Développement et sociétés

4.MATÉRIALISME ET RELIGION DANS L’ANTIQUITÉ

Ethiopiques numéros 37-38

Revue trimestrielle de culture négro-africaine

Nouvelle série 2eme et 3ème trimestres 1984 volume II n° 2-3

L’énoncé du titre ne peut manquer de déclencher un certain réflexe mettant en corrélation le matérialisme, la science et l’athéisme d’un côté, et de l’autre l’idéalisme la métaphysique et la religion.

D’aucuns s’attendent donc à l’exposé d’un conflit dont Lénine a justement rappelé la persistante pour ne pas dire la longévité.

« La lutte du matérialisme et de l’idéalisme a-t-elle pu vieillir en deux mille ans d’évolution de la philosophie ? La lutte des tendances ou des lignes de développement de Platon et de Democrite a-t-elle vieilli ? Et la lutte entre la négation et l’admission de la vérité objective ? Et vieillie de même la lutte des adeptes de la connaissance suprasensible contre ses adversaires ? »

(Lénine, Matérialisme et empiriocriticisme t. 14, pp.132 – 133).

On voit donc que les corrélations entre matérialisme et science d’un côté, idéalisme et religion de l’autre sont perçues, l’antinomie entre les deux couples est réelle et on ne saurait aborder ce sujet en la taisant.

Mais il y a un problème : à partir de quand le conflit entre matérialisme et religion devient ouvert ?

Olivier Bloch faisait remarquer à juste titre « …l’opposition matérialisme / religion, c’est quelque chose qui est clair pour nous, quelque chose qui est clair depuis le XVIIIe siècle au moins, mais l’opposition ainsi définie n’est pas mécaniquement transposable à des époques plus anciennes. Le matérialisme a une histoire, la religion, les religions aussi, et dans ces histoires respectives il y a bien des changements dans les formes et dans le contenu ; qu’il suffise ici de remarquer que matérialisme et idéalisme sont des positions philosophiques (souligné par l’auteur) supposant donc l’existence de la philosophie, existence dont chacun sait qu’elle est plus tardive que celle de la religion, existence qui entre dans une autre histoire ( au sens d’histoire particulière ) que celle de la religion. Ceci pour dire que d’une certaine façon, l’opposition matérialisme / religion ne devient une opposition pertinente qu’assez tardivement, quand on se place du moins dans la perspective de l’antiquité à savoir lorsque l’un et l’autre sont suffisamment développés pour que l’opposition prenne forme ». (Olivier Bloch, « Matérialisme et critique de la religion dans l’Antiquité » in Philosophie et Religion : (CERM, 197… pp. 7 – 8).

Puisque les hostilités ont tardé à se manifester, comment a pu se faire la cohabitation ; la coexistence était-elle toujours pacifique ?

Pour répondre à cette question nous pouvons suivre deux grandes pistes :

-La première nous permettra de situer la place du matérialisme dans les cosmogonies anciennes de l’Afrique et l’Asie.

-La seconde pourra nous éclairer sur la systématisation opérée par quelques penseurs matérialistes de l’Antiquité gréco-latine.

1.De l’universalisme du matérialisme

Cogniot nous signale que « certains matérialistes de l’Inde ancienne ont admis que toute chose existante se composait de particules hétérogènes de feu, d’eau, d’air et de terre, contenues, dans l’éther, ils croyaient à l’existence de substances originelles, de matières primordiales, d’où procédaient toutes les substances, tous les corps connus. Des penseurs de la Chine antique ont pareillement posé les « éléments primitifs » parmi lesquels ils comptaient, outre l’eau, le feu, la terre, le métal, et le bois ; ils expliquaient par ces « origines » les impressions du goût, salées, douces, amères etc. Dans le Livre de l’harmonie des ténèbres, il est dit que « la conscience naît des choses et meurt aussi dans les choses ». Les matérialistes chinois défendaient également l’idée de particules primitives contraires, positives et négatives existant dans la nature ». (Georges Cogniot, Le matérialisme gréco-romain, ed. Sociales, 1964, p. 15, voir aussi Ai Siqi Matérialisme dialectique, Matérialisme historique, ed, du Centenaire, 1980, pp. 16 – 21).

  1. Hebert ajoute pour le cas du Japon « comme la plupart des autres cosmogonies le Shintô en visage le passage de l’incréé au créé comme un développement progressif à la fois de la matérialisation et de la multiplicité, mais il est suivi dans un deuxième stade par une confrontation entre les forces positives et les forces négatives et glisse insensiblement dans un troisième stade, vers l’organisation du monde et la protohistoire de l’humanité ». (J. Hebert, cosmogonie japonaise, Paris, Dervy-livres 1977).

Dans les cosmogonies polynésiennes, on note le principe des « eaux primordiales plongées dans les ténèbres qui se séparaient à l’apparition de la lumière. Alors ciel et terre se forment ». (M. Bucaille, la Bible, le Coran et la Science, Paris, Seghers 1976, p. 150).

On aurait pu continuer la liste en interrogeant d’autres cosmogonies, entre autres celles des religions africaines dites « traditionnelles » ou « animistes ». Cela ne ferait que renforcer notre conviction à savoir l’existence d’un noyau matérialiste dans ces cosmogonies.

Pour certains penseurs de l’Antiquité, l’élaboration ou l’acceptation des théories matérialistes va de pair avec la négation des dieux et d’une vie future, c’est le cas des varhaspatyas ou athées [1] de l’Inde. Ainsi « Vrihaspati le fondateur de l’école des athées, attaqua les vedas et les brahmanes, avança que tout le système hindou était une invention des prêtres, occupés à s’assurer à eux-mêmes des moyens d’existence. L’ Agnihotra, dit-il, les trois vedas, les tridandas, l’usage de se frotter de cendres, n’ont d’autre objet que de former un patrimoine en faveur de ceux qui n’ont ni intelligence ni caractère. On ne peut donner d’autre raison des cérémonies que les brahmanes ont instituées pour les morts que leur envie de se procurer un patrimoine, et encore les trois auteurs vedas étaient des bouffons, des misérables, des pervers ». (J. p. Remusat, Essai sur la cosmographie et la cosmogonie des boudhistes d’après les auteurs chinois, Paris, Impr. Roy. 1843, p. 135).

Tous les penseurs de l’Antiquité n’ont pas eu une attitude aussi radicale que celle de Vrihaspati (ou Brhaspati).

En effet on a pu noter d’une part que dans beaucoup de ces cosmogonies, un rôle pouvait être laissé aux divinités et que d’autre part chez beaucoup de matérialistes la profession de foi matérialiste s’accommodait avec un respect aux dieux.

L’étude du cas égyptien et des systèmes matérialistes gréco-latins pourra nous permettre de mieux illustrer notre propos.

II.Les systèmes hybrides de l’Egypte pharaonique

En Egypte pharaonique plusieurs systèmes cosmogoniques coexistaient ou se succédaient ; ils s’influençaient réciproquement, mais gardaient les traits spécifiques que leur avaient donnés les clergés rivaux. (Voir à ce propos C. A. Diop, Antériorité des civilisations nègres… pp. 216 – 230), Civilisation ou Barbarie, pp. 387-392).

Dans le système hermopolitain (d’Hermopolis) il faut noter 4 couples divins réunissant chacun un principe mâle et un principe femelle.

*… Les eaux primordiales (Noun Naunet)

*… Les ténèbres primordiales (Kekou – Keket)

*… L’immobilité, le temps (Hehou Hehet

*… L’espace illimité (Amon – Amonet)

C’est dans ce cadre constitué par les 8 principes d’où le nom d’ogdoade hermopolitaine) que commence la création. Un tertre apparaît sur lequel éclot un œuf d’où devait sortir le soleil (Ré). Maurice Bucaille n’a pas manqué de souligner les similitudes entre ce type de cosmogonies et de récit de la création tel qu’il est rapporté dans la Bible. En effet dans le chapitre 1 v. 1 et 2 il y est dit « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. Or la terre était vague et vide, les ténèbres couvraient l’abîme. L’esprit de Dieu, planait sur les eaux ».

« On peut fort bien admettre, dit Bucaille, qu’au stade où la terre n’avait pas été créée, ce qui va devenir l’univers tel que nous le connaissons était plongé dans les ténèbres, mais mentionner l’existences des eaux à cette période est une allégorie pure et simple. C’est probablement la traduction d’un mythe » (M. Bucaille, op. cit., pp, 34 – 35).

L’auteur se montre très perspicace ici, malheureusement il ne montre pas la même perspicacité lorsqu’il examine le texte coranique ; nous y reviendrons.

– Dans le système memphite (de Memphis) les eaux primordiales sont toujours le point de départ. De ces eaux émerge le tertre primordial, le dieu Ptah (d’après l’exégèse étymologique Ptah vient de tz-tjenen = le tertre émergeant). Sur ce tertre apparaît une fleur de lotus Nefertoum, d’où sortira le soleil Rè.

Ensuite, et c’est là où le matérialisme cède le pas à l’idéalisme, le reste de la création va être le fait du dieu Our-Atoum, une des hypostases de Ptah.,

Our-Atoum (Wr-Atoum = le grand Atoum) donc qui n’est qu’un aspect de Ptah va créer tous les autres dieux et tous les êtres, uniquement par sa volonté, au moyen de son cœur (ib) siège de l’intelligence, du discernement (sia) et au moyen de sa langue (ns), personnification de la décision (hou).

« Il arriva que Atoum fut engendré, les dieux furent rendus à l’existence par Ptah. C’est lui qui enfanta les dieux ; de lui sortirent également toutes choses en tant que nourritures et mets en tant qu’offrandes des dieux et en tant que toutes bonnes et belles choses. Ainsi on a trouvé et reconnu (par sagesse) que sa puissance est plus grande que celle des autres dieux. Ainsi Ptah était content après qu’il a engendré toutes choses et toutes les paroles divines assurément. Ptah enfanta les dieux, construisit les villes, fonda les nomes, plaça les dieux dans les sanctuaires, façonna leurs corps selon leur désir. Ainsi les dieux entrèrent dans leurs corps faits de toutes sortes de bois, de toutes sortes de minéraux précieux (pierre ou métal, de toutes sortes de substances qui croissent en lui, Ptah, la terre marécageuse de Memphis ».

Ce texte repris dans la stèle du pharaon soudanais, Shabaka (713-701 av. J.-c.) de la XXVe dynastie égyptienne est bien analysée par Théophile Obenga dans son ouvrage « L’Afrique dans l’Antiquité », (présence Africaine, 1973, chap. VI, pp.129 – 161).

– Enfin dans le système héliopolitain (d’Héliopolis) nous avons encore les eaux et les ténèbres primordiales. Puis Atoum vient à l’existence sous l’impulsion de sa propre énergie : par la suite par masturbation ou par crachat donne naissance à Shou Tefnout, l’Air et le Vent, le Sec et Humide.

De Tefnout et Shou naquirent Gheb (la terre) et Nout (le ciel) unis dans une étreinte amoureuse. Shou (l’Air) va les séparer et c’est lorsque Gheb s’efforce de rejoindre Nout qu’il y a des ondulations sur la terre (les montagnes, les collines, etc.).

– L’ennéade est complétée par Osiris et Isis, Seth et Nephtys. _Si M. Bucaille avait interrogé ces systèmes, il aurait perçu les similitudes entre certains traits de ces cosmogonies et le récit de la création rapporté dans le Coran.

En effet dans la sourate 21, au verset 30 il est dit :

« Les impies n’ont-ils pas vu que les cieux et la terre étaient soudés, que nous les avons séparés, et que de l’eau nous avons fait provenir toute chose vivante ? Eh quoi ! ne croiront-ils donc point ? »

On voit là la reprise de deux idées que nous avons déjà signalées :

L’eau considérée comme élément primordial ;

La séparation du ciel et de la terre.

Ce survol nous permet d’ores et déjà d’avancer quelques certitudes.

Il est indéniable que dans les cosmogonies anciennes, il pouvait exister un noyau matérialiste, ce noyau pouvait nager dans une mare idéaliste. Lange avait déjà remarqué que « les cosmogonies de l’orient et de l’Antiquité grecque ne présentent pas plus de conception matérialistes que de conceptions spiritualistes (Lange, Histoire du matérialisme, t. l, p. 2).

Olivier Bloch fait la même remarque : « … dans les formes élémentaires de la religion antique ce peut être en quelque sorte à l’intérieur de la religion elle-même que se dissimule confusément aussi bien des éléments quasi matérialistes, qui ne se séparent pas de la conscience religieuse globale… » (O. Bloch, op. Cit., p. 10).

Certes il y a des différences entre polythéismes et monothéismes [2], néanmoins il convient de noter une grande similitude entre certaines cosmogonies « animistes » et certains récits de la création rapportés dans des professions de foi monothéistes. On a vu que dans beaucoup de systèmes cosmogoniques la matière est antérieure à toute « création » [3] ; ce que les anciens Egyptiens affirmaient de manière explicite, les religions monothéistes (christianisme, islam) l’admettent de manière implicite, car en examinant leurs récits de la création, on s’aperçoit que l’Etre Suprême crée à partir d’un cadre matériel préexistant (qu’on l’appelle le chaos, les ténèbres). Comme quoi c’est la quadrature du cercle, rappelons au passage qu’Epicure s’était réellement envisagé dans la voie matérialiste parce que ses maîtres n’avaient pas réussi à lui expliquer d’où venait le chaos formulé par Hésiode.

C’est le moment de clarifier un point du débat ; ce qui oppose matérialistes et idéalistes, ce n’est pas que les uns reconnaissent la matière et les autres non. Les religions y compris les monothéistes essaient d’avoir un point de vue scientifique « mais les idées religieuses sur le passé de la terre ou sur la création du monde, par exemple ne correspondent à aucune réalité objective. Une réalité objective correspond à la conception scientifique de l’existence de la terre dans un espace déterminé par rapport aux autres planètes : pendant une durée déterminée antérieurement à la matière organique (bien que cette conception soit aussi relative à chaque degré du développement de la science que l’est la religion à chacun des stade de son évolution » (Lénine, Théorie de la connaissance, t. XIV, p. 193).

On voit donc que matérialistes et idéalistes s’accordent pour admettre l’existence de la matière, ce qui les oppose c’est non seulement l’explication de l’origine du mouvement de la matière, mais encore le traitement du rapport entre la pensée et la matière.

  1. Bernhardt définit le matérialisme « comme une prise de position d’ordre radical, affirmant, selon une sorte de concept inévitablement privatif, le primat ontologique du désordre sur l’ordre et du hasard sur la finalité ». (Cf. Platon et le matérialisme ancien, Appendice I sur l’emploi du terme matérialisme, p. 205).
  2. Bloch paraphrasant Engels renchérit : « le matérialisme étant la conception de la nature sans addition étrangère, la religion, elle, est toujours d’emblée cette addition étrangère primitive que la conscience humaine apporte à la nature et que le matérialisme doit évacuer… » (op. cit p. 10).

Si les théologiens n’ont pas pu se débarrasser de l’imposante présence de la matière, les philosophes matérialistes peuvent-ils faire bon ménage avec les divinités ? L’expérience gréco-romaine montre la complexité du problème.

 

III.L’expérience gréco-romain

On est souvent étonné de noter la différence avec laquelle les premiers matérialistes de l’Antiquité gréco-romaine ont traité les dieux.

N’est-ce pas Thalès qui admettait que « tout est plein de dieux » ? Pour Epicure « les dieux existent et la connaissance qu’on a d’eux est une connaissance d’évidence » (Lettre à Menecée, 122-124).

Lucrèce commence son De Nature Rerum par une invocation à Vénus, divinité de la vie, de la prospérité et de la paix.

S’agit-il comme dans les cosmogonies égyptiennes d’un compromis entre matérialisme et idéalisme ? Pour répondre correctement à cette question, il est nécessaire d’examiner le contexte dans lequel ces matérialistes ont évolué et examiner par la même occasion les grandes lignes de leurs systèmes.

Deux grandes orientations se succèdent dans le temps.

– La théorie des élémenst primordiaux avec comme représentants Thalès, Anaximandre, Anaximène tous de Milet et Héraclite d’Ephèse.

– La théorie corpusculaire, atomistique avec Démocrite. Epicure, Lucrèce.

 

1 -Les précurseurs ioniens

 

L’activité intellectuelle des milésiens et des éphésiens se déroulait dans un contexte libre. Milet et Ephèse se sont enrichis du commerce, leurs habitants ont bénéficié du contact avec l’étranger (Egypte, Phénicie, Babylonie, la Perse, l’Inde).

– Thalès (624-547) serait milésien, de classe aisée, appartenant à la famille des Thélides. Il apparaît comme maître en géométrie, astronomie et cosmologie. Pour lui l’« arche », le principe de toute vie c’est l’élément humide, qui se solidifiant donne les solides et la terre, qui s’évaporant donne l’air, puis le feu. Le monde serait une énorme bulle d’air perdue dans le feu immense avec dans sa partie inférieure, le disque solide de la terre reposant sur les « eaux inférieures » ; les astres seraient des « trous » dans la sphère !

Il eut pour disciples Anaximandre et Phérécide.

– Anaximandre (610-546). Il opte pour un autre principe ; pour lui l’élément primordial c’est l’indéterminé (l’« apeiron »). Il conçoit le monde à l’image d’une machine, la terre comme suspendue dans le vide ; les corps célestes visibles seraient la manifestation du feu contenu dans les roues gigantesques du ciel : et là où les roues ont des évents, le feu s’échappe.

Il a conçu une pluralité des mondes et a tenté une explication de l’origine des êtres vivants ; les animaux seraient le produit de l’action du soleil sur la surface des humides.

Anaximène (585 – 525). Pour lui l’archê c’est l’air qui devient feu, eau ou terre selon qu’il se fait plus léger ou plus lourd. Il conçoit l’homme comme un « micros cosmos » un petit monde adéquat à la substance du grand monde (macros cosmos).

– Héraclite (530-470) prend comme « archê » le feu élément mobile ; il en découle que tout se meut. Nous lui devons les fameuses formules : « tout s’écroule », « il n’est pas possible d’entrer deux fois dans le même fleuve, il n’est pas possible de se baigner avec la même eau ». La matière est éternelle, le mouvement perpétuel. « Cet ordre du monde, dit-il, n’a été créé par aucun des dieux, ni des hommes ; mais il fut toujours, il est et il sera, – feu éternel s’allumant à mesure et à mesure s’éteignant ». Il a développé la théorie de la lutte des contraires.

« Ce qui diverge s’unit, et des éléments différents naît la plus belle harmonie, tout se produit selon leur lutte ».

Sur la religion sa position est sans équivoque. « Héraclite combat toutes les formes de religion de l’adoration des images, qui équivaut selon lui, à dialoguer avec les murailles des édifices, aux sacrifices expiatoires qui remplacent une souillure par une autre, « comme si celui qui a marché dans la boue voulait se laver avec la boue », des pratiques du culte de Dionysos aux cérémonies des mystères » (Cogniot, p. 30).

Si on retient que le philosophe est descendant d’une famille royale destituée et qu’il avait rempli d’importantes fonctions sacerdotales [4], on comprend qu’il puisse parler de la religion en « connaisseur ».

2 -Les matérialistes de la Grèce classique

Après les Ioniens, les penseurs matérialistes de l’Age classique grec vont essayer de développer les thèses de leurs devanciers ; ils vont surtout essayer de découvrir la structure profonde des objets, qu’ils considèrent comme résultant de l’agrégation et de la séparation de particules élémentaires.- Anaxagore de Clazomenes (500-428) toujours originaire de cette terre d’Ionie, reprend l’idée selon laquelle rien ne naît de rien et que rien ne périt.

« Le substrat de tous les objets, le stable qui se cache sous le devenir ce sont les particules matérielles ou « semences des choses » qui se distinguent par leur infinie variété qualitative ».

Très tôt il a perçu le rôle de la main dans l’harmonisation. Anaxagore se présente comme un théoricien doublé d’un praticien. On rapporte sa démonstration devant Périclès à propos de la mystérieuse tête de bélier unicorne.

« D’après les croyances traditionnelles, il s’agit d’un prodige à signification religieuse et magique et en effet le devin consulté tire de cette anomalie de lourds présages politiques et sociaux. Anaxagore lui prétend qu’il n’y a là que l’union de deux cornes en une seule par suite d’une malformation des os de la tête. Il fend la tête et montre par une véritable dissection le bien fondé de son dire, aux applaudissement de l’assistance et à la confusion du devin ». (Cogniot, p. 42).

Il faut noter au passage que c’est un disciple d’Anaxagore, je veux parler de Thucydide qui révolutionna l’historiographie grecque ; il rejette les explications surnaturelles et cherche les « tenants et les aboutissants d’une affaire », dégage les différents niveaux de causalité. Son apport est tellement décisif que quelqu’un a pu dire que si Hérodote est le père de l’Histoire, on peut voir dans Thucydide l’instituteur des historiens, 1968. [5] (Gonzague Truc, Histoire des littératures) Paris, Plon, 1952, p. 200)

Ce que Thucydide apporte à l’histoire, Hippocrate de Cos le fit pour la médecine. Ainsi donc les philosophes matérialistes baignent dans une ambiance où la raison prenait le pas sur les mythes. N’est-ce pas Prométhée qui déclarait : « En un mot j’ai de la haine pour tous les dieux (Eschyle, Prom. ench. 975).

– Empédocle d’Agrigente (490-430) fait la synthèse de la pensée ionienne et réunit comme éléments fondamentaux l’eau, l’air et le feu en y ajoutant la terre. Tous les corps constituent selon lui des combinaisons diverses de ces éléments, et les qualités du composé dépendent de la nature de sa composition. On trouve chez le penseur matérialiste Azerbaïdjanais, Nizami Gandjevi (vers 1141-1203) des traces du système d’Empédocle. Ce dernier est en même temps un précurseur de l’atomisme « chez lui l’action d’un corps sur un autre ne se comprenait que par l’émanation des particules invisibles de l’un qui vont se loger dans les pores de l’autre » (Cogniot. p. 48).

Il reprend également la lutte des contraires, chez lui les principes de l’attraction et de la répulsion sont symbolisés par la Haine et l’Amour.

Concernant les dieux, ils les considèrent comme des êtres à longue vie, mais non immortels.

– Démocrite d’Abdère (460370) disciple et ami de Leucippe fut comme les premiers Ioniens un grand voyageur ; il visita l’Egypte, l’Inde et la Babylonie. A Athènes il aurait suivi les cours de Socrate sans décliner son identité.

Démocrite est un esprit encyclopédique, il s’intéresse à la philosophie, aux sciences naturelles et mathématiques, à la philologie, à la poésie, aux arts, à la sociologie, à la psychologie et aux techniques.

– Sa théorie physique est la suivante : les atomes sont les plus petits corps immuables, insécables, et sans qualité, mais inégaux au point de vue quantitatif, le vide infini est le cadre, l’emplacement dans lequel ces corps se meuvent de toute éternité dans tous les sens, se heurtent, se repoussent, se combinent pour former tous les objets de la nature.

– Sa théorie de la connaissance découle des principes physiques, il a posé les sensations comme premier stade de la connaissance. On est là très loin du mythe idéaliste platonicien.

L’opinion de Démocrite sur les dieux nous est rapportée par Sextus Empiricus (IIe siècle de notre ère). ..

« Nous sommes arrivés à l’idée des dieux à partir des phénomènes merveilleux de la nature ; tel est, semble-t-il, l’avis de Démocrite. En effet, il dit que les hommes anciens, en voyant les phénomènes célestes comme le tonnerre, l’éclair, la foudre, la conjonction des étoiles, l’éclipse du soleil et de la lune, ont été saisis de terreur et ont supposé que les responsables étaient les dieux » [6].

Ce niveau d’explication est ce que O. Bloch appelle la genèse naturaliste ; mais Démocrite ne s’en arrête pas là. « Ses explications paraissent combiner une genèse en quelque sorte psychologico-réelle, une genèse morale et une genèse naturaliste. La première est liée à la représentation des dieux que j’évoquais à l’instant : les hommes ont vu en rêve ces images des dieux, qui sont des images réelles, des combinaisons d’atomes, et ils ont cru à l’existence de ces images. A cette genèse encore matérielle s’ajoute un schéma d’explication morale qui rend compte de la croyance religieuse par la mauvaise conscience des hommes : « Quelques-uns, par suite de l’ignorance où ils sont de la décomposition réservée à notre nature, par suite aussi de la conscience qu’ils ont de leurs mauvaises actions passent leur vie dans le trouble et l’angoisse en imaginant des fables mensongères sur ce qui advient après la mort » [7].

On voit donc que Marx et Engels ont raison d’appeler Démorite le premier esprit encyclopédique parmi les Grecs, et Cogniot de le considérer à juste titre comme celui qui est à la « tête de la lutte des matérialistes de son siècle contre l’idéalisme et la religion » (op. cit., p. 59).

Deux autres philosophes vont enrichir sa théorie et acquérir une renommée tout aussi grande que celle du maître : j’ai nommé Epicure et Lucrèce.

3 -Les matérialistes des périodes sombres

Epicure (341-270) vécut à une période tourmentée (celle de la domination macédonienne) et apparaît comme ayant beaucoup erré avant de s’établir définitivement à Athènes en 306. Le maître du jardin a produit un système en trois volets.

– La physique qui traite de la nature.

– La canonique ou logique qui traite des moyens de parvenir à la vérité.

Enfin l’éthique qui traite du but de la vie.

-Concernant la physique il reprend la théorie atomistique de Démocrite en la modifiant, en y ajoutant le principe de la déclinaison. Marx insiste sur cet apport dans sa thèse de doctorat de 1841 [8]. La déclinaison est le fondement des mouvements libres, alors qu’en suivant le déterminisme mécaniste de Démocrite, le Destin était aussi oppressif qu’une divinité, pense à juste titre Cogniot (op. cit., p. 69).

Sa conception des dieux est ainsi formulée : « ils existent, mais ils ne sont pas tels que la foule les conçoit. L’impie pour lui n’est pas celui qui nie les dieux de la foule mais celui qui applique aux dieux les croyances de la foule » (Lettre à Menecée 122 – 124).

– Lucrèce (98- 55) qui sera le plus fécond des épicuriens romains a à peu près la même opinion sur les dieux. Pour lui les dieux jouissent d’une immortalité associée à la plus haute paix, éloignés, séparés de nos affaires [9] (De Natura Rerum), II, 644 – 651). L’ouvrage ainsi cité est de l’avis de Cogniot ce qu’il y a de plus achevé dans la philosophie scientifique et rationnelle de l’Antiquité (Cogniot, p.131). Le contenu et le plan de l’ouvrage sont du reste assez révélateurs de l’ambition du philosophe.

– Le livre I traite de la religion, considérée comme source des maux de l’humanité.

– Le livre II des atomes et de leur mouvement, de l’origine des sensations.

Le livre III de l’Ame.

Le livre IV de l’anthropologie.

Le livre V de la cosmogonie, de l’origine du langage, de la religion une nouvelle fois.

– Enfin le livre VI parle des phénomènes météoriques, des maladies ; de l’attraction magnétique…

CONCLUSION

Au terme de cette étude on voit se dégager deux positions chez les matérialistes de l’Antiquité.

– Pour les uns les dieux n’existent pas, ils sont le fruit de l’imagination humaine ; Démocrite est le représentant typique de cette tendance.

– Pour les autres ils existent soit comme éléments indestructibles (cf. Epicure) soit comme des êtres supérieurs mais mortels, c’est-à-dire corruptibles (cf. Empédocle). Presque tous s’accordent pour admettre qu’ils n’interviennent pas dans les affaires humaines.

La première position ne pose pas problème, elle est une conséquence logique d’un matérialisme véritable, c’est donc la dernière position qui mérite explication.

Si on se reporte à notre première partie, on peut admettre sans difficulté qu’idéalisme et matérialisme puissent faire bon ménage chez certains penseurs.

La contradiction que nous avons décelée dans les cosmogonies orientales et africaines, qui persiste chez Thalès, se maintient chez les Stoïciens qui ne reconnaissent aucun dieu transcendant, leur dieu est identique au monde.

– Une autre tentative d’explication serait de ne voir dans cette contradiction que l’effet d’une clause de style chez certains auteurs. Ainsi on pourrait penser que Lucrèce s’adresse à Vénus, comme n’importe qui dirait Inch’ Allah sans trop penser au dieu des musulmans, comme encore Ngugi l’écrivain kenyan qui se sert de symboles et d’images bibliques tout en ne faisant pas mystère de ses convictions marxistes (cf. son ouvrage Petals of Blood). Cette explication ne me semble pas plausible pour nos auteurs de l’Antiquité, ceux qui admettent que l’existence des dieux sont assez explicites.

– Enfin, il y a une dernière possibilité à exploiter ; il s’agit de voir si certains matérialistes n’étaient pas mus par des considérations tactiques [10], par l’instinc de conservation dans le cadre d’une société intolérante. Ainsi ils n’auraient cherché surtout à combattre que les superstitions donc les aspects les plus saillants de l’obscurantisme.

Si on rappelle que Diogène d’Appollonie, disciple d’Anaximène fut poursuivi pour impiété, que Protagoras le sophiste disciple de Démocrite fut chassé d’Athènes pour avoir dit ne rien savoir des dieux, si on sait aussi que même des réformateurs de l’idéalisme [11], tel Socrate furent également persécutés, on comprend dès lors que la situation d’intolérance pouvait inciter plus d’un matérialiste à la prudence ; ainsi leurs propos doivent être situés dans un contexte socio-politique précis [12].

En tout état de cause leurs adversaires n’ont pas été dupes.

– D’abord leurs contemporains idéalistes tel Platon, à qui on a prêté l’intention de brûler toutes les œuvres de Démocrite et qui a mis en relation l’impiété et les séditions contre l’ordre établi (cf. Lois, X, 889a, 890a). Et pour mieux combattre, le matérialisme, il n’a pas manqué de lui emprunter certains schèmes de pensée, cf. l’ouvrage de J. Bernhardt (Platon et le matérialisme ancien).

– Par la suite tous les païens idéalistes et obscurantistes se sont toujours heurtés au matérialisme.

Cogniot rapporte que « quand l’empereur Julien essaiera de restaurer le paganisme et fera composer par son ami Sallustius le traité Sur les dieux (probablement en 363) de notre ère, l’auteur cherchant à établir le règne de la providence sur l’univers, considérera encore l’épicurisme comme son grand adversaire » (Cogniot, op. cit., p. 179).

-Enfin le dernier groupe à qui les matérialistes ont donné du fil à retordre c’est celui des chrétiens. N’est-ce pas Clément d’Alexandrie qui précise que « si l’apôtre Paul attaque les philosophes, il a seulement en vue les épicuriens » (cité par Paul Nizan, Les matérialistes de l’Antiquité, petite collection Maspéro, 1971, p.44).

Cette discrimination à l’égard des philosophes matérialistes explique dans une certaine mesure le black out longtemps entretenu sur leurs œuvres. Il a fallu la Renaissance puis le Siècle des Lumières et enfin l’irruption des marxistes sur la scène de l’histoire pour que ces œuvres soient exhumées et appréciées à leur juste valeur [13].

BIBLIOGRAPHIE

BERNHARDT J.- Platon et le matérialisme ancien, Paris, Payot, 1971.

BLOCH O. – « Matérialisme et critique de la religion dans l’Antiquité » in Philosophie et religion, CERM, 19…, pp. 7-24.

BUCAILLE M. -La Bible, le Coran et la Science, Paris, Seghers, 1976.

COGNIOT G.- Le matérialisme gréco-romain, Paris, éd. Soc., 1964.

GLASENAPP H. de- La philosophie indienne…, Paris, Payot, 1951.

HERBERT J. – Cosmogonie Japonaise, Paris, Deroy, livres, 1977.

LANGE F.A – Histoire du matérialisme, t. 1 : Histoire du matérialisme jusqu’à Kant, Paris, Libr. Schneicher Frères, 1910.

MARX K. – Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Epicure, coll. Ducros, 1970.

NIZAN P. – Les matérialistes de l’Antiquité, Paris, Maspéro, 1971.

REMUAT J.P. Abel – Essai sur la cosmographie et la cosmogonie des bouddhistes d’après les auteurs chinois, Paris, Impr. royale, 1843.

SCHWEITZER A. – Les grands penseurs de l’Inde, Paris, Payot, 1952.

SOLLERS Ph. – Sur le matérialisme de l’atomisme à la dialectique révolutionnaire, Paris, éd. du Seuil, 1974.

[1] Les Hindous désignent souvent le matérialisme par le terme « lokâyata ».Selon H. de Glasenapp. « le mot n’est pas univoque ; il désigne généralement toute doctrine s’occupant seulement du monde terrestre, que ce soit science naturelle, science économique ou politique. Les matérialistes s’appellent aussi cârvâka… Cârvâka qui aurait été le fondateur ou le principal disciple du fondateur Brhaspati, identifié au dieu védique du même nom, passe pour avoir été le fondateur du matérialisme à l’époque classique » (H. de Glasenapp, La philosophie indienne. Payot. 1951. p. 106.

[2] 0 Bloch insiste sur la diversité des attitudes, croyances et formes de vie religieuses, sur l’absence de dogmes etc., qui caractérisent les religions polythéistes (op. cit.. pp. 8-9) : A mon avis l’auteur esquisse des éléments de débat, qui doivent être approfondis.

  1. Lange de son côté compare le monothéisme à un lac immense, qui reçoit les flots de la science, jusqu’au moment où soudain ils commencent à percer la digue (LANGE, op. cit., p. 60).

[3] Au XIXe siècle John Tyndall a lancé la boutade « Si la matière passe dans le monde en mendiante, c’est que les jacob de la théologie l’ont privée de son droit d’aînesse » (cité par Cogniot, op., cit., p. 60)

[4] Sur la biographie et l’œuvre des philosophes on peut voir Jean Leloup, Dictionnaire de Littérature grecque et Latine, éd., universit, 1968.

[5] Pour avoir une idée plus précise de l’historiographie dans l’Antiquité, consulter Denis ROUSSEL. Les historiens grecs. Paris. PUF. 1973 ; H. Van EFFENTERRE, L’histoire en Grèce, Paris, A. Colin. 1967 ; J.M. ANDRE et A. HUS. L’histoire à Rome, Paris, PUF 1974.

[6] Lénine reprend cette idée dans une certaine mesure. « La peur a créé les dieux. La peur devant la force aveugle du capital, aveugle parce que ne pouvant être prévue des masses populaires qui, à chaque instant de la vie du prolétaire et du petit patron, menace de lui apporter et lui apporte la ruine « subite », « inattendue », « accidentelle » qui cause sa perte… » (De l’attitude du Parti ouvrier à l’égard de la religion, t. XV, p. 436).

Dans un autre texte Lénine réaffirme : « Dieu est (historique et quotidiennement) avant tout un ensemble d’idées enfantées par le stupide écrasement de l’homme, écrasement dû à la nature environnante et à l’oppression de classe, d’idées qui consacrent cet écrasement, qui endorment la lutte des classes (A. A. M. GORKI, t. XXXV, p. 121).

[7] Ce niveau d’explication peut être accepté par les marxistes.

« La foi en une vie meilleure dans l’au-delà naît tout aussi inévitablement de l’impuissance des classes exploitées dans leur lutte contre les exploiteurs que la croyance aux dieux, aux diables, aux miracles, naît de l’impuissance du sauvage dans sa lutte contre la nature. A ceux qui passent toute leur vie dans la misère, la religion enseigne la patience et la résignation ici bas, en les berçant de l’espoir d’une récompense céleste. Quant à ceux qui vivent du travail d’autrui, la religion leur enseigne la bienfaisance ici-bas, leur offrant aussi une facile justification de leur existence d’exploiteurs et leur vendant à bon compte des billets donnant accès à la félicité divine… » LENINE, Socialisme et religion, t. X, p. 80.

[8] Cf Karl MARX. Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Epicure, traduct., introd., et notes par Jacques PONNIER, Bordeaux, coll., Ducros 1970.

 

[9] Il est intéressant de noter que Bouddha a la même opinion sur les dieux. « Bouddah nie l’existence d’un Etre Suprême et en ce sens il est athée. Cependant, il admet l’existence des dieux. Ce sont, à son avis, que des êtres éphémères comme l’homme mais d’une espèce supérieure. Il ne peuvent rien pour l’homme et celui-ci n’ pas d’obligation vis-à.vis d’eux ». (A SCHWEITZER, Les grands penseurs de l’Inde, Paris, Payot, 1952, p. 84).

[10] Cogniot signale à ce propos l’hypothèse de Georg Max Hartman qui voit dans la théorie des dieux présents d’Epicure soit une espièglerie soit une précaution dictée par la prudence (COGNIOT, op. cit., p. 116, note 1).

[11] O. Bloch souligne à juste titre que l’Antiquité n’offrait pas seulement une critique matérialiste de la religion. Il évoque la critique théologique, une critique qui vise à l’épuration, à la promotion de la religion elle-même. Cette critique, c’est celle que l’on trouve en particulier chez Xénophane… » (O. Bloch, op cit.) p. 12).

[12] En effet il est bon de préciser que la plupart de nos philosophes sont aussi des hommes politiques.

« Le matérialiste Anaxagore est l’ami et le frère d’armes du chef de la démocratie athénienne, Periclès. Le matérialiste Empédocle est à la tête du parti démocratique d’Agrigente en Sicile : il y mit fin au régime aristocratique oppresseur et refusa de placer sur sa tête la couronne qu’on lui offrait. Le matérialiste Démocrite est un homme en vue de la démocratie à Abdère, ville commerçante de Trace ». (COGNIOT, pp. 38-39).

Le même Démocrite a écrit :

« La pauvreté dans la démocratie est autant préférable à la prétendue prospérité sous les despotes que la liberté l’est à l’esclavage ». (ibid.,tp.81).

Concernant Epicure nous savons qu’il vouait une haine non dissimulée à l’égard de l’oppresseur macédonien (ibid., p. 94).

Enfin en suivant certaines hypothèses, Lucrèce est chevalier romain, classe montante qui dispute aux sénateurs l’hégémonie sur la scène politique.

[13] Cogniot a résumé les limites du matérialisme ancien dans sa critique contre la religion. « Si radical que soit cet athéisme pratique, on ne saurait pourtant passer ses limites historiques sous silence. Le matérialiste antique interprète le monde, mais n’appelle pas à le transformer. Il critique la religion, en voyant dans une certaine mesure que la misère religieuse est l’expression d’une psychologie malheureuse ; mais il lui échappe qu’elle est aussi la protestation contre la misère sociale réelle, « le soupir de la créature accablée par le malheur comme dira Marx, concluant de là que « la lutte contre la religion est, par ricochet, la lutte contre ce monde, et que le véritable bonheur exige l’abolition d’une situation « qui a besoin d’illusions. (COGNIOT, op. cit., p. 174).

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