Poésie

FILS DES TEMPS MODERNES

Ethiopiques numéro 23

Revue socialiste

de culture négro-africaine

juillet 1980

Je suis la progéniture ferrugineuse d’une ère de sortilèges

essence des prunelles de fauves

sexe de perles félées d’un chapelet mécréant

fébrille rase d’incrédule atavisme

j’ai bu et mangé la satiété des matrices

bleue des habitantes de la lune

blanc-noir des métisses peuple inodore

et des fœtus retors de coïts diffamatoires

la puissance spoliée des fétiches

rancœur des manes immolés

du revers énigmatique de sphinx castré

des nonnes prostituées à l’auréole

d’une seule virilité de gloire assoupie

wawawe

je suis le Fils

Ma femme procession de conciliabules

plaine accoucheuse de blessures bibliques

le sang des blessures est alcool

le sang des blessures est semence

écoute que je te dise

attends que je te renie

entends fille de feu écorce de boue

la confession saugrenue d’un produit conjugué

trois forces décisives

trois fibres trop accordées

trois vouloirs ennemis

 

Fils des Temps Modernes

donc de marâtre-marraine-Europe

greffe de mon vagit de centaure

évoquée et faite pour et par ma chair

plaisir ravissant du pouls solitaire

adjuvant de cruauté incurable à mon tourment

pêt du patriarche dans la disette des troupeaux

espiègle révérence à la terre promise

wawawe

je suis le Père

Naïve trinité que l’âme de ta nacelle appelle

trilogie

écoute fille de moi-même séduite par son père

tombeau anachronique des champs de passions

gisent trop de collégiens inconnus

Généreuse férule de bêtise humaine

bête bétise toi seule oses parler

du temps de commencer

Et j’ai eu l’imbécillité de t’inviter à décliner

la solitude peuplée de remords hygiéniques

la glaire des gerçures d’un sang de menthe

les climats reconduits à des ères de pourcentages

de mieux-être si chers à l’agonie d’un vieux siècle

Je cherche à colmater les brèches qui vieillissent avec elle

dans le demi-sommeil d’avec la gent Humanité

un trou de souris rêve inaccessible déjà vécu

sublime égarement du félin qui oublie bêtement

de sortir ses griffes avec elle

Fils des serments sans rémission

ami de Dieu et frère de ses femmes

amant de la nuit sœur errante de mes sens

je déchirerai le front des rides nombril esclavagiste

spéculation de progrès monde fabuleux

où l’or est vain harnachement

argent ciselé par des orfèvres ivres morts

creusets de passions crapuleuses et d’insectes ruminés

couche trempée dans toute mer de péchés capitaux

Sainte ou effroyable trilogie

comme se plaira de comprendre

la morgue du griot sur gages

tympan forcé de ma litanie

sang mauvais de ma plainte

bulles vénéneuses des caresses de chèques

qui ne parle d’amours haineuses

songes d’adoration à perpétuité

Qu’importe

il n’y a pas de nuit et il n’y a pas de jour

l’abîme de l’an chute dans le gosier du siècle

le siècle est vêtu de robe courte

la traîne des jours aux noces des nuits

le capuchon rabattu sur le siècle sans âge

Comme il plaira de comprendre

qu’importe

il n’y a pas de temps que ne lève mon moi-même

La Mort

qui me rend homme avant le temps-élément

wawawe

je suis le Saint-Esprit