Poésies

2.Contre- jour

Ethiopiques numéro 22

revue socialiste

de culture négro-africaine 1980

Contre-jour

A l’océan toujours ce qui efface la nuit

d’un sésame à fleur des os : galet d’étoile, rapt de chevaux.

Voyageur agité des strideurs du sang gommé,

pose ton corps écartelé sur l’or ;

oublie le sol, oublie le ciel et vois

à contre-jour l’oryx asséchant le soleil.

Chaque matin s’éclaire de pies

t’empalant au nopal éclaboussé d’orages.

o clartés meurtrières, je suis assis, j’entends

l’hélianthe courbé

geindre dans les rémiges des oiseaux nécrophages.

Tiznit 1979

Désert

Chien sauvage, très irascible, veux-tu

de mon ombre exprimer le désert douloureux ?

Chacal des nuits sans lune, viens danser sur la plaie

faste des jours furieux.

Je vous donne des heures contuses qui suppurent par le bec du corbeau.

Toute une ville hantée de fous déterre

des chemins en lambeaux.

Mes atomes c1iquettent en étoiles filantes

dans les larmes retenues.

Hyène errantes, brisez ce corps sur le poli

des nues.

Tiznit oct. 1979

 

A Keltoum

Sur les chemins d’exil et d’étoiles, tu marches

jouant avec le sable, avec la nuit et l’eau

consumée par tes paupières…

N’était la roue, je serais le marbre amer

se brûlant à tes yeux… aux mémoires

sans timbre et sans pagaie.

Je brûlerai mon or au couchant de cambouis ;

mais je reviens vers toi dans la sourdine

des phytosonges portant à ma ceinture

l’impeccable année-martyre.

Casablanca 31 Oct. 1979

Cercle

Ici tout cercle tourne autour du Cercle ;

les rayons, les gluons empierrés, les torsions,

le pavé, le grès du pressoir… Ici la roue

épouvantable du jour

inconnu me tord le cou.

Le cercle se ferme dans tes yeux de chorales

et de pleureuses

assises, stipe offerte au silence, au vent

du jet de sang criant

les noms inertes…

Je te vois couchée. Au loin.

les pluviers répètent l’écumeuse

violence

du sable :

couchée sur la dal1e au salon dur sans boussole.

Les terreurs tanguent à mes yeux, mes cheveux

d’où tu reviens te roulant

me déroulant, grand migrateur.

sur un clavier d’étoiles sans contemplation.

 

Casablanra. 24 oct. 1979

Fête

Demain, ils changeront leur ville en abattoir ;

ils se soûleront du sang de la bête, du fumet

des braises et de remugle. Demain,

les yeux, tous les yeux s’assiéront sur le billot

brûlant

des trépidations, des cris, des larmes.

Mais rien ! Rien

ne miroitera.

Termitières, fondrières, égouts, gadoues,

Sodomes, enfants

oubliés sur le trottoir, dansez

dans la ténèbre !

Casablanca 3 nov. 1979