Philosophie : Descartes et cartésiens

DESCARTES ET LA METTRIE : DE LA VIE AU VIVANT

Ethiopiques numéro 63

Revue négro-africaine de littérature et de philosophie

2ème semestre 1999

Philosopher, pour Descartes, cela ne saurait être apprendre à mourir, mais plutôt apprendre à vivre, et pourquoi pas, à vivre heureux, « vivere beate ». Vivre, c’est ouvrir les yeux de l’esprit sur soi-même et sur le monde, et se lancer dans ce merveilleux voyage de la recherche du savoir.

Ainsi vivre sans philosopher, c’est vivre les yeux fermés. Souvenons-nous de la Lettre Préface aux Principes de la philosophie :

« C’est proprement avoir les yeux fermés, sans tâcher jamais de les ouvrir, que de vivre sans philosopher ; et le plaisir de voir toutes les choses que notre vue découvre n’est point comparable à la satisfaction que donne la connaissance de celles qu’on trouve par la philosophie, et enfin, cette étude est plus nécessaire pour régler nos mœurs et nous conduire en cette vie, que n’est l’usage de nos yeux pour guider nos pas » [2].

« En cette vie » nous dit Descartes, il ne nous invite pas comme Platon à nous détacher de ce monde sensible, et à rejeter le theatrum mundi comme illusoi­re. Nous devons, bien au contraire, y jouer notre rôle, à savoir dans et par la connaissance, nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. Descartes présente souvent la vie comme le bien le plus précieux. Etre vivant et en bonne santé est la condition nécessaire à la recherche de la connaissance. Vers la fin de sa vie, cet homme maladif disait que le plus important, c’est la recherche médicale, afin de prolonger l’espérance de vie de l’homme.

L’homme en effet, a tellement de choses à connaître, que sa vie, même si elle durait une centaine d’années, serait toujours trop brève.

Aussi, Descartes considère t-il la santé et tout ce qui contribue à sa préserva­tion comme tout à fait essentiels. La sixième partie du Discours de la méthode nous met en présence d’un homme conscient de la valeur de la vie, mais aussi extrêmement lucide en ce qui concerne la condition humaine. Il attend beaucoup de la médecine. Grâce à elle, l’homme pourrait s’exempter d’une infinité de mala­dies tant du corps que de l’esprit, et même aussi peut-être de l’affaiblissement de la vieillesse, si on avait assez de connaissance de leurs causes.

Nous sommes bien loin de l’image idyllique du vieux sage serein, à la barbe blanche, jouissant déjà, par anticipation, des délices de l’au-delà. La vieillesse apparaît ici, comme la souffrance de l’impotence voire le risque de la déraison, donc la perte ou du moins la dégradation de ce qui nous fait être homme. Par conséquent, nous devons la combattre. Non pas par quelque mystérieux élixir de jeunesse – laissons ces chimères aux alchimistes – mais par une connaissance rationnelle du mécanisme de la vieillesse. La conception mécaniste du corps nous autorise à penser qu’il est possible de mettre en évidence l’enchaînement de causes et d’effets menant à la vieillesse, et de découvrir tous les remèdes dont la nature nous a poursuivi. Justement, ce disciple de Descartes qu’est La Mettrie est un médecin d’abord avant d’être philosophe. Il fut séduit par l’idée de Descartes selon laquelle le corps humain est « une machine qui, ayant été faite des mains de Dieu, est incomparablement mieux ordonnée et a en soi des mouvements plus admirables qu’aucune de celles qui peuvent être inventées par les hommes. » [3]

Une importante rupture se produit ainsi. Avant, toute une tradition issue d’Hippocrate et d’Aristote tendait à faire du corps un lieu mystérieux où se pro­duisent des phénomènes dont l’explication relève d’un mystère encore plus grand. En effet, dire d’un être qu’il est vivant parce qu’il est animé par une âme ou, avec le vitalisme, par une « Vis Vitalis », est-ce éclaircir le mystère de la vie ou le rendre plus profond encore ?

La Mettrie voit dans le mécanisme cartésien, et sa thèse de l’animal – machine la possibilité d’une approche objective du corps, devenu ainsi un objet tout à fait rationnel. Comment expliquer le fait que La Mettrie en écrivant un de ses ouvrages majeurs, L’Homme Machine, semble aller plus loin que Descartes en faisant de l’homme et non plus seulement du corps une machine ? Il va si loin qu’il entre en contradiction avec Descartes, puisqu’il abolit la distinction si fondamen­tale dans la philosophie cartésienne entre l’âme et le corps. A la place du dualis­me cartésien, apparaît chez La Mettrie un monisme que l’auteur justifie par un fait général : « Les divers états de l’âme sont donc toujours corrélatifs à ceux du corps » [4].

La Mettrie, en effet, considère l’empirisme comme la seule méthode valable : « L’homme est une machine si composée, qu’il est impossible de s’en faire d’abord une idée claire, et conséquemment de la définir. C’est pourquoi toutes les recherches que les plus grands philosophes ont faites a priori, c’est-à-dire en vou­lant se servir en quelque sorte des ailes de l’esprit ont été vaines. Ainsi ce n’est qu’a posteriori ou en cherchant à démêler l’âme comme au travers des organes du corps, qu’on peut, je ne dis pas découvrir avec évidence la nature même de l’hom­me, mais atteindre le plus grand degré de probabilité possible sur ce sujet. Prenons donc le bâton de l’expérience… » [5]

Ainsi, il ne s’agit nullement de dire que La Mettrie a osé mener jusqu’au bout le mécanisme cartésien. En réalité, leurs démarches s’opposent. Aussi nous pro­posons-nous de montrer que cette opposition apparaît clairement dans le fait que Descartes, au-delà de ses interrogations sur l’être vivant, s’inquiète – au sens éty­mologique du terme – de la vie, tandis que l’empiriste et le matérialiste La Mettrie cherche à connaître ce dont on peut faire l’expérience à savoir le vivant.

Descartes, par sa conception mécaniste de l’univers en général, et du corps en particulier, se donne les moyens de penser scientifiquement le corps et par consé­quent de le réparer comme on répare une machine en cas de besoin.

La saisie du Cogito, alors même que l’existence des choses matérielles, éten­dues n’est pas encore démontrée, établit la distinction entre l’âme et le corps. Il n’y a rien de spirituel dans la matière et il n’y a rien non plus de matériel dans l’es­prit. Le corps peut donc être connu sans la moindre nécessité de faire intervenir l’âme ou quelque autre notion abstraite dont nous ne saurions aucunement faire l’expérience. Descartes envisage ainsi une véritable approche scientifique de l’être vivant. La connaissance des lois du mouvement nous permet de connaître la machine qu’est le corps. C’est pourquoi, dans Les Principes, dans l’arbre de la connaissance, la médecine apparaît après le tronc, la physique, puisque la pre­mière dépend de la seconde. Le Traité de l’Homme expose la physiologie et la psychophysiologie toutes deux mécaniques de Descartes.

La fin de l’ouvrage récapitule toutes les fonctions que cette machine peut assurer : la digestion, le battement du cœur et des artères, la nourriture et la crois­sance des membres, la respiration, la veille et le sommeil ; la réception des sons, et « l’impression de leurs idées dans l’organe du sens commun et l’imagination » ; les passions. Descartes affirme de nouveau après cette énumération, l’efficacité de l’approche mécanique :

« Je désire, dis-je, que vous considériez que ces fonctions suivent toutes natu­rellement, en cette machine, de la seule disposition de ses organes, ne plus ne moins que font les mouvements d’une horloge ou autre automate, de celle de ses contrepoids et de ses roues ; en sorte qu’il ne faut point à leur occasion que son sang et ses esprits, agités par la chaleur du feu qui brûle continuellement dans son cœur, et qui n’est point d’autre nature que tous les feux qui sont dans les corps inanimés. » [6]

Il est nécessaire de rappeler que les « esprits », ce sont les « esprits animaux », c’est-à-dire la partie la plus fluide du sang.

Ainsi, Descartes a poussé fort loin l’explication mécanique, mais il a retenu le mécanisme à la frontière de nos pensées.

Persuadé de la réalité de l’esprit, Descartes a réservé le côté intellectuel des fonctions mentales, de la perception, de la mémoire.

Selon Descartes, en effet, l’homme n’est pas seulement un être vivant, un être doté de vie, par opposition à la matière inerte, il est aussi et surtout un être ayant reçu le don de la vie. La différence est importante, car si la première expression nous fait demeurer dans la physiologie, la seconde nous oblige à en sortir. La seconde signifie qu’au-delà des mécanismes physiologiques qui concernent le corps, l’homme a une autre fonction – la plus haute- qu’il doit remplir, celle de pen­ser et de s’élever ainsi à sa propre humanité.

Contrairement aux vitalistes qui disent qu’un être est vivant parce qu’il a en lui la Vie, avec un « V » majuscule, Descartes fait de la vie l’activité par laquelle l’hom­me, subordonnant le vivant en lui à l’esprit, devient véritablement homme. Vivre, c’est avant tout agir conformément à la raison. Vivre c’est agir et agir conformé­ment à la pensée. Ainsi Descartes, s’il fait du vivant un véritable objet de science, n’en demeure pas moins un philosophe. La Mettrie, en revanche, lorsqu’il philo­sophe sur le vivant, n’en demeure pas moins un médecin. Nous rejoignons ainsi­ la pensée de Paul-Laurent Assoun dans sa présentation de l’Homme-Machine de La Mettrie :

« Pour Descartes, la réduction de l’animal à une « machinerie » a pour effet­ dont certains théologiens feront même une finalité – de garantir à l’homme son pri­vilège métaphysique, qui consiste en la pensée, ce qui engage aussi bien l’immortalité de son âme.

C’est ce qui préserve Descartes de la tentation de traiter l’homme comme une machine, autrement que comme participant à la res extensa. Ou si l’on préfère l’homme n’est déchiffré à travers la figure mécanique qu’en tant qu’animal justiciable d’une investigation anatomique ; en tant qu’homme, il participe de la res­cogitans qui rassure de l’éminence et de la différence ontologique. » [7]

C’est donc aller trop vite que de voir en La Mettrie un héritier de Descartes dont le parricide aurait consisté à pousser le mécanisme beaucoup plus loin que ne l’avait fait le père, en laissant le mécanisme envahir les fonctions de l’âme.

Ils adoptent des points de vue différents, comme l’exprime d’ailleurs La Mettrie, lorsqu’il affirme que l’expérience et l’observation doivent donc seules ser­vir de guides.

Les médecins peuvent constater que l’âme et le corps ne constituent qu’une seule et même totalité.

« Le corps humain est une machine qui monte elle- même ses ressorts : vivan­te image du mouvement perpétuel. Les aliments entretiennent ce que la fièvre exci­te. Sans eux l’âme languit, entre en fureur et meurt abattue. C’est une bougie dont la lumière se ranime, au moment de s’éteindre. Mais nourrissez le corps, versez dans ses tuyaux des sucs vigoureux, des liqueurs fortes : alors l’âme, généreuse comme elles, s’arme d’un fier courage, et le soldat que l’eau eût fait fuir, devenu féroce, court gaiement à la mort au bruit des tambours. C’est ainsi que l’eau chau­de agite un sang que l’eau froide eût calmé. » [8]

La méthode empirique nous montre donc le monisme, c’est- à- dire l’existence d’une seule substance.

D’ailleurs, La Mettrie va préciser un peu plus loin que la Nature utilise tou­jours et partout la même substance :

« L’homme n’est pas pétri d’un limon plus précieux ; la Nature n’a employé qu’une seule et même pâte, dont elle a seulement varié les levains. » [9]

En d’autres termes, les animaux sont formés de la même matière que l’hom­me, « à laquelle il n’a peut-être manqué qu’un degré de fermentation pour égaler les hommes en tout » [10].

Des animaux à l’homme, la transition n’est : donc pas violente, contrairement à ce que pose la philosophie cartésienne. L’animal qui ressemble le plus à l’homme – le singe – ne pourrait-il pas franchir la frontière qui sépare l’humanité de l’ani­malité, à savoir l’usage de la parole ?

Et nous pouvons lire dans l’Homme-Machine ces lignes qui feraient frémir Descartes : « La même mécanique, qui ouvre le canal d’Eustache dans les sourds, ne pourrait-elle le déboucher dans les singes ? Une heureuse envie d’imiter la prononciation du maître, ne pourrait-elle mettre en liberté les organes de la parole dans des animaux qui imitent tant d’autres signes avec tant d’adresse et d’intelli­gence ? Non seulement je défie qu’on me cite aucune expérience vraiment concluante, qui décide mon projet impossible et ridicule, mais la similitude de la structure et des opérations du singe est telle, que je ne doute presque point, si on exerçait parfaitement cet animal, qu’on ne vînt à bout de lui apprendre à prononcer, et par conséquent à savoir une langue. Alors ce ne serait plus ni un homme sauvage, ni un homme manqué : ce serait un homme parfait, un petit homme de ville, avec autant d’étoffe ou de muscles que nous-mêmes, pour penser et profiter de son éducation. » [11]

Il n’existe donc qu’une différence de « degré » entre l’homme et l’animal. Le monisme radical de La Mettrie abolit cette différence ontologique que le dualisme cartésien préservait et semblait même avoir pour principal objectif de préserver. Par là même, nous voyons la légitimation de ce que Ambacher, dans sa Méthode de la philosophie de la Nature, appelle une explication « isomorphique » [12]. Cette expression désigne la volonté de réduire tous les phénomènes de la nature à des lois simples déjà connues, en l’occurrence, les lois du mouvement. Puisque l’hom­me et l’animal sont constitués de la même matière, ils s’expliqueront également de la même manière, selon le même mécanisme. Reste donc à voir, comment La Mettrie explique les opérations que Descartes concevait comme ne pouvant être accomplies que par l’âme.

La réponse de La Mettrie est la suivante :

« L’organisation suffirait-elle donc à tout ? oui, encore une fois ; puisque la pen­sée se développe visiblement avec les organes, pourquoi la matière dont ils sont faits ne serait-elle pas aussi susceptible de remords, quand une fois elle a acquis avec le temps la faculté de sentir ?

L’âme n’est donc qu’un vain terme dont on n’a point d’idée, et dont un bon esprit ne doit se servir que pour nommer la partie qui pense en nous. Posé le prin­cipe de mouvement, les corps animés auront tout ce qu’il leur faut pour se mou­voir, sentir, penser, se repentir et se conduire, en un mot, dans le physique et dans le moral qui en dépend. » [13]

Cette organisation renvoie au fait que le corps se présente comme un ensemble d’organes articulé, dont l’unité de base est la fibre. Cet univers fibrillaire se déploie doublement, en deux sphères : la sphère de l’irritabilité musculaire et celle de la sensibilité nerveuse. Comme le montre bien Paul-Laurent Assoun :

« C’est ce mécanisme neuro-musculaire, à la fois support d’une expérimenta­tion précise et démontré par cette expérimentation, qui permet à La Mettrie de renouer avec la tradition mécaniste, tout en lui donnant une assise expérimenta­le… L’irritabilité devient le principe déterminant de ce schéma mécanique. » [14]

En atteignant un certain degré d’organisation et de sensibilité, la matière devient capable d’effectuer toutes les opérations que l’homme mène, du simple sentir, à la pensée la plus élaborée.

Ce qui justifie les propos suivants, décriés par les adversaires de La Mettrie :

« Plus on exerce l’imagination, ou le maigre génie, plus il prend, pour ainsi dire, d’embonpoint ; plus il s’agrandit, devient nerveux, robuste, vaste et capable de penser. La meilleure organisation a besoin de cet exercice.

L’organisation est le premier mérite de l’homme ; c’est en vain que tous les auteurs de morale ne mettent point au rang des qualités estimables celles qu’on tient de la Nature, mais seulement les talents qui s’acquièrent à force de réflexions et d’in­dustrie : car d’où nous vient, je vous prie, l’habileté, la science et la vertu, si ce n’est d’une disposition qui nous rend propres à devenir habiles, savants et ver­tueux ? » [15]

Il est alors évident que de « l’animal- machine » à « l’homme- machine » il n’y a guère continuité mais véritable rupture, même si ces deux expressions renvoient à une semblable volonté de rationaliser le visible. Voyons comment La Mettrie lui-­même perçoit la pensée de Descartes par rapport à sa propre pensée :

« Je crois que Descartes serait un homme respectable à tous égards, si né dans un siècle qu’il n’eût pas dû éclairer, il eût connu le prix de l’expérience et de l’observation et le danger de s’en écarter.

Mais il n’est pas moins juste que je fasse ici une authentique réparation à ce grand homme, pour tous ces petits philosophes, mauvais plaisants et mauvais singes de Locke, qui, au lieu de rire impudemment au nez de Descartes, feraient mieux de sentir que sans lui le champ de la Philosophie, comme celui du bon esprit sans Newton, serait peut-être encore en friche. » [16]

La Mettrie montre ainsi qu’il ne s’appuie guère sur les mêmes principes que Descartes, bien au contraire. Lui n’a pour guides que l’expérience et l’observation, tandis que Descartes se laisse porter par les ailes de l’esprit. Le médecin philo­sophe poursuit en ces termes :

« Il est vrai que ce célèbre philosophe s’est beaucoup trompé, et personne n’en disconvient. Mais enfin il a connu la nature animale ; il a le premier parfaitement démontré que les animaux étaient de pures machines. Or, après une découverte de cette importance et qui suppose autant de sagacité, le moyen, sans ingratitu­de, de ne pas faire grâce à toutes ses erreurs ! » [17]

Cela signifie que la démarche cartésienne est adéquate lorsqu’il s’agit de la démonstration de la théorie de « l’animal-machine », mais qu’il faut totalement rompre avec elle lorsqu’il s’agit de montrer que l’homme est une machine.

Quelle ironie de l’histoire des idées veut que ce soit pour La Mettrie que nous demandons maintenant réparation et que nous cherchons à corriger l’image réduc­trice qui le présente comme un médecin qui, se piquant de philosopher, est allé trop loin en voulant appliquer à l’homme ce que son « maître » avait dit de l’animal ?

Cependant, cette détermination de La Mettrie à chercher les conditions maté­rielles des opérations mentales connaît toujours la même vigueur. Dans L’Homme neuronal, Jean- Pierre Changeux, à la fois neurologue de renom et représentant du mouvement matérialiste écrit :

« … le cerveau de l’homme se compose de milliards de neurones reliés entre eux par un immense réseau de câbles et connexions,… dans ces « fils » circulent des impulsions électriques ou chimiques intégralement descriptibles en termes molé­culaires ou physico-chimiques, et… tout comportement s’explique par la mobili­sation interne d’un ensemble topologiquement défini de cellules nerveuses. »

Cette dernière proposition enfin a été étendue, à titre d’hypothèse, à des pro­cessus de caractère « privé » qui ne se manifestent pas nécessairement par une conduite « ouverte » sur le monde extérieur comme les sensations ou perceptions, l’élaboration d’images de mémoire ou de concepts, l’enchaînement des objets mentaux en « pensée » [18].

Le neurologue montre qu’il est tout à fait optimiste quant à la possibilité de confirmer cette « hypothèse », par des expériences grâce à la caméra à positrons. Cet appareil permet de détecter le produit de la désintégration de marqueurs radioactifs introduits (via la circulation sanguine) dans le cerveau. A partir de ces mesures, il est possible de reconstituer une image de ce qui se passe dans le cer­veau. On espère ainsi repérer certaines fonctions. J-P Changeux écrit :

« Bien que l’on soit encore loin de disposer de techniques qui permettent de répertorier les assemblées de neurones mises à contribution par un objet mental particulier, la caméra à positrons offre déjà la possibilité de les « entrevoir » à travers la paroi du crâne » [19].

Ainsi se poursuit, certes à partir de principes explicatifs différents, le « combat » que nous venons d’analyser à travers la pensée de Descartes et celle de La Mettrie entre les penseurs de la « vie », et ceux du « vivant ».

[1] Ramatoulaye Diagne est Maitre-Assistante au Département de Philosophie de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.

[2] Descartes, Principes de la Philosophie, Paris. NRF Gallimard 1953, p. 558.

[3] Descartes, Discours de la méthode, Paris, NRF Gallimard 1953, p. 164.

[4] La Mettrie, L’Homme Machine, Paris, Denoël / Gonthier. 1981. p. 104.

[5] Idem p. 97.

[6] Descartes, Traité de l’Homme, Paris NRF Gallimard 1953. p. 873.

[7] Présentation de Laurent Assoun de La Mettrie. L’Homme Machine, ouvr. cit. p. 33.

[8] Idem p. 100.

[9] Idem p. 122.

[10] Idem p. 100.

[11] Idem p. 109.

[12] Idem p. 89.

[13] Idem p. 131.

[14] Idem p. 46.

[15] Idem p. 114.

[16] Idem p. 144.

[17] Idem.

[18] Jean-Pierre Changeux, L’Homme neuronal, Paris, Arthème Fayard. 1983. p.333.

[19] Idem.