Notes de lecture

AGIR POUR LES DROITS DE L’HOMME AU XXIème SIÈCLE, TEXTES INEDITS REUNIS PAR FEDERICO MAYOR, EN COLLOBORATION AVEC ROGER – POL DROIT EDITION UNESCO, 1998, 183 PAGES.

Ethiopiques numéro 62

revue négro-africaine

de littérature et de philosophie

1er semestre 1999

Ce petit livre des Editions Unesco propose trente-deux textes sur la « défense, l’extension et l’application » des droits de l’homme par toute la terre, suivant le programme retracé en ouverture par Federico Mayor, directeur général de l’organisme onusien. Rédigés par des Prix Nobel de la paix, des philosophes, des musiciens, des scientifiques, des écrivains, des organisations internationales ou non gouvernementales, et une personnalité religieuse venus de tous les horizons, ces textes présentent des idées concrètes pour stimuler cette « dynamique » des droits de l’homme non seulement en matière d’éducation et de liberté, mais aussi en rapport avec les problématiques précises des « mutations » rapides auxquelles nous assistons aujourd’hui, et des droits des « sans pouvoir ».

Obéissant à des impératifs de clarté et de concision, chaque texte reflète cependant la situation particulière dans laquelle est engagé son auteur et éclaire ainsi une dimension singulière de la souffrance humaine. Il se dégage donc de l’ensemble un discours polyphonique sur les droits de l’homme qui n’enregistre qu’un seul couac. En effet, il s’est agi pour la majorité des auteurs de considérer l’homme en tant qu’homme, et même comme l’écrit le biologiste français Henri Atlan, en tant que forme humaine (p. 57-60), et ceux qui défendaient les droits de groupes précis, l’ont fait dans le cadre d’une conception universelle de la dignité humaine. Le philosophe indien Daya Krishna a tenu pour sa part à pointer le doigt sur le caractère non universel de cette notion de droits de l’homme, trop adaptée à son gré à l’évolution politique et économique de l’Occident. Cependant, les textes réunis ici montrent surtout l’universalité de la souffrance humaine, et l’universalité du souci qu’inspire cette souffrance.

Les textes les plus intéressants en l’occurrence sont ceux qui décrivent une expérience précise et proposent en conséquence des remèdes aussi bien préventifs que curatifs. Tels sont, évidemment, surtout ceux présentés par des organisations internationales et non gouvernementales de lutte contre la souffrance sous toutes ses formes : Anmesty International, Unicef, Médecins du monde. Cette dernière organisation souhaite, par exemple, la création d’un Bureau international humanitaire, espace paritaire entre les Etats de l’ONU, les institutions internationales humanitaires et les ONG, organisme qui permettrait de sortir de la logique des Etats et des seigneurs de la guerre pour défendre efficacement le droit à la vie dans les situations de conflit (p. 114-125). Mais outre cette catégorie de textes dans laquelle on peut inclure la plupart de ceux écrits par les Prix Nobel de la paix, on peut trouver dans l’ouvrage les conclusions actuelles de réflexions poussées sur la douleur, la précarité, la violence, ainsi que sur les libertés, l’universalité et l’éthique.

Ce dernier mot est sans doute le maître mot de l’ouvrage. Qu’il faille, avec le musicien russe Mstislaw Rostropovitch partager la musique avec les plus humbles, ou lutter contre l’indifférence avec le prix nobel américain Elie Wiesel (optique dans laquelle le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne propose une idée très concrète (p. 144-145), ou émanciper la notion de dignité humaine des critères d’évaluation basés sur la rentabilité financière avec l’écrivain français Viviane Forrester, il s’agit toujours de restaurer une image de l’homme pour laquelle vivre aurait un fondement éthique et ne serait pas réduit à la bestialité de la souffrance, de la peur et du manque.

Sortir du XXe siècle, époque dans laquelle, comme l’écrit Federico Mayor, « d’inconcevables massacres ont été perpétrés » – et continuent malheureusement de l’être – exige un considérable tribut d’intelligence. Nous en avons ici une belle moisson, et il ne reste plus qu’à « agir » pour que les idées proposées aujourd’hui soient la réalité du XXIè siècle.