ALLOCUTION D’OUVERTURE PRONONCEE AU NOM DU PRESIDENT LEOPOLD SEDAR SENGHOR PAR LE GENERAL IDRISSA FALL, DIRECTEUR GENERAL DE LA FONDATION LEOPOLD SEDAR SENGHOR.
Ethiopiques n°54.
Littérature, philosophie et art
2er semestre 1991
Au cours des mois écoulés, la Fondation L.S. SENGHOR a participé à un certain nombre d’événements culturels au Sénégal et à l’étranger.
C’est ainsi que :
– une délégation conduite par le Directeur Général a assisté à la Foire du Livre organisée à Saint-Louis sous l’égide du Centre Culturel Français. (18-20 octobre 1991).
– Le Directeur Général et le Directeur de la Rédaction, accompagnés d’une forte délégation ont participé aux travaux de la 14e Biennale de la Langue Française, à Lafayette – Louisiane, USA – du 28 octobre au 07novembre 1991.
– Le Directeur Général, le Directeur de la Rédaction et le Chef de la Diffusion out participé aux travaux du Colloque international de Sédhiou.
En attendant la publication de dossiers sur ces deux demiers événements, nous vous proposons ici, le texte de l’Allocution prononcée par le Directeur Général à la Foire du Livre de Saint-Louis.
Mesdames, Messieurs,
J’éprouve une joie toute particulière à représenter le Président Léopold Sedar SENGHOR ici, à Saint-Louis du Sénégal, à l’occasion de cette foire organisée par les services culturels de l’Ambassade de France.
Je voudrais souligner la qualité d’initiative heureuse de cette fête du livre dans la capitale d’une de nos régions les plus prestigieuses pour le passé culturel, un foyer de métissage par excellence, et les perspectives de renaissance économique et culturelle.
Saint-Louis est, en effet, une cité bien choisie pour cette manifestation destinée à donner les meilleures bases à une vie culturelle collective et individuelle. II vient à l’esprit de beaucoup d’entre nous, en cet instant, grâce au livre, l’image bien illustrée que le romancier Ousmane Socé a élaborée de Saint-Louis des années 30 : » Saint Louis du Sénégal, vieille ville française, centre d’élégance et de bon goût sénégalais « . La cité de Karim a vécu une certaine éclipse qui a fait oublier ce prestige d’antan, mais une aube nouvelle est déjà là, à Saint- Louis, avec la deuxième université du pays, l’université de Saint-Louis, et la situation de ville proche de grands équipements pour la production et le développement, les barrages sur le Fleuve Sénégal.
La foire du livre vient donner de la consistance aux espoirs légitimes de vie économique et culturelle prospère, suscités par les nouveaux atouts de notre capitale du Nord qui va devenir une métropole d’équilibre. II est heureux (pourquoi ne pas le répéter ?) que les services culturels de l’Ambassade de France aient décidé de contribuer à nous faire croire à la nouvelle aube de Saint-Louis. L’événement est, en effet, majeur en raison de l’importance du livre dans notre civilisation moderne et de l’intérêt particulier que nous avons à la diffusion du livre, au développement de la lecture. Une nation qui lit est sur le chemin du développement.
Le rôle du livre dans la renaissance culturelle et le développement mérite d’être souligné ici, aujourd’hui, à cette occasion des plus opportunes. Une civilisation de l’audio visuel, qu’il serait vain de tenter d’éloigner de nos latitudes, ne doit pas signifier pour nous le retour inconsidéré à l’oralité : le dialogue solitaire avec des présences invisibles que le parcours des pages révèle demeure un moyen sur de culture, le moyen de résister à la vitesse qui rend les images fugaces et l’expérience éphémère, sans lendemain formateur. La culture vraie, celle qui fait de l’homme un être de qualité, celle qui fait le charme des relations humaines, la culture qui entretient la mémoire de tout ce qui fut le meilleur dans la formation des hommes inventée par les ancêtres qui nous ont précédés sur la terre des hommes, la culture qui fait des hommes créatifs, dynamiques, organisateurs, concepteurs et réalisateurs de leur destin collectif, la culture vraie avons-nous dit, la seule digne de ce nom, ne sera jamais acquise par l’homme sans effort, jamais sans lecture active.
Sans doute, les supports des oeuvres d’imagination sont-ils aujourd’hui divers : la pellicule, la bande de radiocassette, celle de vidéocassette tout comme la toile pour la peinture où les matériaux des autres arts plastiques offrent des possibilités immenses de multiplier les formes des objets, des oeuvres d’art instruments de la formation de l’esprit et de la sensibilité esthétique. Les lectures d’oeuvres d’art sont, pour cette raison, très variées. La différence avec celle du livre fait la valeur particulière du livre. Lire l’écrit, lire le livre est la base de la culture solide. II ne faudrait pas, en effet, que tel un grand mathématicien qui, spéculant et théorisant, aurait oublié qu’il lui a fallu d’abord apprendre sa table de multiplication, le lecteur, fasciné par l’agrément des arts du spectacle qui tendent à rendre le public passif, soit séduit au point que la lecture du livre soit presque pour lui ; comme une épreuve. Non, Mesdames, Messieurs de la culture vraie, ce dérapage n’est pas souhaitable. La lecture seule cultive véritablement. Les salles obscures, la vidéo, etc. ont leur mérite qu’il faut reconnaître. Mais la lecture de l’écrit devrait précéder et suivre celle des autres oeuvres d’art. Une vie culturelle organisée et intense fait de l’écrit, journal et livre, l’instance de validation des autres oeuvres d’art. Une foire du livre est, par conséquent, l’un des piliers les plus importants de l’architecture de la vie culturelle.
Ceux qui, comme les responsables de l’action culturelle à l’Ambassade de France au Sénégal, ont compris ce rôle de l’écrit et l’importance du livre et qui, en conséquence, nous aident a éviter le dérapage de paresse, pour assumer la véritable culture, ceux-la sont de grands amis de notre pays tout entier, des amis soucieux de notre développement.
Le livre, en effet, n’est pas seulement le véhicule de la qualité esthétique qui forme la sensibilité, pas seulement le véhicule de la vérité scientifique qui permet à l’homme de se rendre maître et possesseur de la nature, selon la formule de Descartes ; le livre, c’est aussi le véhicule du savoir- faire technique et technologique qui libère l’homme en mettant, entre ses mains et la nature physique, les instruments d’efficacité sur la nature. La littérature, en effet, est bien variée pour la diversité de la vie culturelle : elle est générale, artistique, technique et technologique ; elle est également spirituelle. De la Bible et du Saint Coran aux brochures pratiques d’initiation technologique, l’écrit, le livre demeure l’instrument, par excellence, du pouvoir de l’homme sur la nature, sur son destin, sur l’organisation salutaire de sa vie sur terre, sur la réalisation du développement en un mot.
Tout cela montre que par l’amitié, la bonne volonté et l’initiative heureuse, les représentants de la France au Sénégal aident cette vieille région de l’espace francophone à organiser une vie culturelle pour le développement.
Je voudrais, au nom du Président Léopold Sedar SENGHOR et en ma qualité de Directeur général de la Fondation L.S. SENGHOR, remercier l’Ambassade de France et ses services culturels d’avoir pensé au Poète, ancien Président du Sénégal, pour présider cette belle cérémonie.
Longue vie à la foire du livre de Saint-Louis du Sénégal.
Je vous remercie de votre aimable attention.
-EDITORIAL DU GENERAL IDRISSA FALL