COMPRENDRE LES POEMES DE L. S. SENGHOR de L. Kesteloot EDITIONS ST-PAUL-PARIS 1987
Ethiopiques numéro 50-51
Revue trimestrielle de culture négro-africaine
Nouvelle série-2ème et 3ème trimestres 1988-volume 5 n°3-4
On a beaucoup écrit sur celui que beaucoup considèrent comme le plus grand poète négro-africain de langue française. Son œuvre a été étudiée, disséquée, et toujours il y reste encore à découvrir. Que l’on mette l’accent sur ce que traditionnellement on appelle le « fond » ou la « forme », que l’on soit partisan ou adversaire de la théorie de la Négritude, que l’on pratique une critique conservatrice de type lansonien ou qu’au contraire l’on se lance résolument dans les théories les plus en vogue (sociocritique, sémiologie), la poésie senghorienne révèle au chercheur bien des facettes cachées qui en font le charme et l’éternelle nouveauté.
La collection « Comprendre » des éditions « Les classiques africains » publie une étude de l’œuvre de Léopold Sédar Senghor réalisée par Lilyan KESTELOOT.
Mme KESTELOOT a choisi de marcher avec son temps, et l’on sent bien l’évolution qu’il y a dans la démarche entre ses Ecrivains noirs de langue française (1963) et le présent ouvrage. L’auteur, du reste, annonce clairement qu’elle s’attaque à « dévoiler les référents de la réalité spécifique dans lesquels Senghor s’enracine » et aussi « ceux du réseau de textes d’origine européenne et d’origine africaine qui constitue son origine littéraire », selon l’expression de Bernard Mouralis.
Que ce langage tout nouveau tout beau n’effraie ni ne rebute ! Le texte de Mme KESTELOOT se lit aisément. Elle applique certes les théories nouvelles, mais ne cède pas au goût outré de nombre d’auteurs pour la métalangue des nouveaux outils critiques.
Plus concrètement, et c’est là que se situe l’intérêt majeur de cette œuvre, Mme KESTELOOT nous apporte les éléments biographiques, historiques, géographiques, culturels, linguistiques qui ont le mérite de rendre la poésie senghorienne encore plus compréhensible à nombre de lecteurs non sénégalais et… sénégalais.
Car, ne nous le cachons pas, Senghor est difficile. D’aucuns, et cela a été une surprise que nous avons eue dans nos classes, le trouvent par exemple plus abstrus que Césaire ! On peut en discuter, mais, à supposer qu’il fût plus immédiatement perceptible que le poète martiniquais, cela n’ôterait rien à ce que nous en disions. Pour les générations actuelles d’élèves et d’étudiants (pour ne rien dire de leurs professeurs), tout ce qui sort du discours journalistique est jugé incompréhensible.
Et c’est là que justement se situe, encore une fois, l’intérêt de cet ouvrage.
Extrêmement bien documenté dans tous ses chapitres – et l’on peut être persuadé que Mme KESTELOOT a su obtenir à bonne source des renseignements originaux -, alternant des études thématiques (royaume d’enfance, métissage, rythme, religion, femme et amour, France…) et des propositions d’approche de poèmes (vingt, bien choisis pour refléter et les thèmes et l’évolution dans le temps de l’écriture), c’est un livre captivant, où l’enseignant et l’enseigné trouveront matière à enrichissement, où le chercheur pourra puiser tel élément biographique important, et où le lecteur pour le plaisir – car il y en a, quoi qu’on pense ! cueillera de quoi élargir son horizon.