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DE SENGHOR À MABANCKOU, PARRICIDE ET ÉTHIQUES DE L’IDENTITÉ

Éthiopiques n° 99.

Littérature, philosophie, sociologie, anthropologie et art.

2nd semestre 2017

DE SENGHOR À MABANCKOU, PARRICIDE ET ÉTHIQUES DE L’IDENTITÉ

Dans l’introduction de son Anthologie : six poètes d’Afrique francophone (2010), Alain Mabanckou rend hommage à des auteurs africains d’expression française [2]. Il y présente notamment Léopold Sédar Senghor, l’un des fondateurs de la Négritude [3]. Senghor occupe une place privilégiée dans l’histoire littéraire de l’Afrique francophone, car il a contribué à poser les premiers jalons de la littérature francophone subsaharienne. Il fait donc office de père symbolique pour les auteurs africains contemporains d’expression française. L’inclusion de Senghor par Mabanckou témoigne aussi de l’admiration que l’auteur congolais éprouve pour le poète sur lequel il ne tarit pas d’éloges dans l’interview qu’il accorde à Thibault et Perry. Il y affirme même : « Senghor était en avance sur nous » (13).

De manière remarquable, dans son essai intitulé Lettres à Jimmy (2007), paru quelques années auparavant, Mabanckou nous livre une vision plutôt critique en ce qui concerne la philosophie de la Négritude [4]. Il y déclare notamment :

Or il y a un danger spécifique au statut de l’écrivain noir : on attend de lui qu’il place le « problème noir » au centre de son œuvre […] qu’il adopte un ton conflictuel, avec pour cible unique le blanc… surtout les épigones de la Négritude–[qu’il vante] dans un élan incantatoire et hystérique les civilisations noires […]. L’Européen, et seul celui-ci, est à l’origine des malheurs de l’Afrique (74-75).

Il se dégage donc de la pensée de Mabanckou une vision, un rapport pour le moins compliqué avec la Négritude, en général, et Senghor, en particulier.

Cet article examine la nature de la filiation qui lie Mabanckou à Senghor et démontre que ces deux auteurs occupent des positions antinomiques en matière de littérature engagée. Alors que Senghor crée une œuvre résolument critique envers la France, Mabanckou se refuse à souscrire à la notion de littérature engagée et conteste le discours identitaire centré sur l’africanité. Mais, contre toute attente, Senghor et Mabanckou sont en synergie dans d’autres domaines. Tous deux appellent par exemple au rapprochement des cultures et à la rencontre de « l’autre ». Chez Senghor, ce phénomène se manifeste par son apologie de la civilisation de l’universel. Pour sa part, c’est grâce à son usage de l’intertextualité que Mabanckou exprime cet idéal.

  1. LE PARRICIDE OU LE REFUS DE L’ENGAGEMENT AU SENS SENGHORIEN

1.1. Aux origines, engagement et anticolonialisme de Senghor

En réaction contre l’ethnocentrisme européen et l’idée du vide culturel africain avancé par l’Occident, le courant de la Négritude s’est investi dans la lutte pour dénoncer les abus perpétrés par la France. Fidèle aux idées de la Négritude, Senghor s’insurge contre les dérives impérialistes et paternalistes de l’Hexagone et milite contre les discriminations dont sont victimes les Africains, que ce soit dans les colonies ou en Métropole. Sa profonde aversion pour la colonisation atteint son paroxysme lors de son incarcération dans les camps allemands, au cours de la Seconde Guerre mondiale, conflit auquel il participe du côté français (Proteau 26). Par conséquent, dans « Prière de paix » du recueil Hosties Noires (1948), il fait une référence précise à l’hypocrisie de la France qui colonise des territoires mais ne souhaite pas subir un sort semblable et vivre sous tutelle (Poèmes 94). Nous aborderons l’anticolonialisme de Senghor à l’aune de deux personnages clés, le tirailleur sénégalais et Chaka Ka Senzangakhona.

Dans cette joute à l’encontre du colonisateur, le poète utilise très fréquemment la représentation des tirailleurs sénégalais pour relayer son message, en particulier dans son recueil Hosties Noires (1948). Les tirailleurs ont participé à l’avancée de la France en Afrique et combattent aussi pour la France lors des deux guerres mondiales. La décision d’incorporer les tirailleurs sénégalais au sein de l’armée française tient à l’idée que les officiers se font au sujet des aptitudes des Négro-africains qui seraient selon eux naturellement dotés d’habilités physiques et guerrières exceptionnelles [5]. Propulsés au-devant de la scène comme chair à canon pour mener les attaques les plus dangereuses, les tirailleurs permettent à la puissance coloniale pour ainsi dire d’économiser « le Blanc ». Le poète les qualifie d’ailleurs de « victimes noires paratonnerres » (Poèmes 70).

Chez Senghor, les tirailleurs offrent l’image d’une Afrique martyrisée et exploitée par la France. Leur utilisation révèle l’amertume de l’auteur, ainsi que son désir de corriger les injustices de l’Hexagone à leur encontre. Dans “Aux tirailleurs sénégalais morts pour la France”, il transmet aux lecteurs le caractère tragique du destin des tirailleurs morts à la guerre, grâce aux nombreuses occurrences du substantif « mort ». S’y superposent des références qui évoquent la couleur noire telles que « noire », « obscurs », « triple enceinte de nuit ». En associant dans l’esprit du lecteur la couleur des tirailleurs sénégalais à leur mort, Senghor met en exergue le nombre élevé de tirailleurs sénégalais décédés pour la France. Ce faisant, il dévoile avec acuité le caractère injuste du manque de reconnaissance de la France : « On fleurit les tombes, on réchauffe le Soldat Inconnu. / Vous mes frères obscurs, personne ne vous nomme » (Poèmes 64).

Le comportement de l’État français par rapport au corps des tirailleurs sénégalais fait justement l’objet d’une étude de Hans-Jürgen Lüsebrink. Il mentionne le poème de Senghor dès la toute première ligne de son argumentaire, lorsqu’il y explique que le poète se rebelle « contre l’oubli, d’abord dans la mémoire collective et historique de la France, des quelque 189.000 soldats africains et malgaches de la Première, et des 120.000 de la Seconde Guerre mondiale, dont le rôle s’est trouvé largement refoulé des ‘Lieux de mémoire’ » (116). Le chagrin que Senghor éprouve tient donc au traitement différentiel du devoir de mémoire. Dans “Poème liminaire”, il déplore le comportement des « ministres » et des « généraux » français et leurs « louanges de mépris » à l’encontre des tirailleurs sénégalais. Il ne manque pas d’y noter que les tirailleurs sont inhumés « furtivement » (Poèmes 55). Aussi critique-t-il le fait qu’alors que l’on fleurit en grande pompe la tombe du Soldat Inconnu, nul ne songe à rendre hommage aux tirailleurs sénégalais.

Le réquisitoire de Senghor comporte aussi une dimension économique. Lorsqu’il rédige ses poèmes, des problèmes apparaissent déjà au sujet des pensions versées aux tirailleurs ayant survécu à la Première Guerre mondiale, que l’on surnomme alors « anciens combattants ». Les pensions des Français, largement supérieures à celles des anciens tirailleurs, et les conditions d’attribution, beaucoup plus strictes pour ces derniers, soulèvent le mécontentement en Afrique. Selon Mann, c’est seulement en 1930 que le système s’améliore avec la création officielle d’une retraite du combattant dont moins de 300 anciens combattants bénéficient en 1932 (98-100). À la tragédie des tirailleurs morts sans réelle reconnaissance symbolique de la France s’ajoute la détresse financière des survivants devenus « des pauvres aux poches vides sans honneur » (Poèmes 55). Senghor exprime son ressentiment par rapport aux rétributions des tirailleurs car il estime que leur sacrifice est « payé en monnaie fausse » (Poèmes 66).

Par ailleurs, Senghor met aussi un point d’honneur à s’attaquer au stéréotype du sourire Banania. Ce cliché représente le tirailleur comme un soldat fidèle et obéissant, s’exprimant dans un français approximatif, volontiers débonnaire et arborant en permanence un très large sourire, le fameux sourire Banania. Les industriels le récupèrent d’ailleurs dans leurs campagnes publicitaires. Ainsi, la marque de chocolat en poudre Banania base ses slogans publicitaires autour de la figure du tirailleur sénégalais qui lui sert de mascotte. Toutes les boîtes de Banania de l’époque affichent sans complexe le visage rieur d’un tirailleur sénégalais qui s’exclame « Y a bon Banania » [6]. Senghor conteste et critique violemment ce poncif lorsqu’il confesse vouloir déchirer « les rires banania sur tous les murs de France » (Poèmes 55, italique apposée par l’auteur).

Le recueil Hosties Noires rend hommage au martyre des tirailleurs. Avec un tel titre, le poète fait une analogie entre le corps du Christ et celui du tirailleur sénégalais. Une hostie désigne « toute victime qui meurt en sacrifice pour une grande cause, dans l’espoir, comme un martyr, de la faire triompher. Dans le Christianisme, c’est le Christ, dont le sacrifice sur la croix et le partage du pain lors de la Cène sont commémorés par la liturgie de l’Eucharistie » (509) [7]. Le détournement par Senghor de cette terminologie chrétienne témoigne d’une volonté subversive, mais les conditions d’instauration du corps des tirailleurs ainsi que le raisonnement à la base de leur intégration dans l’armée et leur traitement par la puissance coloniale, que ce soit de leur vivant ou après leur mort, sont autant de facteurs qui en font de véritables martyrs.

À la figure du tirailleur sénégalais, qui exprime avec intensité la dimension séditieuse de Senghor, nous souhaitons ajouter Chaka, un personnage que Senghor convoque avec ingéniosité par des desseins anticoloniaux. Paru plus d’une décennie après Hosties Noires, “Chaka”, du recueil Éthiopiques (1956), indique la persistance de l’engagement et de la veine anticoloniale chez l’académicien. Le poème célèbre le roi Chaka Ka Senzangakhona (1787-1828) qui réussit la prouesse d’unifier les tribus d’Afrique australe en un royaume d’envergure considérable [8]. Chaka est aussi parvenu à instaurer un nouveau modèle de gestion de royaume nettement axé sur les stratégies guerrières. Citant l’historien africain Joseph Ki Zerbo, Joubert explique à propos du roi zoulou : « Organisateur de génie, rassembleur de peuples, révolutionnaire souvent brutal, Chaka est la réfutation vivante du mythe du ‘Noir incapable d’innover et de changer le cours stéréotypé de la tradition’ » (218). Il donne l’image d’une Afrique aux antipodes de la passivité ; active et volontaire, elle prend son destin en main.

Senghor brosse un portrait héroïque de Chaka tout en mettant en exergue son caractère sanguinaire et brutal : « On cherchait un guerrier, tu ne fus qu’un boucher » (Poèmes 119). Monstrueux, certes, Chaka se transforme au fur et à mesure en figure héroïque, lorsque le lecteur prend la mesure des motivations et des raisons qui guident ses agissements, car Chaka prend des décisions drastiques uniquement pour préparer son peuple à affronter les hommes à « l’épiderme blanc » ayant « le tonnerre sur leurs navires » (Poèmes 122). Cependant, Joubert remarque qu’en réalité Chaka n’eut aucun contact direct avec les colonisateurs. Cet anachronisme et cette falsification des faits historiques qui interviennent dans le poème autorisent Chaka à incarner la lutte anticoloniale, car, comme le dit Joubert, le Chaka de Senghor « est prioritairement un militant anticolonialiste » (221).

Par ailleurs, une prémonition de Chaka l’informe aussi de l’imminence de l’Apartheid lorsqu’il voit en songe les hommes « ségrégés dans les kraals de la misère » (Poèmes 124). Cette expression évoque de façon limpide les « townships », les agglomérations réservées aux Noirs durant l’Apartheid. L’anticolonialisme de Senghor dépasse donc le cadre des zones francophones et revêt une dimension panafricaine puisqu’il se préoccupe aussi de la situation en Afrique du Sud. En 1956, au moment de la publication d’Éthiopiques, le recueil dont est issu “Chaka”, l’Apartheid existe déjà depuis onze ans. Étant donné la montée des revendications indépendantistes dans les colonies africaines, il n’est guère surprenant que Senghor détourne le guerrier zoulou pour le transformer en une figure mythique anticolonialiste et panafricaniste. Soulignons que le poète manipule à nouveau un symbole fondamental du Christianisme. Le Chaka de Senghor s’impose en effet comme un Christ, eu égard à sa position au moment de sa mort. Il est cloué au sol par trois sagaies, et le texte nous le décrit comme étant en proie à « sa passion » (Poèmes 118). Senghor rejette la colonisation, et s’attache à mettre en exergue les dérives perverses de la colonisation, notamment à travers la figure martyrisée du tirailleur sénégalais. Ce dernier exemplifie la manière dont le système colonial exploite et sacrifie les colonisés, cela sans aucune reconnaissance. Senghor exalte par ailleurs la fibre panafricaniste avec “Chaka” et prouve que son réquisitoire anticolonial s’étend au-delà de la sphère francophone.

1.2. Pour une littérature post-postcoloniale

1.2.1. Le refus de l’engagement systématique

Loin de la vision de la Négritude senghorienne, Mabanckou reprend à son compte une citation de Frantz Fanon tirée de Peau noire, masques blancs qu’il juge représentative de son esthétique : « Ma vie ne doit pas être consacrée à faire le bilan des valeurs nègres… Je ne suis pas prisonnier de l’histoire. Je ne dois pas y chercher le sens de ma destinée… Dans le monde où je m’achemine, je me crée interminablement » (Lettre à Jimmy 159). Mabanckou se dépêtre ainsi de l’engagement prédéterminé en faveur de la cause noire. En somme, il se défait de ce que Célérier et Cazenave qualifient de « fardeau de l’engagement » (24) [9].

Les prises de positions de Mabanckou illustrent la théorie que Harold Bloom développe dans The Anxiety of Influence (1973). Selon Bloom, au cours de son évolution tout écrivain doit se situer par rapport aux œuvres de ses aînés, car leurs auras provoquent en lui une angoisse de l’influence. Dans ce véritable acte d’affirmation, l’auteur a la possibilité de faire allégeance à l’esthétique de ses prédécesseurs ou de s’en désolidariser. Tout comme de nombreux écrivains subsahariens francophones, Mabanckou ne peut échapper à cette angoisse de l’influence que cause le pionner Léopold Sédar Senghor. Dans sa résolution de cette anxiété par rapport à cette figure paternelle littéraire, il rejette certains aspects de la Négritude senghorienne pour affirmer sa propre vision créative, et émet notamment des réserves en matière d’engagement.

En effet, Mabanckou déplore le statut de l’écrivain africain dans « Le chant de l’oiseau migrateur », un article au sein duquel il note que toute tentative d’« itinéraire individuel » de la part d’un auteur négro-africain se sanctionne par des suspicions de « reniement ». Il y prend aussi acte du fait que le romancier africain « écrit par mandat » et « doit rendre compte à la communauté » (64). Aussi lance-t-il un appel à l’individualité :

Je veux privilégier, cher Jimmy, l’indépendance du romancier. …. L’écrivain doit toujours donner sa propre version de la condition humaine, même à l’opposé de la pensée unique et moralisante. […] On m’objectera le devoir d’engagement, l’obligation de dire les plaies de l’Afrique, d’accuser ceux qui tirent l’Afrique vers le bas. Mais qu’est-ce que l’engagement si celui-ci conduit à l’effacement des individualités ? (Lettre à Jimmy 76-77).

Ces plaies auxquelles Mabanckou fait référence constituent ce que le philosophe Achille Mbembé considère comme les trois thèmes inévitables du discours africain, à savoir l’esclavage, la colonisation et l’apartheid(17). Mabanckou refuse justement de s’appesantir sur ces thèmes incontournables. Ce faisant, il ne se conforme pas au rôle que sa communauté projette sur lui, et que son identité africaine lui prescrit.

Acquise en fonction des hasards de la naissance, l’identité d’un individu le renvoie à ses origines, et le rattache à un groupe particulier déterminé par des critères tels que la race, la religion etc. Pour le penseur et philosophe Kwame Anthony Appiah, l’identité serait porteuse de valeurs et de codes qu’elle nous impose car elle distribue un ensemble de règles et d’obligations. Quand on accepte le moule de son identité sans question, on assume et honore un pacte par lequel on se conforme aux normes du groupe auquel on appartient. Pour Appiah, c’est au cours de la recherche d’individualité que l’on est en mesure de se rebeller contre les nombreuses exigences de l’identité (110). Dans sa quête d’individualité, Mabanckou s’oppose au discours identitaire et lève toute équivoque en ce qui concerne sa vision quant au militantisme pour la cause noire dans Le Sanglot de l’homme noir (2012). Il appelle le « sanglot de l’homme noir » le lamento des Noirs, face à leur passé tragique (11). En outre, il y suggère aux « Noirs en sanglots » d’abandonner leur logique victimaire et d’accepter leur part de responsabilité dans les malheurs de leur continent (117). La teneur des propos de Mabanckou sur les sujets historiquement importants dans sa communauté souligne la formulation d’une éthique de l’identité dissidente et contestataire [10]. Pour Celerier :

Mabanckou invite les Africains à se préoccuper de leur présent, à se libérer d’une perception tragique et mythique de leur passé et d’un militantisme qu’il juge frelaté. […] La jeunesse africaine a le droit de se projeter par-delà le schéma oppositionnel Blancs/Noirs, colonisateurs/colonisés, oppresseurs/opprimés… (91).

La position de Mabanckou s’explique aussi par le fait qu’il appartient à une catégorie d’auteurs nés après la colonisation, qu’Abdourahman Wabéri appelle « les enfants de la postcolonie ».

Selon Wabéri, les enfants de la postcolonie seraient des auteurs africains francophones nés après l’accession aux indépendances et qui, n’ayant pas vécu l’expérience coloniale, ne font pas de fixation particulière sur l’ancienne puissance coloniale. Leur priorité est surtout de se désolidariser des préceptes qui réduisent la littérature africaine à des critères tels que l’oralité ou la littérature engagée (8-15).Thorsten Schüller abonde dans le sens de Wabéri, et ajoute même que les enfants de la postcolonie écrivent une littérature « post-postcoloniale » qui réfute les « théories postcoloniales » et « qui refuse d’être intégrée dans les cadres trop rigides d’un discours qui tourne autour de l’opposition centre-périphérie, une littérature qui ne se veut ni africaine ni postcoloniale » (140). En véritable enfant de la postcolonie, Mabanckou propose au lecteur des romans qui déconstruisent la vision binaire du « writing back » et des littératures postcoloniales [11].

Pourtant, Mabanckou ne créé pas une littérature neutre. Bien qu’il ne fasse pas à proprement parler de la littérature engagée, il n’est pas non plus adepte de l’art pour l’art, car il y a quand même une morale sous-jacente dans ses textes, bien que cela ne soit pas son objectif principal (Walsh 152). S’il n’y a pas un acharnement particulier de sa part contre l’ancienne puissance coloniale, un passage de Black Bazar (2009) met pourtant à l’ordre du jour les débats contemporains en France sur l’histoire coloniale. En effet, le narrateur et M. Hippocrate, son voisin antillais, y débattent de la colonisation, et l’Antillais y vante notamment les mérites et bienfaits de la colonisation : « Qu’est-ce que la colonisation, hein ? C’est un élan de générosité, c’est une aide qu’on apporte aux petits peuples qui sont dans les ténèbres… Heureusement qu’on a voté une loi géniale qui valorise la colonisation » (223-224). Pour Cazenave et Célérier, cet extrait illustre un certain engagement de la part de Mabanckou qui y aborde à travers des personnages fictifs le débat français sur les aspects positifs de la colonisation(181).

En effet, M. Hippocrate s’exprime précisément sur la loi portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, votée le 23 février 2005 sous la présidence de Jacques Chirac, dont l’article quatre procède à une lecture positive de l’histoire coloniale française [12]. Les détracteurs de cette loi estiment qu’elle impose une vision de l’histoire coloniale dans les programmes scolaires et omet sciemment les turpitudes de la poussée coloniale. Après de nombreux débats et tractations, un décret abroge l’article 4 le 15 février 2006, et en supprime le qualificatif « positif ». Mabanckou ne semble pas a priori prendre parti, mais il attire quand même notre attention sur la teneur de cette loi et sur la nature du climat politique en France. Mais les propos outranciers que l’auteur fait dire à M. Hippocrate, un individu qui s’illustre tout au long du roman par sa xénophobie à l’encontre des Africains, met en parallèle racisme et refus de repentance par rapport au fait colonial. Ce faisant, Mabanckou articule une certaine critique de l’article de loi. Bien qu’il affirme ne pas souscrire au fait que l’auteur africain doit forcément s’investir par rapport aux débats qui concernent l’Afrique, comme on le constate ici, Mabanckou s’offre le loisir d’intervenir dans certains débats politiques qui le connectent avec son continent d’origine, quand bon lui semble.

1.2.2. La fin de la binarité

Dans ses œuvres, Mabanckou dédramatise les relations entre Noirs et Blancs ; en particulier, il ne met pas en scène des Européens faisant preuve de racisme à l’encontre d’Africains. Un fait que remarque Kleppinger à propos de Black Bazar, lorsqu’elle constate que l’ouvrage ne comporte pas « de problèmes rencontrés par les personnages en raison de racisme ou d’intolérance de la part d’Européens » (122) [13]. Ce sentiment peut aussi s’étendre à d’autres ouvrages de Mabanckou tels que Bleu Blanc Rouge (1998) ou Tais-toi et meurs (2012).

On note par ailleurs que les Blancs qui figurent dans les romans de Mabanckou sont, en règle générale, relégués au rang de personnages secondaires. Le lecteur les voit apparaître et évoluer rapidement dans le récit ; de plus, l’auteur ne développe guère leur analyse psychologique. Leurs réflexions intimes et leurs modes de pensées ne figurent nulle part dans la narration. Dans Bleu-Blanc-Rouge, ouvrage mettant en scène l’itinéraire de Massala-Massala, un jeune Africain qui quitte son pays pour vivre dans la clandestinité en France métropolitaine, les Européens ne sont pas problématiques. Le récit s’ouvre sur Massala-Massala en proie à des pensées amères dans sa cellule de prison. Il ressasse les circonstances de son arrestation qui date de dix-huit mois (17-23). Dans le récit, les Blancs, pour la plupart des représentants des forces de l’ordre, ont pour charge d’arrêter les personnes en situation irrégulière, de les incarcérer et même de les expulser. Mais l’auteur s’étant peu attardé à leur sujet, le lecteur ne dispose d’aucune donnée qui lui permette de cerner leur personnalité ou leurs motivations. Anonymes, les policiers s’expriment peu, font preuve de fermeté mais s’abstiennent de s’acharner sur le prisonnier. On remarque de plus que la cohorte des représentants de l’ordre comporte aussi un individu d’origine africaine, et tous se comportent de manière identique. Enfin, bien que le roman s’achève avec l’expulsion de Massala-Massala, Mabanckou n’y articule pourtant pas une critique des modalités de gestion des clandestins africains par la France. Massala-Massala paraît avant tout comme la victime de sa propre naïveté et des ruses de Moki, son compatriote responsable de son départ du Congo. De plus, il doit son arrestation et son incarcération aux activités illicites et autres trafics illégaux auxquels il se livre en compagnie d’autres immigrés en situation irrégulière dans l’Hexagone.

1.2.3. La déconstruction de l’entente entre individus de souche négro-africaine

Mabanckou se défait par ailleurs d’une logique d’importance qui habite la Négritude et les premiers écrivains, à savoir la solidarité entre individus de souche africaine. Pour les auteurs tels que Césaire et Senghor, il y avait une nécessaire fraternité entre individus à peau noire, qu’il s’agisse d’Africains ou d’Antillais. Black Bazar contredit cette solidarité intrinsèque au mouvement de la Négritude. Tout d’abord le roman met en scène des tensions entre Antillais et Africains. On y remarque que M. Hippocrate, l’Antillais, manifeste beaucoup d’hostilité envers les Africains auxquels il impute tous les maux de la France. Selon lui, les étrangers seraient responsables du trou de la Sécurité sociale et de l’augmentation de l’insécurité (27-41). Contredisant la vision panafricaniste de la Négritude, Mabanckou dépeint aussi de temps à autre des relations teintées de xénophobie entre ressortissants de différents pays d’Afrique noire. Puis ses ouvrages mettent en exergue des tensions entre ressortissants d’un même pays africain ; il fait par exemple la part belle à la discorde qui règne entre Congolais natifs du nord et du sud. Il développe en particulier cet antagonisme entre Nordistes et Sudistes dans Lumières de Pointe-Noire (2013) et Verre Cassé (2005).De manière générale, Mabanckou détruit l’idéal de la Négritude qui exprime une fraternité entre individus de souche africaine. Son geste frondeur prend le contrepied de la philosophie de la Négritude en ce qui concerne l’obligation pour un écrivain africain de défendre l’Afrique et les Africains dans ses œuvres. Elle met aussi fin à une vision binaire et à une vision panafricaniste qui idéalisent les rapports entre individus de souche négro-africaine. Mais, comme nous l’aborderons dans le point suivant, tout n’oppose pas diamétralement Mabanckou et Senghor.

  1. LA SYNERGIE ENTRE SENGHOR ET MABANCKOU

2.1. L’attachement à la langue française

Contre toute attente, Senghor et Mabanckou présentent certains points communs. La toute première similarité réside dans leur amour inconditionnel pour la langue française. En effet, ces deux parties s’expriment en français et ne se demandent nullement s’il faut rejeter la langue du colonisateur. Par exemple, sans aucun complexe, Senghor rend hommage à la beauté de la langue française qu’il qualifie de « langues des dieux » (Guibert 146). Francophone impénitent, Senghor irrite certains écrivains subsahariens contemporains qui estiment que les auteurs africains doivent se détacher d’une langue imposée à l’origine par les colonisateurs, et lui préférer les langues africaines locales. Boubacar Boris Diop, l’un des plus ardents défenseurs de cette tendance, se trouve d’ailleurs au centre de ce différend, car il reproche aux auteurs africains de participer à la marginalisation des langues locales puisqu’ils choisissent le français comme moyen d’expression. Cette querelle éclabousse aussi Mabanckou qui s’interroge dans Le Sanglot de l’homme noir sur la thèse de ceux qu’il appelle les « africanistes », et dont il rejette ostensiblement les thèses (138). L’auteur congolais stigmatisme pour sa part le parti pris de Diop :

Plusieurs de ces langues sont demeurées au stade de l’oralité. Les pouvoirs de ces pays devraient au préalable mener une politique linguistique. […] Il ne s’agit pas seulement d’écrire dans une langue africaine, encore faut-il préparer l’Africain à lire cette langue comme on prépare le Français, le Chinois ou le Russe à lire les leurs (Le Sanglot, 146-147).

On comprend que pour Mabanckou, cette école « africaniste », pour reprendre ses propos, semble pour l’heure exalter des concepts dont la mise en place requiert des mesures de grande envergure telles que la création de structure pour codifier et encadrer l’usage écrit de ces langues et l’alphabétisation massive des populations en langues locales. Les lettres francophones africaines sont donc aux prises avec une querelle dans laquelle les écrivains s’interrogent quant à la nécessité de conserver le français comme langue d’expression privilégiée. Dans cette joute, Mabanckou se positionne comme Senghor, car tous deux ne voient pas de contradictions entre l’africanité et l’institution du français comme moyen d’expression littéraire. Cette synergie des points de vue nous montre que dans la résolution de son anxiété, Mabanckou ne renie pas complètement l’influence de son père littéraire symbolique Senghor.

2.2. La rencontre de l’autre

En addition à leur accord sur l’importance de l’usage du français comme medium d’expression littéraire, les deux auteurs affichent une attirance pour la rencontre des cultures. Chez Senghor, ce phénomène se traduit par le concept de « civilisation de l’universel ». D’ailleurs, Mabanckou ne tarit pas d’éloge en ce qui concerne cet aspect de la Négritude senghorienne, dans un entretien accordé à Thibault et Perry : « Les écrits poétiques et théoriques de Senghor s’orientent vers cette culture de l’universel, et on ne pourra lui denier le crédit d’avoir rapproché les civilisations, d’avoir signé l’acte de naissance d’une littérature africaine ouverte au monde » (6) [14].

En effet, Senghor préconise un rapprochement des peuples et des cultures pour former la civilisation de l’universel, laquelle serait profitable à l’humanité car elle est enrichissante. Sa conception exprime deux idées essentielles. Tout d’abord, l’Africain doit s’ancrer dans sa Négritude, comprendre sa culture, son histoire et ses traditions, et vivre avec fierté sa spécificité culturelle. Ayant accompli cette démarche essentielle, il peut alors participer au rendez-vous de la civilisation de l’universel pour y « donner » mais aussi y « recevoir ». Pour Daouda Loum, Senghor initie par là un dialogue des cultures où règneraient la fraternité et la conciliation (97). La civilisation de l’universel senghorienne appelle au dialogue des cultures sans tomber dans le travers de l’anéantissement des identités, car elle autorise chacun à comprendre et conserver son originalité ainsi que sa dignité. Au plan de l’esthétique, la poésie de Senghor participe aussi de ce mouvement en intégrant plusieurs catégories de référents culturels :

C’est dans ce contexte d’une telle quête d’universalité qu’il faut, me semble-t-il, insérer la recherche permanente, de la part de Senghor, d’une langue poétique personnelle, se proposant − ou pour mieux dire s’imposant – de souder à la langue française, […] des éléments empruntés aux langues africaines qui lui sont connues (Petroni 32).

En effet, dans ses poèmes, Senghor insère des mots africains, non pas pour confondre le lecteur avec « ce chant de l’africanité » mais seulement pour transmettre une réalité bien africaine à laquelle une expression en français ne rendrait pas justice. Par exemple, l’auteur emploie « dyâli », « tama », « guelwâr » [15], etc. Dans un souci de transparence, le poète met à la disposition de son lecteur, en annexe, un glossaire dans lequel il définit ces termes qui peuvent sembler obscurs pour des non-Sénégalais.

Au vocabulaire en langues africaines s’ajoutent aussi des références aux traditions et mythes africains qui émaillent la majorité des écrits de l’académicien. Senghor puise son inspiration dans les mythes, l’histoire et la culture d’Afrique noire, et sa poésie offre aux lecteurs du monde entier la possibilité de s’enrichir « au rendez-vous du donner et du recevoir ».Par ailleurs, à cette manifestation de son « africanité » Senghor associe un vaste répertoire latin ou grec ainsi que des mots savants hermétiques (par exemple « amabam amare », « glossolalie » etc). Pour Robert Jouanny, ce phénomène dénote surtout sa formation littéraire classique (137). La poésie de Senghor exploite elle aussi le concept d’universalisme ; métissée, elle se présente héritière de la culture négro-africaine tout en manifestant son affection pour les classiques littéraires qui ont forgé son assisse littéraire. Son œuvre devient donc le site de manifestation de l’universel.

Ce dialogue des cultures représente aussi une des pierres angulaires de la filiation qui lie Mabanckou à Senghor, et que Mabanckou accepte. Dans “Le chant de l’oiseau migrateur”, il fournit de plus amples détails sur ce que représente à ses yeux l’universalité :

Jamais il ne sera question d’abandonner son être ou de le vendre aux enchères publiques. Je suis conscient et plus que convaincu que c’est en partant du ‘local’ qu’on atteint le monde, l’universel, que le Larousse définit comme ‘ce qui s’étend sur toute la surface de la Terre’, ‘ce qui embrasse la totalité des êtres et des choses’ … L’universalité est le constat que nous faisons de l’état de notre intelligence et du mélange de nos cultures. … Au fond, et on le sait déjà, l’universalité ; ‘c’est le local moins les murs’.

On ne peut s’empêcher de noter des similitudes avec la conception de Senghor, comme l’idée de préserver son identité, de sauvegarder le local, avant de se lancer à la conquête de l’universel.

En outre, Mabanckou ajoute une dimension spatiale dans son commentaire, car il estime que l’universel se trouverait partout si l’on abattait les barrières terrestres qui séparent les peuples. À défaut de pouvoir y procéder concrètement, il s’y livre à cœur joie en nous proposant une littérature qui célèbre la civilisation de l’universel notamment par le biais de l’intertextualité. Dans Verre Cassé, Mabanckou insère des références littéraires d’œuvres du monde entier. Il fait pour l’occasion des clins d’œil à des auteurs de toutes origines, tels que Senghor, Jérôme David Salinger, Aimé Césaire, Gabriel Garcia Marquez, Rachid Boudgedra et Louis Ferdinand Céline. Ces références intertextuelles pléthoriques (plus de cent soixante-dix) rattachent l’auteur congolais à une bibliothèque qui transcende les nationalités, les langues, les genres littéraires, l’origine ethnique ainsi que les frontières terrestres, car, comme le note Durand-Guizou : « Sa toile intertextuelle accueille tous les genres, tous les courants, tous les auteurs, toutes les nationalités » (32). Mabanckou anéantit symboliquement les frontières entre auteurs de nationalité et de langues différentes et édifie pour son lectorat des ouvrages qui embrassent l’universalité grâce à l’intertextualité.

CONCLUSION

Au terme de cette étude, nous avons appréhendé la nature de la relation qui lie Mabanckou à Senghor. Parce que la Négritude a vu le jour durant la période coloniale, l’engagement constitue une clé de voûte de ce courant qui met un point d’honneur à saper le fondement de tous les discours idéologiques développés par l’Occident sur les Noirs. À cet effet, Senghor produit des œuvres combatives, qui contestent les abus de la puissance coloniale. Il est tout à fait remarquable qu’il se sert de la figure du tirailleur sénégalais et de celle de Chaka pour manifester son anticolonialisme. Mais, comme nous l’avons évoqué au sein de cette analyse, Mabanckou, en véritable enfant de la postcolonie, produit une œuvre qui rejette l’engagement de type senghorien. Ilse tourne vers l’avenir et refuse de se lamenter sur le passé de l’Afrique ; ce faisant, il s’abstient d’émettre le sanglot de l’homme noir.

La relation qui lie Mabanckou à Senghor ne saurait se résumer à leurs perspectives antinomiques en ce qui concerne la nécessité d’aborder le douloureux passé du continent noir. En effet, la civilisation de l’universel senghorienne fait un émule en la personne de Mabanckou dont la pratique intertextuelle fait un lien entre des auteurs de tous les horizons. Enfin, nos deux auteurs ne discernent pas de dichotomie entre leur africanité et l’usage du français comme moyen d’expression littéraire.

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[1] University of Puget Sound

[2] L’anthologie comporte des poèmes de six auteurs : Léopold Sédar Senghor, Birago Diop, Jacques Rabemananjara, Bernard Dadié, Tchicaya U Tam’si, et Jean-Baptiste Loutard.

[3] Né au 1906 sur la petite côte du Sénégal, à Joal. À la Sorbonne, il obtient l’agrégation de grammaire en 1935. Il crée le mouvement de la Négritude avec des auteurs dont Césaire. Il s’investit également en politique et occupe des fonctions dans l’administration coloniale. Il devient le premier président de la République du Sénégal en 1960, un poste qu’il quitte en 1980. Il intègre en 1983 l’Académie française où il officie jusqu’à sa mort, en 2001.

[4] Lettres à Jimmy rend hommage à James Baldwin. Rédigé sous forme d’essai, le texte de Mabanckou s’adresse directement à l’auteur africain-américain sur un ton intime et très personnel. Mabanckou y aborde aussi des problématiques contemporaines, telles l’immigration et le rôle de l’écrivain dans sa cité.

[5] Voir l’étude de Gregory Mann, Native Sons (2006). L’auteur y affirme entre autre que : « Les Ouest-africains étaient considérés comme particulièrement aptes à être utilisés comme troupe d’assaut, et leur déploiement a permis à la haute hiérarchie militaire de réduire le nombre d’Européens en première ligne […]. Ils [les Ouest-africains] y subirent de très lourdes pertes (c’est moi qui traduis).

[6] Voir l’ouvrage de Jean Watin-Augouard, Histoire de marques (‎2001).

[7] Dictionnaire des symboles de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant.

[8] Voir l’étude de Tidiane Ndiaye, L’empire de Chaka Zoulou (2002).

[9] J’ai traduit ici l’expression de Celerier et Cazenave qui parlent dans leur ouvrage de « burden of commitment ».

[10] Oana Panaïté signale d’ailleurs que la position de Mabanckou « présente une similarité frappante avec le syndrome de la Méduse dont le regard pétrifie que décrit Kwame Anthony Appiah lorsqu’il examine les contraintes de la politique identitaire » (60-61).

[11] Ce principe a été analysé dans The Empire Writes Back : Theory and Practice in Post-Colonial Literature (1989) par Bill Ashcroft, Gareth Griffiths et Helen Tiffin. Les auteurs y expliquent que les intellectuels en provenance d’anciennes colonies écrivent en réponse à l’hégémonie occidentale. Ils remettent en cause l’idéologie coloniale et ses conséquences afin de rétablir un équilibre.

[12] Voir sur le site officiel du gouvernement français www.Legifrance.gouv.fr https://www.legifrance.gouv.fr/affi…

[13] Ceci est ma traduction, car l’article de Kleppinger est rédigé en Anglais.

[14] Dans son anthologie dédiée à six poètes africains francophones dont Senghor, Mabanckou commente l’œuvre de Senghor et réaffirme son penchant pour le rapprochement des cultures préconisé par le poète sénégalais (9).

[15] Dans son lexique, Senghor définit le dyâli comme un mot de la langue mandingue désignant les troubadours d’Afrique de l’Ouest. Il y explique aussi que le tama est un mot wolof pour désigner les petits tam-tams qui se placent sous l’aisselle. Le guelwâr, un mot en langue sérère, désigne un noble descendant des conquérants mandingues.