Poème

ACROSTICHE

Ethiopiques n° 78

Littérature et art au miroir du tout-monde/Philosophie, éthique et politique

1er semestre 2007

Et je redis ton nom !

Les longs rugissements s’écoulent se nourrissant de ta faim,

Et t’assoiffent de tanns brûlants d’ondes de l’entre-deux-mondes.

Où que tu ailles, tes pas s’ancraient dans l’imparfait présent

Pour que ressurgisse le passé lointain de l’hier des enfances humaines.

Ouvre-toi, mémoire moirée d’olive qui sait la naissance de toutes choses !

Levez-vous souvenirs fauves, la chasse est ouverte, brèche dans l’Arche qu cherche sa rive.

Dites les mots que les langues, sectionnées par le tableau noir de la civilisation, retiennent dans leur salive.

S’enfuit, au sillage de ton nom, la honte sauvage du pâtre vêtu de sa chair et orné de sa frêle récade.

Et s’approchent, félins, dans la transparence du soir, les rêves d’un Ckaka qu’aucun Issanoussi n’aurait damné d’obscurs breuvages.

D’un Ckaka lamarque jusqu’au bout de sa lignée offerte par la bis et blonde Nolivé.

A l’horizon de ces rêves, que ta patience d’éléphant en marbre porte,

l’histoire s’écrivait avec des possibles qu’aucun rêveur n’osa rêver.

Ressuscitant le passé enseveli sous le mensonge officiel de ceux qui possèdent le savoir mais ont perdu la connaissance balsamique de l’Eden.

Seigneur, griot d’une race qui s’ignorait un peu plus chaque aube blanche passant pesamment sur ton ciel saturé de clarté.

Et que tu bousculas à coups de vers déversés du haut de ta chaire de paisible conquérant du parchemin et du paysage.

Non, je ne sais de vainqueur, en ce continent brûlé, plus pacifique dans ce combat de l’homme seul dressé contre des siècles de loi et qui dit

« Non, je ne suis pas cet animal domestiqué, ni ce singe savant, non !

Guimms qu’accompagnent Kôras et Balafongs furent mes fontaines

Bien avant que ne m’enivrent la noble syllabe latine et la gentille grammaire de France ».

Héraut harassé de science cultes et occultes, tu n’as su que

Regarder l’émouvante beauté des corps dans leur mouvance et le décor des âmes bouleversées par d’œcuméniques amours.

Oui, je redis ton nom : Léopold Sédar Senghor, guelowar d’une Afrique orpheline de ta sagesse !

Redis-moi ton sang gorgé d’encre, blessé d’arythmie, qui dénonce les hauts pôles de tes peuples !

Créteil, le 5 mai 2007