Poèmes

BRUMES ET BROUILLARDS

Ethiopiques n°70.

Hommage à L. S. Senghor

1er semestre 2003

L’or

L’or du monde n’est pas l’or des cœurs,

L’or des cœurs n’appartient pas au monde,

Ni des pesettes des orpailleurs,

Ni des remèdes des guérisseurs ;

L’or des cœurs n’appartient pas au monde,

Entre des mondes, il est monde.

L’oiseau des mers

Des voûtes azuréennes,

Martin, maître pêcheur,

Scrute en écumeur,

Les paillettes océanes ;

Par ce geste machinal,

Martin, noble seigneur,

Tel un guide éternel,

Mène marins au bonheur ;

Parfois nonchalamment,

Martin l’impénitent,

Relâche sa proie geignante

Rejoindre la déferlante ;

Alors, à chaque signal

Paillettes tout en éveil

Frétillent sous le soleil

Pour fuir le volatile.

Les marées

Comme un vaisseau mystère

Qui vogue au gré du vent,

La vie est tributaire

De la respiration du temps ;

Quand le mouvement des flots

Répand les hautes eaux,

Le rapide des courants

Projette le surréel ;

Au moment du jusant

S’affaisse le marnage,

L’éclat du réel Efface tous les mirages.

Fantômes

Est-il vrai que quelquefois,

Malgré l’effroi et les souffrances,

Les hurlements à plein poumon

Et la fraîcheur des nouveau-nés,

Les méandres océanes

Secouent les grappes somnolentes,

Lambeaux de rêves et d’âmes errantes,

Qui s’agrippent au néant

D’un théâtre d’illusions ;

Est-il vrai que quelquefois

Toutes les pistes océanes,

Celles de Moïse et de Noé,

Font éclore dans leurs sillons

Un flot de morts et d’âmes en transes,

Pétales d’ombres et d’illusions,

Qui reflètent l’hiver soudain,

Ou le souffle sibyllin

D’une énigme océane.