Littérature

DE LA VALEUR EDUCATIVE DU GENRE NARRATIF DANS LES SOCIETES AFRICAINES TRADITIONNELLES

Ethiopiques n° 77.

Littérature, philosophie et art

2ème semestre 2006

De nombreuses études en sciences humaines et sociales (Frazer, Griaule, Mauss, Lévi-Strauss, Malinowski, Vansina, etc.) ont prouvé à suffisance que l’oralité est une des composantes importantes dans la formation de l’identité communautaire, de l’identité individuelle même, si l’on se réfère à l’interprétation psychanalytique des contes et mythes chez Freud, Jung et chez leurs disciples.

L’oralité dont il s’agit ici est celle qui sert de référence et de support à certains groupes sociaux, à des sociétés où les échanges communautaires d’envergure se font principalement de bouche à oreille. D’après Cauvin, une société fondée sur l’oralité [2] relie à la communication orale l’essentiel des fonctions sociales ainsi que sa spécificité en tant que groupe communautaire : « C’est-à-dire qu’il n’y a pas seulement échange de messages dans l’instant actuel, mais il y a aussi un échange entre le passé et le présent, avec ce qui fait que telle société dure à travers le temps parmi d’autres sociétés » (Cauvin 6).

La communication dans le contexte de l’oralité donne un caractère spécial à l’axe Emetteur ? Récepteur ainsi qu’à l’axe Situation ? Tradition. En effet, l’Emetteur (E) vise à transmettre de manière optimale un Message (M) au Récepteur (R), en s’appuyant sur la Tradition (T) pour donner plus de crédibilité à son Message (M). Ce dernier doit également être approprié à la Situation (S) présente de communication ; d’où le schéma suivant, une adaptation simplifiée du diagramme communicatif proposé par Cauvin (7) :

L’axe Emetteur ? Récepteur est bidirectionnel étant donné que le flot de la communication change constamment de sens entre l’émetteur et le récepteur. L’émetteur initial devient récepteur chaque fois que le récepteur initial répond au message, et les changements se poursuivent jusqu’à ce que la communication prenne fin. Par ailleurs, l’axe Situation ? Tradition est bidirectionnel car, tout comme le présent s’inspire de la tradition, la situation du moment va inspirer le passé, le poussant à adapter le message oral de la tradition à la situation présente.

Ceci est particulièrement vrai pour les sociétés traditionnelles africaines dans lesquelles différents genres oraux sont restés vivants, principalement au sein des communautés rurales, où l’oralité est omniprésente dans presque toute activité, tout secteur de la vie, toute situation. C’est pour cela qu’il existe des genres oraux appropriés pour quasiment toutes les circonstances, des situations les plus ordinaires aux événements sociaux de grande envergure. En effet, même de nos jours, on trouve ici et là en Afrique :

– des formules rituelles prononcées lorsque une personne éternue ou trébuche ;

– des devises et formules de louanges souvent réservées aux notables ;

– des formules de salutation, des plus simples aux plus solennelles ;

– des proverbes et genres parémiologiques connexes, pour appuyer le sens des conversations ;

– des chants pour accompagner le travail (labour, chasse, cueillette, apiculture, transhumance, etc.) ;

– des contes, légendes, fables et genres narratifs connexes, proférés lors de veillées nocturnes autour du feu ou sous l’arbre à palabres ;

– des épopées récitées surtout lors des cérémonies spéciales faisant référence au passé lointain de la communauté, etc.

Cette étude s’est donné comme objectif principal l’exploration de la fonction didactique des contes, des légendes, des fables et d’autres genres narratifs similaires dans les sociétés traditionnelles africaines, une fonction didactique à travers laquelle le schéma communicatif évoqué ci-dessus trouve sa pleine réalisation. _En effet, dans chaque situation d’enseignement de nature traditionnelle, bien souvent l’émetteur puisera de son répertoire traditionnel un genre narratif susceptible de transmettre au récepteur un message didactique approprié, adapté au contexte du moment, et surtout susceptible d’être bien compris par le récepteur récipiendaire de la leçon. La présente étude montrera comment ce genre de message didactique était mis à profit en Afrique traditionnelle, plus particulièrement lorsqu’il s’agissait d’enseigner de manière informelle l’histoire ancestrale, les origines des groupes sociaux, la structure de l’univers visible et invisible, l’écologie, les attitudes et comportements sociaux positifs et négatifs, la langue et l’art de communiquer efficacement, etc. Nous verrons que cet exercice didactique, bien que principalement destiné à la jeunesse, était aussi conçu pour les gens adultes qui, par ce biais, étaient constamment impliqués dans un processus de formation publique continue.

  1. GENRE NARRATIF ET ENSEIGNEMENT DE L’HISTOIRE ANCESTRALE

Il a été souvent dit que le présent s’inspire du passé pour préparer le futur. Ceci est généralement valable dans toutes les cultures, y compris les cultures africaines traditionnelles. Chez ces dernières, le médium favori de conservation et de transmission de l’histoire était le genre narratif. C’est à travers celui-ci que l’essentiel des valeurs sociales africaines ont été transmises de générations en générations : « The ethos of traditional society was enshrined in an oral legal, religieous, and literary tradition through which the community transmitted from generation to generation its customs, values, and norms. The poet and the storyteller stood at the centre of this tradition, as the community’s chronicler, entertainer, and collective conscience » (Jordan et al. : xi).

Etant donné qu’une partie non négligeable des valeurs transmises par le biais de l’oralité se rapportaient aux origines et au passé des groupes sociaux, l’on comprendra dès lors le rôle essentiel joué par les conteurs dans ce processus de consignation et de transmission de l’histoire des peuples africains, une histoire dans laquelle les faits objectifs étaient souvent enjolivés de prouesses surnaturelles. C’est entre autres grâce au talent des conteurs, ces chroniqueurs spécialistes du verbe, que les jeunes générations africaines étaient et sont encore initiées au passé de leurs aïeux :

– c’est en écoutant l’épopée Dausi que les jeunes Soninke apprenaient l’histoire légendaire et les pratiques chevaleresques de leurs ancêtres (Courlander :9 27) ;

– les Fulbe ont enseigné, depuis des siècles, les origines légendaires de leurs ancêtres à travers épopée Baudi (Courlander 27 37) ;

– l’épopée mandinka de Sunjata telle que rapportée par divers griots, raconte le passé glorieux de l’empire mandinka (Innes 1974) ;

– l’épopée mwindo rappelle l’histoire ancestrale des Nyanga (Courlander : 322 351) ;

– la légende de Kintu relate des épisodes de l’histoire du royaume du Buganda (Courlander 368 372) ;

– « Umugani wa Ntare » (Rodegem 328 344) raconte l’origine de la monarchie du Burundi fondée par Ntare-le-Lion ;

– “Origin of the Tsonga or Shangaan People” (Courlander : 401 402) raconte l’origine de Mashangana d’Afrique Australe.

Certains historiens paraissent avoir bien compris l’importance de l’oralité en tant que source de renseignement sur les origines et le passé des sociétés traditionnelles. C’est du moins ce que semble prouver l’approche développée par des chercheurs comme Vansina, pour qui les sources orales traditionnelles sont indispensables à la bonne compréhension du passé des peuples.

  1. GENRE NARRATIF ET ENSEIGNEMENT DES STRUCTURES DE L’UNIVERS

De tout temps et un peu partout dans le monde, les humains ont développé une certaine propension à vouloir comprendre l’univers dans lequel ils vivent et à se l’expliquer de façon consistante et rassurante. Le continent africain n’a pas fait exception à cette tendance car, comme l’illustrent les quelques exemples ci-dessous, les différentes cultures africaines se sont montrées très prolifiques dans des productions narratives visant à expliquer les mystères de la nature et les structures si complexes de l’univers. Bon nombre de ces explications se fondent sur une logique surnaturelle à la fois très fascinante et rassurante, mettant l’emphase sur le rôle joué par l’humain dans la structure de l’univers qui l’entoure, et procurant une certaine sérénité d’esprit, malgré le poids écrasant de la condition humaine.

– En effet, à l’instar de jeunes Akan, toute personne serait fascinée par les actions d’Anansi, l’araignée légendaire Akan qui a permis que la lune soit dans le ciel. C’est aussi grâce au même personnage envoûtant que les Akan auraient acquis des houes, des contes, etc. (Courlander : 135 153).

– Les spéculations autour de la découverte du feu trouveraient une réponse appropriée dans la légende Efik, selon laquelle le feu aurait été découvert accidentellement par une vieille femme maladroite. Celle-ci aurait raté son coup en voulant casser à la machette une noix qui était posée sur une meule en pierre (Courlander : 278)._

– Les Nyanga, quant à eux, apprennent aux enfants que c’est le chien qui leur aurait apporté le premier feu, le premier plant de bananier, en plus d’avoir appris aux humains le langage des animaux (Dorson : 381)

– La légende de Kintu (Courlander : 368 372) explique la cosmogonie des Baganda ainsi que les origines de l’agriculture et de l’élevage qui leur seraient venus du ciel.

– “How the Mountains and Rivers Were Made” (Courlander : 376 379) raconte l’origine des montagnes et des rivières du Kenya Oriental, chez les Akamba.

– “How the Massai Got their Cattle” (Courlander : 510 511) explique l’origine du légendaire attachement des Massai à leurs troupeaux de bétails, qu’ils auraient reçus du demi-dieu Naiteru-Kop aux dépens de leurs voisins Dorobo.

– Nous tenons des anciens San que le soleil était initialement un homme qui a été lancé par des enfants dans le ciel. Depuis ces temps lointains, l’homme en question est en lutte constante contre la lune (Courlander : 489 491).

– Du peuple KhoiKhoi nous vient la légende selon laquelle la mort serait arrivée sur terre à cause du lièvre qui aurait sournoisement intercepté puis déformé un message que la lune avait envoyé aux humains.

– Les anciens Mensa Bet-Abrehe prônaient, quant à eux, que la mort est une malédiction pour les hommes révoltés contre un dieu qui les avait créés (Courlander 550)

– « Yani-des-Eaux » de Léon Damas (Harris et al. 93 107) présente la conception guyanaise des races humaines et des êtres fabuleux comme la sirène appelée aussi Manmand’leau.

Les idées abordées ci-dessus pourraient être synthétisées par ce qu’a écrit Okpewho eu égard au rôle joué par l’oralité dans les sociétés africaines :

« We have seen oral literature in the service of members of the society, whether individually or in relation to one another, making it possible for them to come to terms with the world in which they live. A much wider service provided by oral literature is to give the society […] a collective sense of who they are and to help them define or comprehend the world at large in terms both familiar and positive to them » (110).

Cette manière fascinante de définir le monde selon une logique simple, familière et positive a fait du genre narratif un outil pédagogique imbattable, grâce auquel plusieurs générations de jeunes africains ont été depuis longtemps initiées aux mystères de l’univers. Il ne serait pas exagéré de dire que la fonction pédagogique dont il est question ici allait au-delà d’une simple initiation. En effet, toute narration proférée visait implicitement à renforcer chez chaque membre de l’auditoire le sens de l’identité, une identité multidimensionnelle, à la fois individuelle, communautaire et universelle.

 

  1. GENRE NARRATIF ET ENSEIGNEMENT DE L’ECOLOGIE

La complexité de la vie et les interactions entre différentes espèces écologiques de notre univers ont toujours fasciné les humains, les incitant à bâtir des théories écologiques, parfois complexes, à travers des productions narratives de nature étiologique. Ce sont des théories explicatives dans lesquelles chaque espèce significative dans la vie de la communauté trouvait sa place et sa raison d’être en ce monde. Pour cela, plusieurs astuces narratives étaient mises en action, comme le fait d’humaniser animaux et végétaux ou d’attribuer aux humains des traits normalement réservés aux espèces non humaines. Afin d’expliquer de manière logique des détails écologiques intrigants ou certains mystères de la vie, il n’était pas rare que ce genre de productions narratives fassent elles aussi côtoyer et interagir le naturel et le surnaturel, ce qui rendait les histoires plus captivantes, surtout pour l’auditoire jeune auquel étaient destinées beaucoup de narrations, comme celles données en exemple ci-dessous :

– afin d’initier les jeunes Yoruba au respect des animaux, on leur racontait que les premiers jumeaux étaient nés à la suite d’un mauvais sort jeté par des singes à la femme d’un cultivateur. Ce dernier avait pris l’habitude de chasser les singes de ses champs. (Courlander : 237 8) ;

– il existait chez les Akan diverses légendes pour expliquer aux jeunes par exemple pourquoi les humains ont une langue rougeâtre, pourquoi les araignées tissent souvent leurs toiles dans des coins sombres, pourquoi les serpents morts tournent leur ventre au ciel, etc. (Courlander :91 153) ;

– “The Ant and the Termite” (Dorson 375 377) est un conte gbaya sur les réactions en chaîne dans la nature ;

– un autre conte “Eagle, Python, and Weaverbird” (Dorson 371 375) enseignait au Gbaya pourquoi le tisserin a des yeux rouges et vit près des habitations humaines ;

– “Choosing a King” (Jordan et al. :266 277) explique de façon détaillée le monde aviaire du point de vue de la culture ancestrale Xhosa ;.

– “The cloud-Eaters” (Courlander : 495 496) explique pourquoi l’hyène a des pattes postérieures plus courtes que les pattes antérieures, selon les conteurs KhoiKhoi ;

– “The Origin of Death” (Courlander 499) attribue la forme fendue du museau du lièvre à un coup de bâton que la lune lui a asséné. C’était pour le punir d’avoir altéré son message envers les KhoiKhoi ;

– “Why the hippo has a Stumpy Tail” (Jordan et al. 263 5) explique que la queue de l’hippopotame a été coupée par l’éléphant fâché par un tour que le malin lièvre venait de jouer aux deux pachydermes ;

– l’araignée haoussa aurait joué un tour similaire aux deux poids lourds de la jungle, en leur volant successivement de la nourriture en temps de famine (Courlander : 62 65) ;

– la liste pourrait être clôturée par deux contes du peuple Nyanga : Le premier, “Origin of the Enmity between Dog and Leopard” (Dorson :381 384), raconte l’origine de la haine entre le chien et le léopard ; tandis que le second, “Trapper, Gatherer-of-Honey, and Cultivator” (Dorson :384 385), fait l’éloge de la cohabitation harmonieuse entre groupes de gens pratiquant différentes activités économiques.

Après avoir longuement analysé les contes nyanga, Dorson nous livre ses réflexions en ces termes :

« In these tales, the Nyanga express a certain interpretation of their universe that justifies the causes and reasons for certain conflicts between animals, for certain animal habits, and for the attitudes men hold about animals » (381).

Il est à remarquer que, un peu partout en Afrique, le genre narratif foisonne d’histoires faisant état d’interactions, souvent conflictuelles, entre différentes espèces animales ou entre humains et animaux. C’est cette observation du monde environnant, combinée à l’interprétation des interactions entre diverses espèces écologiques, qui ont permis de faire des contes étiologiques africains des outils pédagogiques de choix pour l’enseignement de l’écologie.

  1. GENRE NARRATIF ET ENSEIGNEMENT DE LA MORALE SOCIALE

De nos jours, bon nombre de parents ont développé cette routine de demander à leurs enfants qui rentrent de l’école comment était leur journée. Dans les sociétés africaines traditionnelles, lorsque les familles se réunissaient lors des veillées vespérales, beaucoup de parents avaient l’habitude d’encourager les enfants à raconter leur journée, ce qu’ils avaient fait, ce qu’ils avaient vu ou entendu, etc. A partir de faits vécus pendant la journée, les meilleurs conteurs adultes devaient trouver dans leurs répertoires narratifs des histoires faisant allusion aux faits similaires à ceux vécus par un ou des membres de l’audience. C’est pourquoi certains chercheurs ont comparé ce genre de rencontre vespérale à une sorte d’école, tandis que Minyono-Nkodo applique la comparaison à l’oralité africaine en général :

 

« La littérature orale était une véritable école. Répertoire de préceptes, illustration de modèles vivants : modèles sociaux, types humains, elle apprenait la sagesse africaine qui est à la fois sens social, sens de la vie, éthique et esthétique » (61).

L’oralité est ici considérée comme une forme d’initiation accélérée à la sagesse ancestrale et à la norme sociale, une norme dont les composantes sont illustrées, de façon consistante, par le comportement des protagonistes des contes. Ceci a fait dire à Cauvin que « [l]es textes de l’oralité sont très souvent porteurs de normes, soit parce qu’ils font appel à des valeurs reconnues par la société, soit parce qu’ils décrivent un comportement pratique tiré de l’expérience » (37).

A l’école de l’oralité, et du genre narratif en particulier, les attitudes et comportements conformes à la norme sociale sont toujours présentés comme générant automatiquement des conséquences positives pour le héros ou pour sa communauté ; tandis que les conduites négatives sont décrites comme des sources de malheurs, entraînant toujours des conséquences négatives pour l’antihéros. Ces faits pourraient être illustrés par les exemples ci-dessous :

– à travers le conte xhosa de « Nomxakazo » (Jordan et al. : 99 152) et sa version-sœur zulu « Umkxakaza-wakogingqwayo » (Courlander : 443-456) les jeunes étaient initiés au respect des coutumes ancestrales. On leur rappelait aussi que la vie humaine est sacrée, et que tout le monde, petit ou grand, est tenu de la respecter ;

– le conte « A Girl Is Cast Off by Her Family » (Dorson : 389 400) relate les aventures d’une fille qui, grâce à sa pureté d’esprit, est protégée par les esprits des eaux contre la haine de ses parents. Il était conté aux jeunes Xhosa pour leur rappeler l’importance d’avoir un esprit pur ;

– « The Donkey Who Sinned » (Courlander : 542) et « The Goat Who Killed the Leopard » (Courlander : 543) sont des contes abyssiniens fustigeant la loi du plus fort. Ils dépeignent, d’une part, le lion, le léopard et l’hyène qui s’en prennent à l’âne ; d’autre part, le léopard qui a peur de s’en prendre à l’éléphant qui a tué son petit et en accuse à tort la chèvre ;

– « The lion’s share » (Courlander : 573 574) est un conte somali qui se rapproche des précédents. Il relate comment le lion a eu la plus grosse part d’un gibier, un chameau, qui aurait dû normalement être partagé équitablement entre le lion, le chacal, le loup et l’hyène ;

– « The Falcon’s Daughter » (Dorson :159 163) est un conte égyptien qui fustige l’inceste et enseigne que tout crime finit toujours par être puni ;

– « The sparrow and the king » (Dorson :164 165) est un conte tunisien qui montre que l’injustice des grands ne paie pas et que le plus petit peut triompher du plus grand.

Cette catégorie de contes moraux met souvent en action des animaux qui incarnent les caractères humains, les attitudes et comportements sociaux positifs ou négatifs, selon une symbolique sociale généralement bien connue. Il s’agira tantôt de la puissance du lion, de la gloutonnerie de l’hyène, de la persévérance de la tortue ou de l’espièglerie incarnée par différents animaux, variables selon les régions. En effet, l’animal espiègle par excellence dans plusieurs cultures d’Afrique Occidentale, Orientale, Centrale et Australe est le lièvre. Ce dernier est remplacé par la tortue chez les Yoruba, ou par l’araignée qui porte le nom de Gizo chez les Haousa ou d’Anansi chez les Akan. Les personnages animaux espiègles ont des équivalents humains tels que le célèbre Abunuwas, alias Kibunwasi, des contes de l’Océan indien et d’Afrique Orientale, ou le fameux Samandari de l’Afrique des Grands-Lacs.

La technique narrative qui consiste à mettre en action des personnages à traits de caractères normalisés est commune à plusieurs cultures du monde. Ceci a facilité considérablement les multiples voyages des productions narratives dans l’espace, mais aussi dans le temps. Certains personnages-types des contes africains étaient tellement enracinés dans les mentalités qu’ils ont survécu à l’esclavage et se sont implantés dans les cultures afro-américaines et afro-caribéennes. En effet, selon Courlander, les histoires de l’espiègle Anansi se retrouvent dans des contes afro-américains et afro-caribéens sous le nom de Nancy, tandis que son fils Intikuma y est dénommé Terrycooma : « A great many anansesem are told today in the Caribbean and in other Afro-American communities. Anansi himself is remembered in the New World as Nancy, Aunt Nancy, and Sis’ Nancy, while his son Intikuma lives on as Terrycooma” (136). La tortue finassière Ijapa est appelée Brother Terrapin au Etats-Unis (Courlander : 221) ou Ma-commère Tortue dans les Antilles francophones (Sabbah : 64). Nous apprenons de même source que les conteurs caribéens ont également conservé dans leurs répertoires les contes du malin lièvre africain sous le nom créole de Compère Lapin. Celui-ci partage le même univers symbolique et moral avec Compère Zamba l’éléphant, Manman Dlo la sirène, Compère Tigre, et bien d’autres personnages animaux (Sabbah : 64). Ceux-ci incarnent, pour les Antillais comme pour les Africains, les attitudes et comportements que la société encourage et ceux qu’elle désapprouve.

  1. GENRE NARRATIF ET ENSEIGNEMENT DE LA LANGUE AUX PLUS JEUNES

Dans beaucoup de cultures de l’oralité, les spécialistes de la langue se sont souvent abreuvés aux sources de la narration pour faire sentir aux plus jeunes la beauté et la richesse de la langue. De manière générale, dans les sociétés de l’oralité, les enfants sont encouragés dès le jeune age à une écoute attentive de la parole, et à utiliser la langue avec efficacité et précision.

Dans diverses cultures africaines, les maîtres de la parole trouvaient habituellement dans les contes de la matière linguistique toute prête à faire assimiler. Ils s’appuyaient d’abord sur les structures fascinantes des contes abordées plus haut, pour faire assimiler aux jeunes les structures de la langue tout en les amusant. Mais au-delà de cet aspect amusant – et par conséquent captivant – des contes, la plupart des productions narratives africaines possèdent des structures linguistiques particulières qui facilitent davantage l’apprentissage de la langue. En effet, contrairement à certaines cultures qui font une distinction plus ou moins nette entre la langue littéraire et la langue de tous les jours, bon nombre de cultures africaines tendent à rapprocher le style de la langue ordinaire du style poétique. A titre illustratif, voici ce que dit Mazrui à ce sujet, concernant la cultule swahili : « […] in Swahili culture there is a school of thought which would argue that ordinary conversation should try to approximate the elegant language of poetry » (245).

La tendance à poétiser la langue ordinaire est due au statut spécial que les cultures de l’oralité réservent à la parole. En effet, dans certaines sociétés africaines, comme chez les Dogon, la parole qui est d’essence divine semble avoir joué un rôle important dans la création du monde (Griaule : 34 35). La parole a tellement de l’importance en Afrique que tout énoncé nécessite, dans la mesure du possible, une structure verbale raffinée. Le degré de raffinement verbal est variable, bien entendu, car il est généralement proportionnel à l’importance du contenu du message, ainsi qu’au degré de connaissance des subtilités de la langue par les interlocuteurs.

La profération des contes et d’autres genres narratifs apparentés nécessite un degré remarquable de raffinement. C’est à cause de ce dernier que les spécialistes de la parole se servaient du genre narratif pour fournir à la jeunesse une exposition optimale aux structures authentiques de leur langue maternelle. Peut-être faudrait-il préciser que ce genre de raffinement linguistique n’impliquait en aucune façon un recours à des structures archaïques, vieillies et non contemporaines, comme l’explique Cauvin en ces termes : « Même si un proverbe fait archaïque en Europe, c’est une stupidité de dire la même chose en Afrique où la plupart des textes oraux sont dits dans la langue de tous les jours et analysables selon les critères de la grammaire courante. Mais cette liberté se déroule dans un cadre d’habitudes linguistiques qu’il faut connaître » (13).

A l’instar des proverbes, les productions narratives africaines se sont toujours faites dans une langue authentique, aucunement ésotérique, conforme aux actes langagiers de la vie de tous les jours. Dans ce contexte, il aurait été inimaginable qu’un narrateur utilise le langage enfantin, comme celui qu’on emploie actuellement dans les livres pour enfants. C’est à une langue exacte et raffinée que le jeune auditoire était exposé ; par la suite, les jeunes étaient encouragés à imiter cette forme de langue. En demandant de temps en temps à certains enfants de narrer à leur tour des histoires initialement proférés par des adultes, les jeunes africains étaient progressivement initiés à construire des phrases bien organisées et sémantiquement correctes ; ceci est normalement le but premier de tout apprentissage linguistique.

  1. GENRE NARRATIF ET ENSEIGNEMENT DE L’ART ORATOIRE

Comme on peut s’en douter, l’apprentissage linguistique dont il était question au point précédent allait au-delà d’une simple connaissance de la langue maternelle. En étudiant les structures linguistiques à travers les productions narratives, les jeunes africains étaient également initiés à l’art de bien parler, et cette forme d’initiation est encore en vigueur aujourd’hui.

A part les situations évoquées plus haut, où il était demandé aux jeunes membres de l’auditoire de proférer à nouveau des contes qu’ils avaient entendus, les enfants étaient impliqués à des degrés variables dans la production de textes narratifs, soit seuls, soit avec des adultes lorsque ces derniers faisaient partie de l’auditoire.

L’implication de l’auditoire dans la production narrative se conçoit aisément si l’on tient compte de la conception selon laquelle, dans les cultures de l’oralité, les textes oraux ne sont pas des produits exclusifs de leurs proférateurs. A quelques exceptions près, ils étaient traditionnellement considérés comme des biens communautaires, tout comme la quasi-totalité des productions artistiques de l’Afrique traditionnelle.

Nul doute que les talents des spécialistes de la parole étaient bien reconnus, et même très bien rétribués dans certaines sociétés. Cependant, personne n’aurait pu se permettre d’ignorer le rôle primordial du public récepteur de cette oralité, car le public était le jury absolu grâce auquel toute profération acquérait un sens et une valeur sociale.

En outre, mis à part les textes hautement spécialisés comme les mythes et légendes généalogiques ou certains textes initiatiques, qui nécessitaient une expertise hors norme, tout membre de la société était potentiellement capable de dire des textes oraux, raison pour laquelle chaque profération – surtout en présence d’un auditoire jeune – était considéréecommeune initiation de futurs spécialistes de l’oralité qui, plus tard, allaient en initier d’autres.

C’est entre autres pour cela que, avant de commencer à dire un conte, il était indispensable de s’assurer d’avoir l’attention de tout le monde par une formule rituelle. Celle-ci servait également à transporter tout le monde dans l’univers magique des contes. L’attention devait rester de mise jusqu’à ce qu’une autre formule rituelle de clôture soit prononcée. C’est seulement à cet instant que le conteur et son auditoire pouvaient relâcher l’attention, car ils venaient de quitter l’univers numineux des contes, peuplé d’êtres surnaturels parfois dangereux. Nous devons à Courlander une description détaillée de ce rituel de début et de fin de contes chez les Mashangana :

« […] the old woman, / called Garingani, or Narrator, prepares for the storytelling session by unrolling a mat for herself and one for the children to sit on. At the edge of the household fire she declaims, “Garingani, n’wana wa Garingani !” – “I am Narrator, daughter of Narrator !” These are her credentials, testifying to her authority as one who received her stories from a person of the past. Her audience calls back, “Garingani !” signifying that she is accepted as Narrator. This exchange may be repeated several times. Then the woman delivers her first line of poetic narration, and her audience again calls out, “Garingani !” Each line of her story is greeted with the same response. […] When at last the narration comes to an end, the Garingani spits on the ground to mollify the spirits and makes the sound of a tree branch being placed across the village gate to keep out wild animals and malevolent creatures of the night » (404 405).

Pour des exemples similaires dans d’autres cultures africaines, il serait intéressant de signaler que plusieurs recherches ont relevé des rituels d’introduction et de clôture semblables à travers différentes aires culturelles. Ceci était le cas, entre autres, chez les Antillais (Sabbah :64), les Banyarwanda (Quaghebeur et al. : 14), les Barundi (Rodegem : 235), les Gbaya (Dorson : 360 379), les Haousa (Courlander : 62, 65), les Mbundu (Courlander : 297), les Ubulu (Okpewho : 20) ou dans la culture xhosa (Dorson : 389 426).

Il faudrait peut-être souligner que le rituel introductif de la narration renforçait l’aspect participatif de l’auditoire. En effet, toute personne répondant à la formule introductive de la narration signifiait non seulement qu’elle était prête à écouter attentivement, mais aussi qu’elle acceptait de faire le voyage rituel dans cet univers magique de la narration, s’engageant à participer de façon optimale à ce processus qui donne vie à l’histoire et à ses personnages.

Si l’on en croit Okpewho, l’audience gambienne était très impliquée dans la narration faite par le griot, de telle manière que la performance était en somme une forme de création collective :

« Many observations and comments made by members of the audience have the tendency to force the narrator to expand the text of the story by incorporating their ideas and even their phrases ; the story told under such circumstances is a sum total of the narrator’s descriptions and the audience’s observations, in the sense that the entire performance is a collaborative activity » (62).

D’autres formes de création collectives ont été observées au sein de diverses communautés d’Afrique australe. Dans cette région, l’auditoire était tellement impliquée dans la narration que certains observateurs ont eu du mal à établir une distinction nette entre le narrateur et l’audience : « There is no clear demarcation between artists and audience » (Jordan et al. : xvii)

Il y avait ailleurs d’autres formes de participations du public à la narration, certaines plus intenses que d’autres [3], mais ce qu’il importe de souligner ici, est que toute implication dans la narration nécessitait de la part des jeunes membres de l’auditoire une grande capacité d’écoute, une écoute attentive sans laquelle aucun talent artistique de conteur ne saurait se développer efficacement.

Notons enfin que, dans beaucoup de cultures africaines, certaines narrations se terminaient par des formules parémiologiques résumant le contenu moral de chaque profération en une expression lapidaire [4]. C’est en écoutant des narrations de ce genre que les jeunes apprenaient ces expressions parémiologiques, les mêmes que tout bon orateur est supposé utiliser pour agrémenter ses paroles, comme c’est le cas chez les Akan : « […] anyone who is able to quote or use proverbs usually may be regarded as a poet of a sort » (Courlander : 92). Ce sont ces formules parémiologiques qui permettent d’amplifier la portée morale de toute expression, en plus de lui donner plus de charme esthétique.

  1. GENRE NARRATIF ET FORMATION PUBLIQUE CONTINUE

Il existait dans les sociétés africaines traditionnelles une catégorie

spéciale de contes qui, en plus de former le public à l’art oratoire, servaient aussi à aiguiser l’esprit critique de l’auditoire. Ce sont les contes-énigmes [5] qui se terminaient sous forme de questions sur les attitudes, les comportements ou les actions jugés appropriés ou inappropriés. Les membres de l’auditoire étaient à tour de rôle invités à donner une réponse. Un débat pouvait éventuellement être initié afin de trouver un consensus, sinon la réponse finale était fournie par le narrateur qui concluait ainsi le conte.

Ce type de contes, peu connu dans le monde occidental, a déjà fait l’objet de descriptions intéressantes. Voici le portrait sommaire des contes-énigmes kpelle telle qu’il se lit chez Bascom :

 

« […] when a character finds himself faced by a dilemma, the narrator questions the people present and asks them the question, “If you had been in his place, what would you have done ?” And each responds in his fashion. At the end the narrator concludes, “It is Pepe who is right. The person in question acted in the same way.” The subject of a tale often consists of accomplishing a difficult task. The heroes are people or animals who, after extraordinary adventures, succeed in accomplishing together a superhuman task. The question is posed at the end : “To whom should the reward be given, seeing that each of the persons or animals involved have contributed to the success of an important undertaking ?” A good lesson in cooperative work ! » (2)

Il est clair ici que c’est le narrateur kpelle qui donne la solution finale à l’énigme. Cependant, ceci n’est pas toujours le cas ailleurs car, comme on l’apprend de même source, les Adangme concluent un conte-énigme par une réponse consensuelle : « No solution is suggested. Each of the audience must give his views and an ad hoc solution is accepted at each telling depending on the consensus of opinion of those present and the weight of the arguments advanced »(3).

Nul doute que des contes de ce genre ont grandement contribué à l’initiation au débat pour de nombreuses générations d’Africains. Bien entendu, cette forme d’initiation au débat, combinée à une éducation au discernement, ne se faisait pas exclusivement à travers les contes-énigmes. Elle était également acquise grâce à d’autres genres narratifs, à travers d’autres productions de l’oralité, et par le biais d’autres formes d’éducation informelle en vigueur dans différentes sociétés.

Par ailleurs, il serait important de souligner que l’éducation par le genre narratif était une éducation continue et ouverte à tout le monde. Toute profération était publique et ne devait exclure personne. A cet effet, la narration devait se faire au moment où tout le monde était disponible, généralement le soir lorsque le gros des travaux à l’extérieur avaient pris fin, ou au cours des veillées mortuaires, lesquelles constituaient de grands moments de rassemblement communautaire. Dans certaines régions, il était même formellement interdit de proférer certains narratifs pendant le jour. Par exemple, aucun narrateur de l’Afrique australe n’aurait osé transgresser l’interdit de narrer un mythe iintsomi pendant la journée, de peur de se voir pousser des cornes (Jordan et al. : xviii). La production narrative ne pouvait se faire dans l’intimité comme s’il s’agissait d’un secret. Même de nos jours, une narration authentique se fait plutôt dans des espaces susceptibles d’accueillir beaucoup de personnes, comme à la veillée autour du feu, où se réunissent généralement les membres de la famille, les voisins et les invités ; sinon sous les gros arbres à palabres où, lorsque le temps le permet, se rencontrent les membres de la communauté ainsi que leurs hôtes.

En plus d’être publique, l’éducation traditionnelle à travers le genre narratif était une sorte de formation continue. En effet, les textes narratifs traditionnels ont une une valeur didactique tellement profonde qu’il fallait beaucoup d’années pour l’acquérir. Du reste, à moins d’être imbu d’ego, aucun membre de la communauté n’aurait pu se targuer de maîtriser toute la richesse didactique contenue dans le genre narratif. Celle-ci s’appréhendait de manière progressive et variable selon les circonstances de profération. La narration a toujours été un genre conçu pour toute la société ; les plus jeunes y acquéraient de nouvelles connaissances, tandis que celles des moins jeunes y étaient renforcées. C’était un processus d’apprentissage continu auquel tous les membres de la communauté étaient encouragés à participer, les uns comme proférateurs, d’autres comme auditeurs.

Du reste, comme les textes narratifs avaient des niveaux d’interprétation et de compréhension variables selon les degrés de maturité des proférateurs et de l’audience, chaque personne avait beaucoup de chances d’entendre au cours de sa vie les mêmes histoires ou des versions remaniées de celles-ci. Chaque membre de la communauté avait aussi plusieurs occasions de les associer à différents événements ou de les interpréter selon les circonstances particulières de sa vie passée et présente. En outre, les mêmes leçons données aux enfants étaient constamment rappelées aux adultes, afin que ces derniers gardent à l’esprit leurs obligations sociales, entre autres, celle de toujours donner le bon exemple aux plus jeunes qu’eux.

CONCLUSION

La présente étude a analysé quelques-unes des facettes de l’éducation traditionnelle, qui se faisait par le biais des productions narratives en Afrique traditionnelle. Il n’y a pas de doute que cette forme d’éducation informelle pouvait également se faire à travers d’autres productions de l’oralité. Ces dernières devaient, tout au moins, renforcer et compléter le travail éducatif déjà assuré par la narration. Il aurait été intéressant de montrer comment cette forme d’éducation informelle était également assurée par d’autres textes oraux, mais nous avons préféré réserver cet aspect de la question à d’autres recherches.

Quoi qu’il en soit, ce qui a été dit n’a fait que prouver le rôle de l’oralité en général, et du genre narratif en particulier, dans la construction de l’identité communautaire ainsi que dans la formation de la personnalité. Le rôle en question était prépondérant dans les sociétés traditionnelles, mais il est toujours d’actualité un peu partout dans le monde, même dans les sociétés modernes. En effet, les productions du genre narratif occupent aujourd’hui une place non négligeable en éducation sociale, plus particulièrement dans l’éducation des jeunes. Pour s’en convaincre, il suffirait d’évaluer la part des contes et des mythes dans l’édition des livres pour enfants, dans les différents media pour la jeunesse, dans les manuels scolaires, et de plus en plus au cinéma. Ceci est une bonne chose en soi, mais ce qui est décevant est que, suite aux effets combinés du colonialisme, du néo-colonialisme et de la mondialisation, bon nombre de jeunes africains se régalent de productions cinématographiques occidentales telles que « Le roi lion » ou « Kirikou et la sorcière », ignorant que ces films sont des copies du patrimoine ancestral africain que des magnats malins ont su convertir en produits hautement lucratifs. D’autres jeunes oublient que leur patrimoine culturel recèle encore les originaux, ainsi que d’autres productions narratives du terroir, de loin plus authentiques et plus riches que les adaptations cinématographiques.

BIBLIOGRAPHIE

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[1] Brock University, St. Catharines, Canada

[2] Une société fondée sur l’oralité ne veut pas nécessairement dire que c’est une société sans écriture. En effet, mis à part les différents systèmes d’écritures pictographiques et idéographiques qui existaient dans beaucoup de cultures africaines précoloniales (Adinkra, Aka, Nsibidi, etc.), certaines sociétés africaines avaient aussi développé des formes d’écritures syllabiques et alphabétiques, sans que ces dernières supplantent nécessairement l’oralité. C’était le cas, entre autres, des écritures amharique, bamoun, mende, vah, vaï, etc. Ces systèmes d’écritures servaient surtout de supports de la parole, parce qu’ils aidaient cette dernière à mieux s’ancrer dans la société.

[3] Voici d’autres cas illustrant la participation du public au processus narratif :

« He was about forty years of age, a leader among the Gbaya community, and a well-known teller of tales. He invited neighbors and friends to his home for a session of tales and then before his audience of about twenty children and adults he told about Wanto (…)The audience sings along while the narrator leads with the main lines of each verse, in between quoting Wanto’s cries for help and explaining the meaning of the words » (Dorson : 364).

« The assembly of listeners are not passive observers, but are drawn into the tale and become totally involved both in its creation and consumption. There is no clear demarcation between artists and audience. This particular dialectic expresses most vividly the collectivist ethic at the center of the literary tradition and makes it possible to erect towering structures even on the meanest foundations. Although there is a teller who provides the theme and plot around which the narrative is constructed, the men, women, and children in the audience are encouraged to contribute what they can. Because of this instant feedback from the audience, the artists give their best, and in return they have their repertoire of tales enriched both qualitatively and quantitatively, which produces the vitality and dynamism of the tradition » (Jordan et al. : xvii).

« The audience for its part identifies with the plights of the characters or at least adopts a critical attitude toward their behaviors. Audience members also frequently laugh, exclaim, make comments, and do various other things to participate fully in the narrative experience » (Okpewho :108).

[4] Les formules parémiologiques clôturant les narrations sont similaires à celles qui concluent souvent les fables de Lafontaine.

[5] Nous devons à Bascom la synthèse suivante au sujet des autres termes utilisés pour désigner le type de contes que nous avons dénommés contes-énigmes :

« African dilemma tales have been reported in the literature under a variety of names, in Spanish as adivinanzas (Ramón Alvrez, 1951 : 147) and in Flemish as Rechtspraakfabels (Hulstaert and de Rop, 1954 : title).

In German they have been termed Riitsel-Erziihlung (Müller, 1902 : 155), Rütsel f ragen (Westermann 1922 : 21), Fragen (Frobenius 1921-1928 : IX, 150), Riitsel in Form einer Parabel (Schónhdrl, 1909 : 105), Parabeln (Spieth, 1906 : 595), Rechtsfragen oder Parabeln (Prietze, 1897 : 30), and Erziihlunger für Gerichtsverhandlungen (Becker-Donner, 1965 : 102).

In French they are known as énigmes (Bérenger-Féraud, 1885 : 239), contes énigmes (Trilles, 1932 : 268), contes devinettes (Holas 1952 : 81), devinettes-discussions (Fouda, de Julliot, and Lagrave 1961 : 15), devinettes-cas de conscience (L.-V. Thomas, 1958-1959 : II, 579), cas de conscience (Trautmann , 1927 : 99), choix difficile (Trautmann, 1927 : 99), questions embarrassantes (Nicolas, 1954 : 1030), récits à point d’interrogation (Adam, 1940-1941 : 137), fables juridiques (Anonymous, 1956 : title), and fables de jurisprudence (Hulstaert, 1965 : 475).

In English they have been called riddles (Rattray, 1930 : 263), riddle stories (Matola, 1907 : 214), unanswerable riddle stories (Courlander, 1963 : 116), insoluble riddle tales (Courlander, 1963 : 113), conundrums (Smith and Dale, 1920 : II, 331), conundrums in the form of little stories (Macdonald, 1882 : I, 47), conundrum and problem stories (Schwab, 1947 : 447), problem stories (Fletcher, 1912 : 90), problem tales (Cardinall, 1931 : 204), and folk problems (Gay and Cole, 1967 : 25) » (Bascom : 4).

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