Notes

« BEGEGNUNGEN UND EINSICHTEN » par Willy Brandt (Hoffmann und Camp éd) pages

Ethiopiques numéro 18

Revue socialiste

de culture négro-africaine

avril 1979

 

« Rencontres et regards à l’intérieur des choses », ainsi pourrait-on intituler littéralement le récent ouvrage du Président de l’Internationale Socialiste, Willy Brandt, ouvrage qui vient d’ailleurs de faire l’objet d’une traduction française [1].

Il s’agit en fait, derrière ce titre assez vague, du bilan politique établi par un homme qui, durant les 15 ans qu’il évoque (1960-1975), a joué un rôle européen et international de premier plan.

On connaît l’histoire et la vie de Willy Brandt, jeune militant socialiste révolutionnaire pourchassé par les nazis, fuyant en Norvège, dont il devient citoyen avant de revenir, à la chute de Hitler, dans sa patrie d’origine où il est bientôt élu maire, de Berlin­Ouest, leader du Parti Social-démocrate et enfin Chancelier fédéral. Destin fulgurant tissé de drames et de succès éclatants jusqu’à la fameuse affaire Guillaume-espion prosoviétique infiltré dans l’entourage immédiat du Chancelier – qui conduira Brandt à prendre du champ vis-à-vis de la politique allemande et à se consacrer quasi exclusivement au socialisme international.

« Begegnungen und Einsichten » ne retrace pas les péripéties de cette aventure personnelle hors du commun. Le livre commence très exactement le 13 août 1961. Une chaude journée d’été, avec l’édification du « Mur » de Berlin décidé par Walter Ulbricht, le leader communiste d’Allemagne de l’Est. Il s’achève, ou presque, sur un voyage en Espagne et au Portugal, jeunes démocraties encore fragiles, à peine émergées de la nuit des dictatures.

Mais entre ces deux périodes, ces deux pôles politiques pourrait-on dire, que d’événements ! Que de figures historiques rencontrées ! John Kennedy et Charles de Gaulle, Adenauer, Erhard et Harold Wilson, Nehru, Brejnev, Nixon, Soarès, Mitterrand, Golda Meir, Senghor, Henry Kissinger, Willy Stoph, Boumedienne, Tito, Sadate, autant de noms qui renvoient aux problèmes du moment, autant de personnages cruciaux avec lesquels Willy Brandt a discuté ou négocié, âprement parfois.

Par-delà des anecdotes qui ont pour mission de rendre ce livre sérieux plus alerte et plus vivant, apparaît surtout en filigrane une ligne politique d’une constance inébranlable, et s’impose irrésistiblement l’image d’un socialiste, pacifiste et d’un internationaliste de notre temps.

Willy Brandt ne plaide pas, il témoigne. Mais il témoigne de l’engagement de toute une vie : de la lutte pour une société plus juste, plus libre, plus fraternelle, plus pacifique. Et ce sont là les quatre axes qui déterminent, dans les faits, sa politique, ses relations avec l’Est (l’Ostpolitik) comme sa solidarité avec les peuples du Tiers-Monde, sa conduite de la politique intérieure allemande comme sa volonté européenne.

Chacun des problèmes évoqués, et ils sont légions : la détente, le désarmement, et la sécurité collective, la réunification de l’Allemagne, la « grande coalition », entre socialistes et chrétiens-démocrates en République fédérale, la politique des « petits pas » au Moyen-Orient, l’extension de la Communauté Economique Européenne, le rôle de l’Internationale Socialiste, concourt à confirmer la griffe de la ligne Willy Brandt, l’empreinte laissée par ce socialiste d’aujourd’hui sur un monde en ébullition et en mutation.

« Begegnungen und Einsichten » qu’on se réjouit de voir traduit enfin en français est un livre important. Non seulement comme document historique mais encore comme perspective offerte à la réflexion des hommes épris de progrès, de justice sociale et d’entente entre les peuples.

[1] W, Brandt. « De la guerre froide à la détente » Gallimard, 1978).