entre la Banque Centrale et le Trésor français.

Il convient seulement de rappeler que le traité donne à l’Union une monnaie : le franc CFA (communauté financière africaine) et deux organes : le Conseil de l’UMOA et la BCEAO, tandis que les deux autres textes organisent les conditions de la garantie française.

Le Conseil de l’UMOA, organe suprême de l’Union, constitué par la réunion des ministres chargés des Finances des Etats membres, est chargé d’assurer l’observation des clauses du Traité. Il est présidé à tour de rôle par les représentants de chaque Etat. Cette instance, il faut bien en convenir, n’a pas eu une grande activité, l’Union ayant fonctionné sans problème majeur. Il aura eu cependant le mérite d’avoir senti que l’évolution politique, et économique des Etats commandait que soit révisé ce système et d’avoir pris résolument la décision d’entreprendre la réforme.

En contrepartie de sa garantie qui s’exerçait par le biais du compte d’opérations, la France avait obtenu des Etats, dans le cadre des accords de coopération et de la convention de Compte d’opérations, les engagements ci-après :

– Les Etats ne pouvaient modifier la parité de leur monnaie sans l’accord de la France ;

– La France participe à la gestion de l’Institut d’Emission en détenant 1/3 des sièges au Conseil, ce qui lui donne un droit de véto sur les décisions importantes pour lesquelles une majorité des 3/4 est requise ;

– Les avoirs de la Banque Centrale sont centralisés dans un compte appelé compte d’opérations ouvert dans les livres du Trésor français. L’Institut d’Emission s’interdisant de conserver des avoirs extérieurs en devises autres que le franc français.

Si cette solidarité monétaire organisée par les Etats souverains en coopération avec la France est apparue, après dix ans, valable dans ses principes, son fonctionnement a cependant permis aux pays membres de l’Union monétaire de constater que certaines dispositions ne cadraient plus avec leur évolution politique et leur volonté de développer et de maîtriser leurs économies respectives et leur Institut d’Emission.

En effet, la politique appliquée par la Banque Centrale pendant ces dix années a paru timide face aux impératifs de développement des Etats. Elle était trop axée sur la constitution d’avoirs extérieurs importants, gage de stabilité au point de perdre de vue que la priorité pour nos pays était le développement rapide de leurs économies. De même les règles d’intervention apparaissent trop rigides dans certaines de leurs dispositions qui ne permettaient pas une participation efficace aux besoins de financement de l’Etat et à la promotion des entreprises appartenant à des nationaux.

Il faut ajouter à cela que l’Institut d’Emission agissait simplement comme un institut de réescompte sans pouvoir de direction véritable sur la distribution du crédit et le contrôle de la liquidité globale. La Banque Centrale n’était pas assez armée pour imposer une politique conforme aux impératifs de développement et de modification héritée de la période coloniale. Il est également apparu que la politique d’africanisation des cadres appliquée par ses dirigeants ne répondait pas au souci des Etats de voir leurs nationaux participer d’une manière plus effective, à la gestion de leur Institut d’Emission, car elle procédait pour le moins d’une prudence qui, à plus d’un titre, pouvait paraître injustifiée.

Les changements intervenus dans les dix années qui ont suivi la constitution de l’UMOA, aussi bien au plan économique qu’au plan politique, l’expérience acquise pendant cette période par les Etats dans la gestion de leur économie et la conscience aiguë des impératifs du développement qui en est résultée, ont, en décembre 1972, amené le Conseil des ministres de l’UMOA à entreprendre la réforme de leur système monétaire et à créer, à cet effet, un comité auquel étaient fixés des objectifs précis. Il ne s’agissait pas en effet de faire « une toilette » des anciens textes et d’apporter de petits aménagements aux anciennes méthodes d’intervention de l’Institut d’Emission.

La réforme assignée au Comité devait, selon les directives données par le Conseil des ministres :monétaire plus active et plus adaptée aux besoins des économies des Etats membres ;

– promouvoir l’africanisation des économies des Etats de l’Union, c’est-à-dire le transfert à des organismes ou entreprises relevant d’eux ou de leurs nationaux de tous les instruments de production et de distribution de biens et services essentiels à la sauvegarde de leur indépendance et au développement de leur économie ;

– mettre l’Institut d’Emission à même d’exercer tous les attributs d’une véritable banque centrale et de jouer effectivement ce rôle.

…à l’accord du 14 nov. 1973

Les travaux du Comité de réforme créé le 1er décembre 1972 auxquels ont participé, en plus des cadres africains de la BCEAO et des représentants des Etats, des experts du FMI, de la Banque de France, de la Banque de Belgique et des représentants du secteur bancaire privé, ont permis d’aboutir aux accords du 14 novembre 1973 qui consacrent la naissance du système monétaire actuel qu’il convient maintenant d’examiner.

Le système monétaire réformé est régi comme celui de 1962 par trois textes :

– traité constituant l’UMOA auquel sont annexés les statuts de l’Institut d’Emission, la BCEAO ;

– accord de coopération entre la France et les Républiques membres de l’UMOA ;

– convention de compte d’opérations.

Dès qu’ils ont envisagé la réforme de leur système monétaire, les Etats ont tenu à affirmer leur volonté de se maintenir en Union monétaire. Les principes fondamentaux de celle-ci, définis dans le traité du 12 mai 1962 ont été solennellement réaffirmés et leur maintien avait été assigné au Comité de réforme.

C’est dans cet esprit que le nouveau traité signé à Dakar le 14 novembre 1973 stipule comme le précédent que : « l’Union monétaire Ouest-Africaine, constituée entre les Etats signataires du présent traité, se caractérise par la reconnaissance d’une unité monétaire commune dont l’émission est confiée à un Institut d’Emission commun prêtant son concours aux économies nationales sous le contrôle des Gouvernements ».

Plus que celui qu’il remplace, ce nouvel accord a tenu compte de l’importance de rémission monétaire qui touche au principe de la souveraineté des Etats. Aussi, a-t-il voulu que les problèmes relatifs à l’adhésion de nouveaux membres ou les questions qui n’ont pu trouver de solution au niveau ministériel ressortissent à la compétence des plus hautes autorités des Etats. C’est pourquoi, un organe nouveau, la Conférence des Chefs d’Etat, a été créé. Les nouveaux textes ont également voulu renforcer l’Union en donnant au Conseil des ministres des pouvoirs effectifs de direction de l’Union : définition de la politique monétaire et de crédit, approbation de tout accord ou convention comportant obligation ou engagement de l’Institut d’Emission, modification de la dénomination de l’unité monétaire, constat du retrait d’un Etat membre.

Par ailleurs, le nouveau traité assure une plus grande homogénéité de l’Union en imposant aux Etats une uniformisation des règles régissant l’organisation de la profession bancaire, le contrôle et la distribution du crédit. L’obligation faite aux Etats était en effet limitée aux seuls principes de base dans le traité du 12 mai 1962.

Tout en renforçant l’Union, les nouveaux accords monétaires donnent également à la Banque Centrale le pouvoir de contribuer au financement du développement et à la promotion d’entrepreneurs ressortissants des Etats de l’Union. C’est dans cet esprit que l’Institut d’Emission est maintenant autorisé à étendre la durée de ses interventions jusqu’à dix ans et à accorder des crédits destinés à financer :

– la réalisation d’infrastructures et équipements collectifs,

– la création ou le transfert à des organismes ou entreprises relevant des Etats ou de leurs nationaux des instruments de production et de distribution de biens et services.

Toutefois, conscients que l’utilisation de l’émission monétaire pour le financement du développement ou de la promotion a ses limites, mais soucieux également de ne pas freiner l’effort entrepris dans ce domaine, les responsables de l’UMOA ont convenu de créer une institution spécialisée dans de tels financements : la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD).

En créant cette institution financière et en lui assignant comme objet de « promouvoir le développement équilibré des Etats membres et de réaliser leur intégration économique », les Etats membres de l’UMOA ont traduit dans la pratique leur ferme volonté d’œuvrer pour le développement économique de la zone et la modification des structures économiques par « le transfert de la propriété des moyens de production et de distribution des biens et services à des personnes physiques ou morales ressortissant des Etats de l’Union ».

Dominant tout sentiment d’égoïsme et ceci conformément à l’esprit de solidarité solennellement affirmé, il est prescrit à la BOAD dans ses interventions, de privilégier les Etats les plus défavorisés et les projets concourant à l’intégration des économies des Etats de l’Union. Elle peut également alléger, par bonification, la charge d’intérêts résultant d’emprunts faits par les Etats, collectivités, organismes communs de l’Union et ayant pour objet la réalisation d’opérations concourant au développement.

Toutes ces actions en faveur du développement pourraient être vaines ou mal orientées si la possibilité de diriger et de contrôler la distribution du crédit échappait aux autorités monétaires. Aussi, en définissant la nouvelle politique monétaire, le Conseil des ministres a-t-il donné à l’Institut d’Emission le moyen de jouer le rôle d’une véritable banque centrale responsable de la politique du crédit dans chaque Etat et en assurant le contrôle.

Les pouvoirs dont dispose la Banque Centrale lui permettent maintenant d’assurer, d’une part, un contrôle quantitatif et qualitatif des crédits distribués dans chaque Etat et, d’autre part, une meilleure utilisation à l’intérieur de l’Union des ressources monétaires de la zone par une politique des taux d’intérêt réaliste, la création d’un marché monétaire et l’interdiction faite aux banques d’entretenir des disponibilités à l’extérieur de l’Union.

Pour apprécier la profondeur des réformes intervenues dans ce domaine, il est indispensable de rappeler que les seuls moyens d’intervention que possédait l’ancienne banque centrale consistaient à agir sur le volume du réescompte accordé aux banques et par bénéficiaire. Ces moyens ne pouvaient être efficaces surtout dans des pays où les ressources disponibles du système bancaire dépassaient les besoins de financement de l’économie. La politique du réescompte insuffisante au plan du contrôle global ne pouvait par ailleurs avoir d’effet sur la répartition des crédits dans les différents secteurs de l’économie, les banques décidant librement de leur concours aux entreprises.

La nouvelle politique adoptée permet maintenant à la Banque Centrale de fixer le montant des concours qu’elle peut consentir dans chaque Etat en fonction d’objectifs déterminés à l’avance qui tiennent compte de la situation économique de l’Etat concerné et de l’Union : évolution des prix, résultats de la balance des paiements, niveau souhaitable des avoirs extérieurs. Ce plafond est ensuite réparti dans chaque Etat en fonction de la politique économique souhaitée par son Gouvernement. Par ailleurs, lorsque le volume des crédits risque, en raison de la situation économique d’un Etat, de mettre en danger l’équilibre monétaire dans un Etat, la Banque Centrale peut imposer aux banques installées dans cet Etat la constitution de dépôts appelés réserves obligatoires.

Le contrôle sélectif du crédit permet à la Banque Centrale d’orienter le crédit vers les secteurs que chaque Etat désire favoriser par établissement d’une liste de priorités sectorielles ou l’imposition de coefficients minima pour les secteurs prioritaires ou maxima pour les secteurs non prioritaires que les banques seraient tenues de respecter dans une période déterminée.

Au niveau même des utilisateurs de crédit, la Banque Centrale peut maintenant imposer aux banques d’affecter un certain pourcentage de leurs emplois ou de leurs ressources à certaines catégories de bénéficiaires par exemple les petites et moyennes entreprises nationales ou exiger que des conditions plus sélectives soient appliquées à telle ou telle catégorie d’entreprises.

Mais pour que ces contrôles puissent être efficaces, il ne faut pas que la Banque Centrale puisse être mise devant le fait accompli par les banques. C’est pourquoi, il a été prévu de soumettre à son autorisation préalable tout crédit au-dessus d’un montant à déterminer qu’une banque envisage d’accorder.

Afin d’inciter les banques à utiliser les ressources collectées dans l’Union à la satisfaction des besoins de financement des Etats avant tout recours au réescompte, la Banque Centrale a maintenant le pouvoir de prendre une série de mesures d’ajustement rapide des taux d’intérêt en fonction des taux pratiqués à l’extérieur de l’Union et d’interdire les placements de disponibilités hors de l’Union. Une telle politique suppose que soit organisé et facilité le placement des disponibilités hors de l’Union. Une telle politique suppose que soit organisé et facilité le placement des disponibilités à l’intérieur de l’Union. C’est dans ce but que l’Institut d’Emission a institué au niveau de chaque Etat, un marché monétaire où pourraient être placées aussi bien les ressources de l’Etat que celles disponibles dans d’autres Etats de la zone.

Mais pour que la Banque Centrale puisse exercer réellement son contrôle, il faut que puisse être sanctionné tout manquement aux règles qu’elle pourrait être amenée à édicter. C’est dans cet esprit et pour imposer une certaine police des banques qu’une réglementation uniforme dans toute la zone a été instituée qui organise plus efficacement que par le passé les conditions dans lesquelles s’exerce l’activité de celles-ci et qui sanctionne toute infraction.

Ainsi armé, l’Institut d’Emission peut maintenant jouer pleinement son rôle de Banque Centrale et apporter aux Etats son concours pour la définition et l’application d’une politique monétaire et du crédit allant dans le sens de la politique économique définie par le Gouvernement de chaque Etat. __ Pour que ces objectifs puissent être atteints, il a paru indispensable que le caractère africain soit encore renforcé par une africanisation des cadres à tous les niveaux et une redéfinition des conditions de coopération monétaire avec la France.

Au plan de l’africanisation, il s’agit de nommer des cadres à la hauteur, techniquement formés, politiquement conscients de leur responsabilité vis-à-vis de leur peuple. De tels cadres ne manquaient pas comme l’ont montré les décisions intervenues depuis la nomination du premier Gouverneur Africain qui, en moins d’un an, a su mener à son terme la mission qui lui a été confiée par le Conseil des Ministres réuni à Ouagadougou le 15 décembre 1974. A l’heure actuelle presque tous les postes de responsabilité sont détenus par des cadres nationaux des Etats de l’Union.

Tout en s’assurant la maîtrise de leurs institutions monétaires, les Etats ont estimé que la poursuite de la coopération avec la France ne pouvait que contribuer au renforcement de l’Union. Cette volonté de prise en main de leurs responsabilités au plan de la monnaie exprimée par les Etats a été comprise et acceptée par les autorités françaises qui ont pu, pendant quinze ans, apprécier leur sérieux dans la gestion monétaire.

Les nouveaux accords de coopération signés entre les Etats et la France de même que la convention de compte d’opérations qui matérialise cette coopération, traduisent cet esprit nouveau.

Comme auparavant le franc CFA reste librement convertible en franc français, la France s’engageant à apporter son concours pour assurer cette convertibilité par le biais du compte liant la BCEAO et le Trésor Français. En contrepartie, la France continue à participer à la gestion de l’Institut d’Emission mais dans des conditions plus souples puisque sa représentation au Conseil d’Administration passe du 1/3 au 1/7 des sièges alors que presque toutes les décisions importantes à l’exception de celles touchant à la substance même des accords pour lesquels l’unanimité est requise sont prises à la majorité simple.

Par ailleurs, la Banque Centrale pourra conserver 35 % de ses avoirs extérieurs en devises, le restant soit 65 % devant être conservé en franc français au compte d’opérations. Dans le régime antérieur, l’ensemble des avoirs extérieurs devait être obligatoirement versés à ce compte. En contrepartie de cette obligation, la France s’est engagée à garantir les avoirs en franc français de la Banque Centrale contre toute dévaluation du franc français.

Il convient également de signaler que l’obligation d’harmoniser la politique financière extérieure de l’Union avec celle de la France a été assouplie par la possibilité de dérogations nécessitées par les circonstances. Il faut noter à cet égard que le Conseil des Ministres peut éventuellement modifier la parité du franc CFA après avoir consulté la France.

Telles sont les grandes lignes de la réforme des institutions monétaires de l’UMOA intervenue le 14 novembre 1973. Toutes les dispositions ainsi arrêtées traduisent la volonté des Etats de renforcer leur indépendance par une meilleure maîtrise de leur politique économique axée vers un développement rapide pour le plus grand profit de leur peuple.

En maintenant et en renforçant leur union monétaire, les six Etats de l’Afrique de l’Ouest ont voulu maintenir et renforcer leur solidarité qui seule peut leur permettre un développement harmonisé et une confirmation de l’interdépendance économique des Etats de la Zone, une affirmation de leur indépendance par une meilleure expression de leur souveraineté monétaire. Telles ont été les motivations de cette réforme qui, à n’en pas douter, permettra une meilleure maîtrise de nos économies.